Liste 35 : Littérature japonaise ancienne et moderne

Littérature ancienne


N° 1435 Murasaki Shiribu :  The Tale of Genji , traduction et introduction par Edward G. Seidensticker, édit. Alfred A. Knopf, New-York, 1991. (Relié demi-cuir, dos à nervures)

N° 4078 Murasaki Shiribu :  Le Dit du Genji , traduction de René Sieffert, Verdier, Lagrasse, 2011 (Reliure cartonnée éditeur)

N° 3697 Murasaki Shiribu :  Journal , Publications orientalistes de France, Paris, 1978

    

N° 2505  Les Notes de Chevet de Séi Shônagon’ , trad. André Beaujard, introduction par M. Adatci, ancien Ambassadeur du Japon en France, édit. Libr. Orientale et Américaine G.-P. Maisonneuve, Paris, 1934. (Relié simili)

N° 2869 André Beaujard :  Séi Shônagon’, son temps et son oeuvre  (une femme de lettres de l’ancien Japon), préface de Michel Revon, ancien Professeur à la Faculté de Droit de Tokyo, édit. Libr. Orientale et Américaine G.-P. Maisonneuve, Paris, 1934. (Relié simili)


Je trouve cela assez extraordinaire : l’auteur de la première fiction romanesque, et en même temps du premier chef d’oeuvre - tout le monde en convient - de la littérature japonaise, est une femme ! Et c’est une autre femme, Séi Shônagon, qui, pratiquement à la même époque, invente une autre forme littéraire très libre : une espèce de journal fait de notes et de réflexions ! Et tout ceci au tournant du Xème et XIème siècles. Quand on pense à la place que la civilisation japonaise a faite à la femme dans les siècles qui ont suivi ! Pourtant André Beaujard nous donne une image plutôt nuancée de la situation réelle de la femme à l’époque des dames Shônagon et Murasaki : il est vrai, dit-il, que la beauté était courtisée, et même qu’on respectait les femmes qui brillaient par leurs talents (c. à d. calligraphie, musique et érudition poétique) autant et plus que par leur beauté. Mais ce sont bien les hommes qui avaient le pouvoir. Et le sort des différentes épouses du Souverain n’était pas toujours facile : chacune vivait dans la crainte perpétuelle d’être supplantée et pourtant n’avait pour seule solution que celle, dangereuse, de s’entourer d’une cour de dames renommées pour leur beauté et leurs talents. Quoi qu’il en soit « une chose est certaine », nous dit Beaujard, « c’est que la littérature japonaise des dernières années du Xème siècle et du commencement du XIème fut une littérature féminine ».

Celle qui est connue sous le nom de Murasaki Shikibu est probablement née aux alentours de 976, s’est mariée vers 998-999, est venue à la Cour impériale vers 1005, y est restée au service de l’impératrice jusqu’à 1013 environ et a dû mourir relativement jeune vers 1015. Elle était la fille d’un gouverneur provincial qui, en constatant les capacités intellectuelles de sa fille, a regretté amèrement qu’elle ne soit pas un garçon! Sa famille faisait partie d’une branche mineure de la grande famille des Fujiwara qui a régné sur le Japon pendant la majeure partie de l’ère Heian, c. à d. cette grande période de paix qui va de la fin du VIIIème à la fin du XIIème siècle.

René Sieffert a été Directeur de la Maison franco-japonaise de Tokyo et est devenu notre grand spécialiste de la littérature classique japonaise. Edward Seidensticker était Professeur de japonais à l’Université de Stanford. Je le considère comme le René Sieffert américain même si je préfère le style plus élégant et plus poétique de Sieffert. Il avait débarqué au Japon avec Mac Arthur, a étudié à l'Université de Tokyo et y est revenu pour y finir ses jours (il est décédé en 2007).

Séi Shônagon est pratiquement contemporaine de dame Murasaki. Ses notes ont probablement été rédigées au cours des dernières années du Xème siècle ou au tout début du XIème. Elle aussi fut une dame de la Cour, au service d’une princesse, épouse principale d’un Empereur, et fille d’un Fujiwara. Les Notes mêlent dans un charmant désordre des réflexions sur les gens de la Cour, des descriptions colorées d’une société bien frivole, la relation d’événements festifs, mais aussi de nombreuses notations très personnelles.

Voir Carnets d'un dilettanteDeux Japonaises de l'An Mille. Et aussi Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Littérature japonaise.


N° 3696  Fille de Sugawara no Takasué,  Le Journal de Sarashina , Publications orientalistes de France, Paris, 1978

Traduction René Sieffert. C'est un journal poétique. D'une contemporaine de Murasaki. On ne la connaît que par le nom de son père. Elle est née en 1008 et meurt vers 1060 ou plus tard. 


N° 4721 Anonyme : D'une lectrice du Genji, traduction et introduction par René Sieffert, Publications orientalistes de France, Paris,1994 

C'est peut-être le premier ouvrage de critique littéraire mondial. Ecrit sous la forme d'une conversation entre femmes de lettres qui font l'analyse psychologique selon des critères de vraisemblance des personnages du Roman de Genji et de quatre autres monogataris conservés encore de nos jours. L'auteure est restée anonyme mais on pense savoir aujourd'hui qui elle était. Ce dont on est sûr c'est la date de composition de l'ouvrage qui se situe entre 1198 et 1202. Comme toujours la traduction de Sieffert est magnifique.


N° 4323 Ivan Morris,  La Vie de cour dans l'Ancien Japon , Gallimard, 1969

Sous-titre : au temps du Prince Genji. Traduit de lettres de l'époque en question et de l'anglais. Morris, Anglais, professeur à Columbia, traducteur des Notes de chevet de Sei Shônagon. Excellente étude de l'atmosphère et des femmes


N° 4723 Kamo no Chômei : Les notes de l'ermitage, traduction René Sieffert, Publications orientalistes de France, 1995

Chômei, d'une famille aristocrate, déçu de ne pas obtenir de charge à la cour, se retire dans la montagne où il note dans ce texte célèbre les horreurs qu'il a vues puis le bonheur d'une vie simple au milieu de la nature. Il a vécu de 1153 à 1216 et s'est retiré dans son ermitage en 1208. Les mots qui introduisent ses Notes sont connus par tout un chacun, dit Sieffert, car ils expriment parfaitement cette notion admise par tous les Japonais de toutes les classes sociales, l'impermanence : "Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n'est jamais la même eau..."


N° 4737 Frits Vos:  A Study of the Ise-Monogatari  with the text according to the Den-Teika-Hippon and an annotated translation, thèse de doctorat (université de Leiden), édit. Mouton & Co, La Haye, 1957. (Relié toile)

On a longtemps cru que l’oeuvre connue sous le nom de  Ise-Monogatari  était elle aussi l’oeuvre d’une femme, la poétesse Ise, encore une femme du clan Fujiwara, qui a vécu au début du Xème siècle. Frits Vos, dans sa thèse de doctorat montre qu’il n’en est rien. Il arrive d’ailleurs à la conclusion qu’il est impossible de connaître le nom de l’auteur (tout ce que l’on sait, dit-il, c’est que c’est un auteur unique, membre de l’aristocratie et que l’oeuvre a été écrite au milieu du Xème siècle). Les Contes d’Ise sont une collection de 125 courts épisodes en prose construits autour d’un poème.


N° 3107  The Ôkagami, a Japanese historical Tale , trad. Joseph K. Yamagiwa, édit. George Allen and Unwin, Londres, 1967. (Reliure cartonnée de l’éditeur)

Ôkagami ou le Grand Miroir est une chronique historique qui couvre l’histoire du Japon de 850 à 1025.L’auteur japonais inconnu du Grand Miroir donne l’impression d’ériger une oeuvre à la gloire de la famille des Fujiwara et de son membre le plus éminent, Michinaga, qui a vécu de 966 à 1027 et a véritablement dirigé le Japon pendant plus de 20 ans.Mais le plus remarquable de l’histoire c’est que l’Okagami a fait des petits et qu’il s’est trouvé d’autres chroniqueurs connus ou inconnus qui ont utilisé la même technique pour décrire d’autres périodes de l’histoire japonaise.

Voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Littérature japonaise.


N° 2980  Le Cycle épique des Taïra et des Minamoto : le Dit de Hôgen - le Dit de Heiji , traduction intégrale par René Sieffert, édit. Publications Orientalistes de France, Paris, 1978.

N° 2981  Le Cycle épique des Taïra et des Minamoto : le Dit des Heiké , traduction intégrale de René Sieffert, édit. Publications Orientalistes de France, Paris, 1978.

Avec le Cycle des Taïra et des Minamoto on assiste à un changement radical de décor. Avec Michinaga les Fujiwara ont brillé de leurs derniers feux. Après sa mort leur pouvoir va décliner rapidement. De nouvelles familles vont entrer en scène, des familles alliées elles aussi à l’aristocratie régnante, mais reléguées en province et qui ont gardé toutes leurs vertus guerrières. Les membres de ces familles vont balayer tous ces nobles de la capitale si cultivés et si efféminés. Et prendre elles aussi les Empereurs successifs en otage. Et puis avec ces récits épiques on change en même temps de style par rapport aux Chroniques (qui sont, il faut bien le dire, sans intérêt sur le plan littéraire). Maintenant la réalité et la fiction sont entremêlées, avec pour seul but la dramatisation du récit. D’ailleurs toutes ces épopées ont d’abord été racontées et psalmodiées par des conteurs ambulants.

Les Minamoto ou Genji (Genji est un titre : cela veut dire fondateur d’un clan) et les Taïra ou Heiké ou Heiji sont deux familles qui descendent toutes les deux d’anciens Empereurs.C’est la famille des Genji qui est la plus glorieuse.Les Heiké, eux, descendent d’un Empereur du VIIIème siècle. Ils étaient tombés bien bas. Et pourtant ce sont d’abord eux qui réussissent à prendre le pouvoir. Cette histoire est racontée dans les  Dits de Hôgen  et  de Heiji .

Le  Dit des Heiké  est une oeuvre bien plus vaste que les deux autres récits de la trilogie épique des Taïra et Minamoto. Il couvre d’ailleurs une période de l’histoire plus longue. C’est la montée en puissance des Heiké jusqu’à l’apogée de leur chef Kiyomori et puis de leur lent déclin et de leur chute après la mort de Kiyomori jusqu’à leur élimination totale par les Genji.Le Dit des Heiké est une oeuvre capitale car elle a fondé la langue et la littérature japonaises (le texte sur lequel s’appuie Sieffert est une transcription écrite du XIIIème siècle). Ce sont les épisodes de l’épopée qui ont nourri le théâtre Nô, le théâtre de Marionnettes, le théâtre kabuki. Il y a eu de nombreuses versions ultérieures qui ont continué à broder sur les mêmes thèmes. Et les Heiké et les Genji continuent à hanter les romans et les films japonais contemporains.

Et puis surtout : la transposition de Roger Sieffert est absolument superbe !

Voir Carnets d'un dilettanteLes épopées magnifiques : Taïra et Minamoto. Et aussi mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Littérature japonaise.


N° 4725 Histoire de Benkei, traduction René Sieffert, Publications orientalistes de France, 1995

Exploits d'un compagnon du grand héros du Dit des Heiké, Yoshitsuné, bouffon, moine-guerrier, querelleur, discutailleur à la dialectique redoutable, totalement de mauvaise foi, mais pour la bonne cause, gros mangeur et grand buveur de saké.

A propos de Benkei, mais aussi à propos des Notes de l'Ermitage et de L'île d'or (voir ci-dessous), mais surtout pour ce qui est de René Sieffert, l'infatigable passeur de la littérature japonaise classique et traducteur de la plus incroyable masse de traductions de cette littérature, voir mon Bloc-notes 2023Les Passeurs. René Sieffert.


Le Théâtre Nô


N° 3015  Noh or Accomplishment  by Ernest Fenollosa and Ezra Pound, édit. Alfred A. Knopf, New-York, 1917. (Hard cover de l’éditeur)

N° 3036 Noël Peri :  Le Nô , préface de Naojiro Sugiyama de l’Académie Impériale, édit. Maison franco-japonaise, Tokyo, 1944. (Relié demi-cuir, dos à nervures, fleurons et titres dorés)

Le théâtre Nô est la quintessence même de la culture et de l’intellectualisme japonais.Fenollosa le grand spécialiste de l’art japonais, dit dans ses notes qu’il a étudié le Nô pendant vingt ans. Il a surtout eu la chance de pouvoir prendre des leçons auprès de l’acteur Umewaka Minuro, l’homme qui était en train de participer à une représentation devant le shogoun au moment même où le Commodore Perry entrait dans la baie de Tokyo avec ses canonnières et qui a assuré la survie de cet art après la révolution de Meiji. Noël Peri était un élève brillant et a failli entrer à l’X. Mais il a la vocation et débarque comme missionnaire en 1889 à Yokohama. En tout il a passé vingt ans de sa vie au Japon, y a participé non seulement à la vie littéraire mais également à la vie musicale comme enseignant au Conservatoire de Musique de Tokyo. Il finit à l’Ecole Française de l’Extrême-Orient de Hanoi où il peut s’adonner entièrement à la japonologie et à l’étude du Nô qui devient sa grande spécialité. Il meurt en 1922. L’Académicien japonais Naojiro Sugiyama qui édite en 1944, en pleine guerre ses études sur le Nô et ses traductions à la Maison Franco-Japonaise, fondée à l’instigation de notre Ambassadeur Paul Claudel, dit que Peri était considéré avec le plus grand respect par les grands spécialistes japonais dans le domaine du Nô et qu’on peut compter sur les doigts d’une main ceux qui étaient capables de lui tenir tête.

Alors qu’est le Nô exactement ? Un art vieux de 500 ans. Un drame « lyrique », dit Peri, mais pas au sens uniquement musical du mot comme pour notre opéra, mais surtout poétique. Car les textes sont essentiellement des poésies rythmées (on y retrouve les fameux vers de 5 et 7 syllabes du haiku et du tanka), récitées ou chantées (et souvent dansées) par un personnage principal et un personnage secondaire, chacun d’entre eux étant en général flanqués d’un acolyte, ainsi qu’un choeur. Les conversations anodines sont en prose. Il y a beaucoup d’éléments qui font penser au théâtre primitif grec : la scène qui est très simple, trois côtés libres, le mur du fond avec toujours le même décor, un pin symbole de l’immuable - les masques, pour les dieux, les vieillards et les femmes - la dualité des deux personnages, appelés shite et waki dans le Nô, et que le théâtre grec connaissait sous le nom de protagoniste et de deutéragoniste - et enfin le choeur. Une invention merveilleuse, le choeur. Qui permet de commenter l’action. Les pièces sont en général assez courtes. On en distingue cinq ou six types et on en joue plusieurs à la suite, en commençant toujours par un Nô mettant en scène des divinités, puis un autre consacré à des héros légendaires et un troisième montrant des rôles de femmes. Il existe également des Nô où apparaissent des êtres surnaturels, mais en réalité la plupart des Nô font appel au fantastique.

Voir Carnets d'un dilettanteLe Théâtre Nô. Et aussi mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Littérature japonaise.


N° 4724 Zéami : L'île d'or, traduction René Sieffert, Publications orientalistes de France, 1995

Zéami considéré comme le créateur du Nô, auteur des deux tiers des pièces du répertoire, a vécu de 1363 à 1444. A été exilé à un moment donné par le Shôgun parce qu'après la mort de son fils il a refusé de transmettre la tradition secrète et orale du Nô à un candidat choisi par le Shôgun qu'il en a estimé indigne. L'île d'or raconte son exil  dans une île lointaine. Le livre contient aussi une note intitulée La trace d'un songe sur un feuillet évoquant de manière particulièrement émouvante la perte de son fils. On y trouve également la traduction d'un Nô : Sumidagawa.


Littérature moderne


N° 1436 Uéda Akinari :  Contes de pluie et de lune (Ugetsu-Monogatari) , trad. René Sieffert, édit. Gallimard, Paris, 1956. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)

Le folklore du Japon est rempli, comme d’ailleurs celui de la Chine, d’histoires de revenants, de démons et de femmes qui sont en réalité des renards ou des serpents. Le fantastique nourrit la littérature japonaise mais aussi le théâtre Nô, le théâtre de marionnettes et le Kabuki. Les Contes de pluie et de lune sont une anthologie de ce genre d’histoires fantastiques réalisée par un écrivain du XVIIIème siècle, Uéda Akinari, qui a cherché à sélectionner les thèmes les plus représentatifs possibles.


N° 1437 Akutagawa Ryûnosuke :  Rashomon et autres contes , trad. et avant-propos de Arimasa Mori, édit. Gallimard, Paris, 1965. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)

Akutagawa, un écrivain du début du siècle, qui s’est suicidé en 1927, moitié pour cause de maladie, moitié par dégoût devant l’évolution de la société japonaise (il ne sera que le premier d’une longue série de suicides d’écrivains). Les histoires rassemblées ici sont des histoires plutôt noires où le fantastique ne joue qu’un rôle accessoire.  Rashomon  est particulièrement sinistre. C’est un portique à l’entrée de la ville de Kyôto sous lequel un voleur s’abrite de la pluie : pluie battante, vent en rafales, ténèbres du crépuscule, vols de corbeaux venus picorer les cadavres jetés sur la galerie, car une suite de calamités s’étaient abattues sur la ville. Et puis il aperçoit une échelle, enduite de cinabre, posée contre la galerie, et puis une vague lumière. Il monte avec prudence, découvre une vieille, « vêtue de guenilles rousses, aux cheveux blancs, décharnée, hâve, à l’aspect simiesque », et qui détrousse les cadavres malgré leur état de pourriture bien avancée. Le voleur, rendu furieux sans vraiment savoir pourquoi, menace la vieille, affolée, de son sabre, la fait se déshabiller, lui prend son vêtement et la laisse toute nue au milieu de ses cadavres.


Pour ces deux écrivains (Akinari et Ryûnosuke) voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Littérature japonaise.


N° 1455 Ihara Saikaku :  Cinq amoureuses , trad. et notes de Georges Bonmarchand, édit. Gallimard, Paris, 1959. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)

Saikaku est un écrivain de la deuxième moitié du XVIIème siècle, et pourtant déjà très moderne et bien plaisant à lire. Il est vrai que tout est nouveau chez lui : on a même prétendu qu’il est le précurseur du roman psychologique. Et le monde qu’il décrit est lui-même nouveau : c’est celui des Tokugawa qui vient de commencer et qui va durer jusqu’à la révolution de Meiji.Ses histoires grouillent littéralement de personnages de toutes sortes : acteurs, moines, bonzes, ascètes, pèlerins, diseurs de bonne aventure, colporteurs, trafiquants divers, vendeurs d’étoffes, d’armures, de légumes, de levain, fabricants de tonneaux, de cercueils, puisatiers, bouilleurs d’alcool de riz, propriétaires de maisons de thé, éditeurs d’almanachs, bateliers, entremetteuses, policiers, chasseurs, oiseleurs, paysans, viveurs, prostituées... et pas un seul Samouraï ! Et tous éclatent de cette vitalité si japonaise !

Voir Carnets d'un dilettanteTrois écrivains japonais que j'aime (Saikaku, Kafu, Kawabata). Et aussi Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Littérature japonaise. 


N° 1451 à 1454  Yukio Mishima :  La Mer de la Fertilité, tome 1 : Neige de Printemps, tome 2 : Chevaux Echappés tome 3 : Le Temple de l’Aube, tome 4 : L’Ange en décomposition , édit. Gallimard, Paris, 1980. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)

N° 1450 Yukio Mishima :  La Mort en été , édit. Gallimard, Paris, 1983. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)

N° 1448 John Nathan :  La vie de Mishima , édit. Gallimard, Paris, 1980. (Relié toile)

N° 1449 Marguerite Yourcenar :  Mishima ou la vision du vide , édit. Gallimard, Paris, 1980. (Relié toile)

Seul le premier tome de la tétralogie  La Mer de la Fertilité ,  Neige de Printemps , est encore marqué par un certain romantisme : l’amitié entre Kioyaki et Honda, l’histoire d’amour contrarié entre Kioyaki et Satoko qui va finir par se faire nonne, les amants nus la nuit sur une plage au clair de lune. Mais les trois autres volumes qui mettent en scène des réincarnations de Kioyaki mort à 20 ans, d’abord Isao le fanatique, le terroriste des années trente, porte-parole du Mishima militariste et nationaliste, puis la petite princesse thaïlandaise, Ying Chan (on se demande ce qu’une princesse du Siam vient faire dans cette histoire), qui vit au milieu du Japon d’après-guerre, celui - toujours d’après Mishima - de l’humiliation et des compromissions, et enfin le dernier avatar, celui des années 60, du monstre d’inhumanité Toru, m’inspiraient une aversion toujours croissante. Le dégoût de la veulerie des personnages, et puis ce sentiment de pourriture qui envahit tout, jusqu’aux paysages.

Et puis vient son suicide spectaculaire et médiatique.J’ai essayé de comprendre, en lisant l’étude de Marguerite Yourcenar, la biographie de John Nathan qui a été son traducteur et, pendant un certain temps, son ami, de Pinguet aussi qui en parle longuement dans son étude sur la mort volontaire au Japon (ouvrage déjà cité). Tous parlent d’une attirance pour la mort chez Mishima. John Nathan donne un peu plus d’explications biographiques : une grand-mère aristocratique qui l’a pris complètement sous son aile, l’a même obligé à vivre seul avec elle pendant plusieurs années, une mère très possessive elle aussi, un père tyrannique, une enfance maladive qui en fait un garçon frêle, pâle, aux manières efféminées : il n’en faut pas plus pour expliquer son homosexualité. Qui entraîne à nouveau son mal de vivre, mais qui n’est pas forcément la cause première de sa morbidité. 

Voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Littérature japonaise. 


N° 2083 Edward Seidensticker :  Kafû the Scribbler, The Life and Writings of Nagai Kafû  - 1879-1959, édit. Stanford University Press, Stanford, USA, 1965. (Hard cover éditeur avec dust jacket)

N° 1442 Nagaï Kafû :  La Sumida , trad. Pierre Faure, édit. Gallimard, Paris, 1975. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)

N° 1439 Nagaï Kafû :  Voitures de Nuit , nouvelles, postface de René Sieffert, édit. Publications Orientalistes de France, Paris, 1986.

N° 1440 Kafû :  Du Côté des Saules et des Fleurs , édit. Philippe Picquier, Arles, 1989.

N° 1441 Kafû :  Le Bambou nain , édit. Philippe Picquier, Arles, 1992.

Ce qui ne manque pas de vous frapper à la première lecture de la  Sumida  : la nostalgie, le spleen de l’adolescence, les désirs vagues et inassouvis, et toutes ces réminiscences des estampes d’Utamaro (Chôkishi, près du bassin d’ablutions du temple d’Asakusa Kannon, remarque une jeune geisha : « elle avait pincé entre ses lèvres un mouchoir fleur de pêcher et, dans le mouvement étiré dont elle dégageait ses blanches mains de son haori en soie légère, elle dévoilait jusqu’à ses bras ») ou de Kunyoshi (celles qui représentent la Sumida de jour ou de nuit) et puis le regret devant l’industrialisation, la pollution, qui détruisent et le monde et les paysages anciens.

Kafû a publié la  Sumida  en 1909. Les autres nouvelles qui se trouvent dans ma bibliothèque datent des années 20 :  le Bambou Nain  et  du Côté des Saules et des Fleurs  de 1918, celles rassemblées sous le titre de  Voitures de Nuit  de la période 1925-35. Toutes sont consacrées à ce monde des saules et des fleurs, c. à d. des quartiers de plaisirs et des geishas. Kafû, dit René Sieffert dans sa postface à Voitures de Nuit, ne veut plus être qu’un « faiseur de divertissements ». C’est probablement pour cela que Seidensticker l’appelle un scribbler, un scribouillard. C’est sa façon de refuser le monde nouveau. Ce qui demande parfois un certain courage puisque, à en croire René Sieffert, il est un des rares écrivains à refuser en 1940 d’adhérer à l’Association (patriotique) des Ecrivains du Japon.

Je ne sais si Kafû a vraiment aimé toutes ces filles de joie qu’il a rencontrées et décrites tout au long de sa vie, aimé comme Utamaro les a aimées.Il avait en tout cas émis le souhait, comme le rapporte Sieffert, d’être enterré au cimetière des prostituées de Yoshiwara. Mais les morts ne peuvent plus se défendre et sa famille qui n’avait pu le récupérer vivant l’a récupéré mort. C’est dans la tombe de sa famille que repose Kafû aujourd’hui. Il doit bien s’y embêter !


Voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : K comme Kafu (Nagaï) et Littérature japonaise. Et sur Carnets d'un dilettanteTrois écrivains japonais que j'aime (Saikaku, Kafu, Kawabata).


N° 1443 Yasunari Kawabata :  Le Maître ou le Tournoi de Go , édit. Albin Michel, Paris, 1975. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)

N° 1444 Yasunari Kawabata :  Pays de Neige , édit. Albin Michel, Paris, 1982. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)

N° 1446 Yasunari Kawabata :  Le Grondement de la Montagne , édit. Albin Michel, Paris, 1984.

N° 1445 Yasunari Kawabata :  Les Belles endormies , trad. René Sieffert, édit. Albin Michel, Paris, 1988.

N° 1447 Yasunari Kawabata :  L’Adolescent , édit. Albin Michel, Paris, 1992.

N° 2883 Yasunari Kawabata :  Récits de la Paume de la Main , édit. Albin Michel, Paris, 1999.

J’ai mis un certain temps avant d’apprécier Kawabata. Ce n’est que l’âge venu que j’ai commencé à apprécier ses descriptions de vieux. Pas ces vieillards lubriques qui se glissent dans les lits des jeunes filles nues des  Belles endormies . Je ne suis pas non plus entièrement convaincu par cette bataille qui se déroule pendant trois mois entre un vieux  Maître de jeu de Go  et un champion de la nouvelle génération.Non, je crois que son plus beau roman est ce  Grondement de la Montagne . Où un homme cherche à résoudre les problèmes de ses enfants - une fille que son mari a quittée, un fils marié qui a une maîtresse qui est tombée enceinte - et se rend compte qu’il n’y peut rien. Un homme qui se réveille triste le matin, triste parce que c’est l’automne de sa vie, comme on peut être triste quand c’est la saison de l’automne et que celui-ci annonce, déjà, l’hiver. Un homme qui est tout désemparé parce qu’un jour il se rend compte que tout d’un coup, sans rime ni raison, il ne sait plus comment nouer une cravate...
Voir Carnets d'un dilettanteTrois écrivains japonais que j'aime (Saikaku, Kafu, Kawabata). Et aussi Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Littérature japonaise. Et, à propos des Belles endormies, une comparaison avec notre Restif de la Bretonne, dans Bloc-notes 2011Les belles endormies.

N° 1462  Anthologie de Nouvelles japonaises , édit. Gallimard, Paris, 1986, avant-propos de Yasushi Inoue, (relié toile)

N° 1459 Junichirô Tanizaki :  Un Amour insensé , traduction Marc Mécréant, préface d’Alberto Moravia, édit. Gallimard, Paris, 1988.

N° 1458 Junichirô Tanizaki :  Svastika , édit. Gallimard, Paris, 1985. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)

N° 1460 Junichirô Tanizaki :  Années d’Enfance , édit. Gallimard, Paris, 1993.


N° 1457 Jun Takami :  Haut le Coeur , préface de Yasunari Kawabata, édit. Unesco, 1985. (Relié demi-cuir, dos lisse, dorures)


N° 1438 Masuji Ibuse :  Pluie Noire , édit. Gallimard, Paris, 1989.


Pour ces trois écrivains (Tanizaki, Takami, Ibuse) voir également mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Littérature japonaise.


Je crois que tous les écrivains de cette génération critiquent d’une façon plus ou moins violente la civilisation du Japon moderne. Avec Tanizaki et Takami les angles d’attaque sont complètement différents. Tanizaki utilise l’humour. En créant le personnage de Naomi dans  un Amour insensé . Une fille complètement sous l’emprise d’influences occidentales superficielles: sports, danse, cinéma, coiffure, habillement. Au point que le narrateur la compare à Mary Pickford. Un narrateur qui est fasciné par elle, bien qu’elle soit bête comme ses pieds. 

La critique de Takami est beaucoup plus violente. Takami est un cousin de Kafû. Seidensticker raconte que c’est le fils illégitime d’un oncle que Kafû détestait tout particulièrement. Le héros de  Haut le Coeur  n’est pas un personnage bien appétissant. Anarchiste, ses ennemis intimes sont les bolchéviques. Il fricote avec la pègre. Et finalement avec l’extrême-droite militariste et nationaliste. Je crois que ce roman est une excellente illustration de la confusion des idées qui pouvait régner pendant toute la première moitié de ce siècle au Japon. Influence des idées russes, anarchistes, nihilistes, bolchéviques. Mélange de tout cela. Nationalisme poussé au paroxysme mêlé d’idéalisme, d’esprit de sacrifice à l’Empereur, poussant au militarisme, aux conquêtes. Manipulation des jeunes officiers par les haut-gradés qui luttaient entre eux pour le pouvoir. Et la violence japonaise. Le roman de Takami se termine par une scène assez horrible où le héros du roman, l’ancien anarchiste antisocialiste et antimilitariste, décapite lui-même sur le front des opérations du côté de Nankin un prisonnier chinois.

J’ai l’impression qu’il n’y a pas beaucoup d’écrivains japonais - en tout cas pas ceux de cette génération - qui ont écrit sur la deuxième guerre mondiale et sur ce choc qu’a dû être le bombardement nucléaire de Hiroshima et Nagasaki. C’est étrange. Peut-être la peur de déplaire aux occupants américains ? Ou la volonté d’oublier. Oublier aussi bien la folie militariste japonaise que la honte de la défaite ? Masuji Ibuse est l’exception qui confirme la règle. Né en 1898, il est pourtant de la même génération que Kafû et Kawabata. C’est une oeuvre poignante, écrite sous la forme d’un journal tenu en 1945 et qui montre toute l’horreur de cette chose complètement inconnue, la radioactivité, et les lents progrès de son action sur tous ces irradiés de la première heure.


N° 4041 Ichiyô Higuchi :  La treizième nuit et autres récits , traduction de Claire Dodane, édit. Les Belles Lettres, Paris, 2008

Higuchi est née en 1872 et morte en 1896, à 24 ans, de tuberculose. C’est la première et plus grande romancière de l'ère Meiji. Elle a été honorée par la représentation de son effigie sur les billets de 5000 yens. Très belle traduction digne de ces textes très poétiques par Claire Dodane, chercheuse et maître de conférences à l'Université Jean Moulin de Lyon. 

N° 4042 Akiko Yosano :  Cheveux emmêlés , traduction de Claire Dodane, édit. Les Belles Lettres, Paris, 2010

C’est un fameux recueil de tankas d'amour. Yosano Akiko est, elle, la première et plus grande poétesse de l'ère Meiji. Elle a eu aussi une intense activité littéraire et sociale (féminisme). La traduction par Claire Dodane est absolument parfaite.

Voir pour ces deux écrivaines et poétesses (Higuchi et Yosano) mes Carnets d'un dilettanteDeux Japonaises de l'An 1900 (et les problèmes de traduction). Et aussi mon Bloc-notes 2011Yosano Akiko.


N° 3313 Kenji Nakagami :  Le Cap , édit. Philippe Picquier, Arles, 1996

Nakagami est un burakumin, ces espèces de hors-castes japonais. Le Cap fait partie d'une trilogie (La Mer aux Arbres Morts - Aux Confins de la Terre). L’histoire est en partie autobiographique. Autres œuvres :  Mille ans de plaisir  -  Sur les Ailes du Soleil .
A propos des Burakumin voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Aïnous et autres minorités.


N° 2468 Izumi Kyōka :  Japanese Gothic Tales , traduction Charles Shirō Inouye, édit. University of Hawaï Press, Honolulu, 1996

Kyōka (1873 – 1939) a continué à écrire des histoires fantastiques, bien qu’on soit entré dans l’ère Meiji, l’ère du rationalisme.


N° 1456 Naoya Shiga :  A Kinosari , récits, traduction et introduction de Marc Mécréant, Philippe Picquier, 1989

Naoya Shiga (1883 – 1971) est le précurseur du roman auto-biographique au Japon. Les 14 récits qu’on découvre ici sont des « miettes d’existence », dit l’éditeur. Subtils et tendres.


N° 1461 Teru Miyamoto :  Les gens de la rue des rêves , traduction et introduction de Philippe Deniau, Philippe Picquier, 1993

Miyamoto, né en 1947, est profondément attaché à la ville d’Osaka, la ville commerçante, la ville grouillante. Et c’est là, dans le quartier sud, que se situe son roman, parmi le petit peuple des commerçants justement.