Tome 3 : Notes 10 (suite 1): Lafcadio Hearn

Et maintenant, excusez-moi, mais je ne peux faire autrement, il faut que je vous parle de mon ami Lafcadio Hearn...

31) n° 0676 Jonathan Cott: Une âme errante, la vie de Lafcadio Hearn, édit. Mercure de France, 1993.
32) n° 0677-78 Elizabeth Bisland: The Life and Letters of Lafcadio Hearn, édit. Archibald Constable & Co, Londres - Houghton Mifflin & Co, Boston/New-York, 1907.
33) n° 1279 Lafcadio Hearn, Selected Writings, 1872 - 1877, edited and compiled by WM. S. Johnson, édit. Woodruff Publications, Indianapolis, 1979.
Il s’agit d’articles parus dans le Cincinnati Enquirer et le Cincinnati Commercial.
34) n° 0684 Letters from the Raven, being the correspondence of Lafcadio Hearn with Henry Watkin, with introduction and critical comment by Milton Bronner, édit. Albert and Charles Boni, New-York, 1930.
35) n° 1127 Editorials by Lafcadio Hearn, edited by Charles Woodward Hutson, édit. Houghton Mifflin Company, Boston/New-York, 1926.
Articles parus dans les journaux Item et Times-Democrat de La Nouvelle Orléans.

Cela commence comme un conte de la mythologie grecque: un médecin militaire britannique séduit une jeune Grecque dans l’île bucolique de Cythère, là où Aphrodite est sortie des eaux et où Paris s’est réfugié avec la belle Hélène avant de rejoindre Troie. Le père de la jeune Grecque, lorsqu’il la voit enceinte, se fâche car il ne croit plus aux interventions des dieux dans ce domaine. Le frère de la Grecque, en bon Méditerranéen, poignarde le toubib séducteur et le laisse à demi mort sur le pavé. La Grecque s’enfuit de chez elle, emporte le toubib tout sanglant encore jusqu’à une grotte dans la montagne, le soigne et le sauve. Puis le médecin est muté dans une autre île, l’île de Leucade (Lafcadio), il y emmène sa Grecque, l’épouse en secret, puis, après lui avoir fait un deuxième enfant, le fameux Lafcadio, (le premier va mourir bientôt), s’en va dans les Indes, sans informer ses supérieurs qu’il est marié.
Ce n’est qu’un peu plus tard - Lafcadio a deux ans - qu’il se décide à envoyer femme et enfant dans sa famille à Dublin. Une famille qui est peut-être irlandaise, mais surtout très protestante et collet monté, et qui voit arriver une fille des îles qui ne sait ni lire ni écrire et qui est affreusement, dévotement, grecque-orthodoxe et un petit garçon basané qui porte des boucles d’oreilles. Cela se passe mal. La Grecque devient un peu folle. Le médecin militaire repart en Crimée. Finalement la Grecque se sauve, retourne à Cythère, son mari fait annuler le mariage, se remarie et part en Inde et la Grecque, de dépit, se remarie de son côté. Et le jeune Lafcadio ne reverra plus jamais ni son père ni sa mère.
Mais Lafcadio est aussi rejetée par la famille Hearn. Cela me rappelle un peu la situation du «bâtard» dans la Chronique de la famille Kent de John Jakes. Lafcadio est recueilli par une grand-tante catholique qui l’envoie à 12 ans dans un établissement religieux en France. Il y apprend le français mais y est bien solitaire. L’enfant est malheureux. Il est myope, a des yeux globuleux, et en plus, suite à un accident, perd complètement l’un de ses yeux qui devient opaque. La tante se fait gruger par un lointain parent qui, lorsque Lafcadio a 19 ans, lui achète un billet aller pour Cincinnati en lui disant que sa soeur qui est mariée là-bas, va lui offrir l’hospitalité et que l’Amérique c’est l’avenir...
Lafcadio débarque donc à Cincinnati, en 1869, ne connaissant rien d’autre de ce pays que l’adresse d’un certain Culligan, le mari de la fameuse soeur, qui le fait entrer, le jauge, lui dit qu’il a une grande famille à charge, lui donne cinq dollars et le pousse dehors. Le pauvre Lafcadio erre dans les rues, vit en SDF, trouve quelques petits boulots, et finalement tombe sur un imprimeur, un peu libertaire et anarchiste comme ils l’étaient souvent dans cette branche à l’époque, qui le recueille, le fait un peu travailler, lui donne des livres à lire (Lafcadio n’était pas inculte, il avait goûté à la littérature française lors de ses années de collégien en France) et devient son ami pour la vie, son ami et son père en quelque sorte. Lafcadio restera en contact avec lui - il s’appelle Henry Watkin - pendant toute son existence. C’est à lui que sont destinées les lettres du Corbeau (Letters from the Raven): le pseudonyme est bien trouvé, il fait penser à Poe. Et Poe semble être son maître quand on voit les titres macabres des articles du plus brillant journaliste de Cincinnati qu’il va devenir: Aesthetics of Hanging, Possession of the Devil, Anthropophages, The Century’s Crime, Ghouls and Graveyards, Cremation, Barbarous Barbers, the Dance of Death (une histoire de dissection), Tombstones, Halloween, The Restless Dead, Violent Cremation (un crime où la victime est jetée dans le four d’une tannerie), Madhouse Horrors (un sain d’esprit enfermé dans un asile de fous), Notes on the Utilization of Human Remains, Embalming a Corpse, etc. Souvent il mêle l’humour au macabre: ainsi dans Skulls and Skelletons il fait un reportage sur un fabricant de squelettes articulés qui trie les os en compagnie de ses enfants de 9 et 11 ans et qui lui raconte qu’un jour il était en train de dissoudre les chairs d’un cadavre un peu avancé et de se battre avec les vers qui grouillaient un peu partout quand son voisin du dessus, un peu soûl, un paquet de saucisses à la main, se trompe d’étage et entre dans la pièce. On se doute du résultat...
Dans Haceldama. Humanity and Inhumanity in the Shambles (vieux mot pour abattoirs), il relate des scènes qui feraient tomber dans les pommes notre pauvre BB: une vache qui semble consciente de ce qui va lui arriver, qui résiste et à qui une grande brute aux cheveux jaunes crève un oeil après l’autre avec une pique, «le sang, épais et noir, qui coagule sur le sol, ou qui s’échappe des naseaux et des gorges de bétail en train de mourir, des intestins bleuâtres et jaune pâle... des porcs voraces qui s’engraissent du sang et des entrailles que leur apportent les égouts à l’air libre et qui grognent de satisfaction...»
Mais il publie aussi beaucoup de reportages sociaux sur les faubourgs où vivent les Noirs (Pariah People. Outcast Life by Night in the East End), sur les exclus qui vivent de ce qu’ils ramassent sur les tas d’ordures (Les Chiffonniers - en français dans le texte), sur les gens qui profitent de la misère au nom de la religion (Verdancy and Villainy. Grinning Fraud under the Mask of Philanthropy). Il lui arrive même de glisser de temps en temps un article littéraire sur Poe, sur Mérimée, sur Dumas, Gautier, Sand, sur l’Edda, sur un nouveau poème de Victor Hugo, etc.
Et puis il tombe amoureux d’une Noire, une serveuse, car ce n’est pas parce qu’on est un nabot borgne et bigleux qu’on est de bois. Lafcadio est un grand sensuel, et en plus plutôt attiré par les peaux colorées et les odeurs parfumées. Mais il est aussi naïf, sincère et sentimental: il se marie avec elle. Un mariage qui va être très rapidement un échec complet. Et en plus va lui coûter sa place. On a fait la guerre pour libérer les Noirs mais pas pour les épouser, n’est-ce pas. Alors Lafcadio qui a passé 8 ans à Cincinnati où il n’a plus rien à prouver, qui le dégoûte par son hypocrisie, chauffé à blanc par les romans sensuels de Théophile Gautier, se souvenant sans doute qu’il est né dans un climat plus clément, s’embarque à Memphis pour La Nouvelle Orléans, la Porte des Tropiques.
Quand il arrive dans la capitale de la Louisiane, en 1878, celle-ci a encore un parfum bien français. On le voit dans ses articles dont beaucoup parlent de la France: comptes rendus d’articles de presse française, le boycott organisé par l’Eglise catholique contre Sarah Bernhardt au Québec (Canada vs. Bernhardt), la manière dont Baudelaire a traduit Poe (et curieusement - toujours son penchant pour le lugubre - c’est la traduction des mots ghastly, hideous, sinister, qui éveillent son intérêt), la sensualité avec laquelle est décrit l’amour dans la littérature française contemporaine (The Sexual Idea in French Literature), etc. Il se lance d’ailleurs dans la traduction de romans français (Théophile Gautier). Il a du mal à pénétrer les cercles très fermés des Créoles français et espagnols qui vivent complètement en marge des Américains. Par contre il se lance avec délice dans l’exploration des populations noires et métisses et fait une véritable oeuvre d’ethnologue et de linguiste en recueillant des proverbes créoles (voir n° 1558 Gombo Zhèbes, Little Dictionary of Creole Proverbs, selected from six creole dialects, translated into French and English, with notes, index and remarks upon the creole idioms of Louisiana, by Lafcadio Hearn, édit. Will H. Coleman, New-York, 1885 - reprint) et même des recettes culinaires (voir La Cuisine Créole, a Collection of Culinary Recipes, Will H. Coleman, New-York, 1885). D’ailleurs Gombo est un plat local à base d’ocra. Zhèbes: aux herbes. Son livre de proverbes ne contient pas seulement les dictons collectés en Louisiane mais aussi ceux qu’il a trouvés dans d’autres ouvrages et qui viennent de Martinique, de Haïti, de Guyane, de Trinidad et de Maurice. Il y en a de délicieux:
«Dèïèr chien, cé chien, douvant chien, cé Missié Chien» (Trinidad)
«ça qui gagne zoli fille gagne coudeçapeau» (Martinique)
D’ailleurs les proverbes de Louisiane semblent s’occuper encore plus que les autres du standing dans la société. Peut-être parce qu’on a affaire à une civilisation citadine (La Nouvelle Orléans)?
«Bel tignon pas fait belle négresse» (le tignon c’est le fichu qui coiffe les cheveux)
«Coupé zoreil mulet fait pas choual»
«Macaque dit si son croupion plumé ça pas gadé lezott»
«Metté Milâte enhaut choual, li va dî négresse pas so maman»
Le petit livre de Lafcadio est cité par Morris Goodman qui a fait une thèse de doctorat à l’Université de Columbia portant sur une étude comparative des divers créoles dans le monde: voir n° 1775 Morris F. Goodman: A Comparative Study of Creole French Dialects, édit. Mouton & Co, La Haye, 1964. Goodman compare les cinq groupes linguistiques et géographiques dans lesquels on classe les parlers créoles: Louisiane, Haïti, Antilles, Guyane, Océan Indien. Il cite toutes les théories qui ont été élaborées pour en expliquer la genèse. Sa conclusion est assez étonnante: il considère que l’on a exagéré les influences africaines et régionalistes françaises. Il croit que si des parlers créoles aussi éloignés que ceux de Haïti et ceux de l’Ile Maurice ont autant de points en commun, c’est qu’il y a quelque part une origine commune qu’il voit dans un pidgin qui aurait été parlé par les marchands d’esclaves d’Afrique de l’Ouest. J’avoue mon scepticisme. Que l’origine soit à rechercher en Afrique Occidentale me paraît assez logique. Il est probable que les esclaves importés dans les Mascareignes et aux Seychelles soient venus en majorité de cette région de l’Afrique plutôt que de Madagascar ou de l’Afrique orientale. Mais pourquoi aller chercher un pidgin hypothétique? En tout cas le problème m’intéresse. Avec Annie, en vacances à Maurice, à Rodrigues, aux Seychelles surtout, nous avons souvent lu des textes en créole ou appris par coeur certaines de leurs chansons. Et nous avons été étonnés par les nombreuses similitudes avec le créole des Antilles. En tout cas les travaux de Lafcadio gardent d’autant plus leur intérêt que le créole de La Nouvelle Orléans a probablement disparu aujourd’hui comme celui de Trinidad d’ailleurs (et celui de Grenade antérieurement).
Lafcadio s’est également intéressé au Vaudou qui semble avoir été encore de pratique courante à son époque. Il écrit la biographie du «Roi du Vaudou», Jean Montanet dit Jean la Ficelle qui mourut centenaire en 1885 (Le Dernier des Vaudous) et est le dernier à interviewer, avant sa mort en 1882, Marie Laveau, propriétaire du fameux bordel la Maison Blanche (pas celle de Washington), une femme d’une puissance mentale extraordinaire, une vraie «Reine du Vaudou» qui officiait, dit Jonathan Cott, «recouverte d’un châle de couleur, portant des jupes de satin, des colliers d’ambre, de malachite et de turquoises, un serpent enroulé autour des épaules» devant des milliers de participants. Le mythe a dû survivre jusqu’à aujourd’hui puisque c’est chez une «Reine du Vaudou» que se termine la virée des Blues Brothers dans le film du même nom!
Et puis Lafcadio découvre la mer, une mer chaude, celle du Golfe du Mexique, de grandes plages de sable, la houle, le vent, la nature. Sur une île, Grande Isle, où il tombe amoureux de la fille d’un pêcheur basque et entend parler du drame qui s’était joué sur une île voisine, l’Isle Dernière, quand un raz de marée avait tout emporté avec lui, même la grande salle de bal où les gens du village étaient en train de danser. Le lendemain matin on ne découvrit comme seul rescapé qu’un bébé endormi sur la plage. Avec cette histoire Lafcadio tient le sujet de son premier roman, le charmant et romantique Chita (voir n° 1126 Lafcadio Hearn: Chita, a Memory of Last Island, édit. Harper & Brothers, New-York, 1889).
A La Nouvelle Orléans le presque autodidacte Lafcadio développe encore ses connaissances et sa culture. Il apprend l’espagnol, s’intéresse à la science, à l’astronomie, est plein d’enthousiasme pour Edison et les progrès de l’éclairage public, amasse une immense bibliothèque ouverte à l’ethnologie, l’anthropologie, les religions, les civilisations arabes et persanes, les légendes chinoises (voir n° 0683 Lafcadio Hearn: Some Chinese Ghosts, édit. The Modern Library, New-York, 1927 - la première édition date de 1887) et, déjà, l’art japonais. Il se fait des amis comme la journaliste Elizabeth Bisland qui deviendra plus tard directrice adjointe du Cosmopolitan Magazine de New-York. Elle est encore sous son charme quand elle écrit sa biographie en 1907: «He was at this time (elle l’a rencontré pour la première fois en 1882) a most unusual and memorable person... A more delightful or - at times - more fantastically witty companion it would be impossible to imagine, but it is equally impossible to attempt to convey his astounding sensitiveness... There was an almost feminine grace and lightness in his step and movements... His head was quite remarkably beautiful; the profile both bold and delicate, with admirable modelling of the nose, lips and chin...».
Et puis insensiblement la bougeotte le reprend. Pendant toute sa vie il vivra les mêmes expériences: enthousiasme fou et passion quand il découvre des mondes et des personnes qu’il aime; déception et lassitude lorsqu’il en découvre les côtés négatifs (même au Japon). Pour le moment il veut simplement échapper à la civilisation matérialiste de l’Amérique. En mai 1887, après avoir passé neuf années à La Nouvelle Orléans, il démissionne du Times Democrat. Un peu plus tard il fera un premier voyage dans les Antilles puis va se fixer pendant deux ans à la Martinique.

36) n° 1277 Lafcadio Hearn: Two Years in the French West Indies, édit. Harper & Brothers, New-York/ Londres, 1890 (ex. signé par Elizabeth Bisland avec un extrait d’une lettre de Lafcadio Hearn).
37) n° 1278 Lafcadio Hearn: Youma, the Story of a West-Indian Slave, Harper & Brothers, New-York, 1890.

A la Martinique Lafcadio va trouver ce qu’il cherche: le soleil, la chaleur, la lumière, les couleurs. «The enormous silent poem of color and light, of sea and sky, of the woods and the peaks... You who know only the North do not know color, do not know light...». Et d’abord les couleurs des indigènes. Déjà lors de son premier voyage sur un steamer aux Antilles il admire à l’escale de Saint-Pierre les jeunes garçons nus qui plongent pour rechercher les pièces de monnaie que les passagers lancent dans l’eau: dans l’eau bleue leurs corps paraissent être rouges. Seules les plantes de leurs pieds retournés sont presque blanches. Et la couleur des filles: une dominante jaune, mais toutes les nuances du mélange des races suivant que la fille est: «mulâtresse, capresse, griffe, quarteronne, métisse, chabine». Plus tard, une fois installé à Saint-Pierre, il n’arrêtera plus de peindre la «fille de couleur», les porteuses au port altier, sculptural, au balancement harmonieux des bras et des hanches qui tous les jours suivent le long chemin qui va de Saint-Pierre à Grande Anse, les calendeuses qui créent les magnifiques turbans de madras et - on l’apprend - les colorient (le madras n’est d’abord qu’un grand fichu dont le fond est vert pâle ou rose quadrillé de bleu marine, de rouge, de pourpre ou de marron. La calendeuse l’étend alors sur une planche posée sur ses genoux et applique sur les carrés avec un pinceau en poils de chameau une épaisse peinture jaune soufre mélangée avec de la gomme arabique), les blanchisseuses que l’on peut voir tous les jours à partir des nombreux ponts qui franchissent la rivière principale de Saint-Pierre, la Roxelane, ces filles qui doivent être particulièrement robustes pour faire ce travail pénible et qui pour la plupart sont noires de peau.
Gauguin lui aussi était venu à la Martinique pour les couleurs et la sensualité tropicale. Il s’était installé au Garbet sur la côte au sud de Saint-Pierre. Un chemin lie les deux localités longeant tantôt la grève, tantôt serpentant sur les hauteurs. Gauguin y a peint le plus beau des tableaux qu’il ramène de son court séjour à la Martinique. Lui aussi est fasciné par les porteuses: «chaque jour c’est un va-et-vient continuel de négresses accoutrées d’oripeaux de couleur avec les mouvements variés à l’infini... Tout en portant de lourdes charges sur la tête, elles bavardent sans cesse. Leurs gestes sont très particuliers et les mains jouent un grand rôle en harmonie avec le balancement des hanches», écrit-il à son ami Schuffenecker (voir n° 1285 Yann le Pichon: Sur les traces de Gauguin, édit. Robert Laffont, Paris, 1986). Lafcadio aurait pu rencontrer Gauguin: celui-ci y a séjourné de juin jusqu’au mois d’août 1887 où il a dû rentrer malade et sans le sou. Lafcadio s’est embarqué pour son premier voyage aux Antilles en juillet 1887. Il est bien possible qu’il se soit trouvé dans la baie de Saint-Pierre quand Gauguin a dû quitter ce qu’il appelait «le pays des dieux créoles».

Gauguin: Végétation tropicale (1887)


Le roman que Lafcadio a ramené de son séjour à la Martinique, Youma, est bien trop sentimental. Par contre ses Deux Années dans les Antilles Françaises sont une formidable étude ethnologique de la Martinique de la fin du XIXème siècle et une irremplaçable description de Saint-Pierre dans toute sa splendeur avant la catastrophe de la Montagne Pelée. Ce n’est plus du tout le style ampoulé et prolifique du journaliste de Cincinnati. Il écrit d’une manière claire et directe. Il reste un merveilleux conteur. Et un grand poète. Lafcadio s’est aussi intéressé à l’histoire de l’île et à celle de l’esclavage. Il avait lu le Père Labat mais aussi le Père Du Tertre qu’il disait être beaucoup plus humain que Labat (malheureusement sa grande Histoire Générale des Antilles habitées par les Français qui date de 1661-71 est difficile à trouver ou plutôt on peut la trouver mais à des prix inaccessibles. Il en est d’ailleurs de même des autres ouvrages qu’il cite: Burck: History of European Colonies, dont la traduction française date de 1767 ou les ouvrages du Dr. E. Rufz tels que ses Etudes historiques et statistiques sur la population de la Martinique publiées à Saint-Pierre en 1850 ou la fameuse Grammaire créole de Turillault). Il a aussi collecté des contes, des chansons et des croyances populaires. Et il admirait la Montagne Pelée, se demandant si le volcan était vraiment mort car en 1851 toute la montagne avait grondé et vibré et les toits de Saint-Pierre avaient été couverts de cendres. Finalement c’est en 1902 qu’arrive la grande catastrophe qui va détruire à la fois la plus belle ville des Antilles et une bonne partie de l’intelligentsia de l’île. Après cela Fort-de-France ne sera jamais rien d’autre qu’un gros bourg colonial. Et puis Lafcadio, qui a probablement déjà dans sa tête un désir de Japon, a cette réflexion curieuse: «Je me suis demandé quelquefois, en contemplant La Pelée, si l’entreprise du grand peintre japonais qui a fait les cent vues de Fusiyama ne pourrait pas être imitée par quelque artiste créole qui serait aussi fier de sa montagne natale que le Japonais et qui ne craindrait ni la chaleur des plaines qui l’entourent ni les serpents qui infestent ses pentes».
Et puis comme toujours avec Lafcadio il arrive un moment où il se lasse. Il voit l’envers du décor, le climat débilitant, la pauvreté de la vie intellectuelle, la solitude de l’Occidental dans un environnement qui n’est pas le sien. A la fin de son séjour, il est assis un soir tenant compagnie à un Européen, Félicien, un Vosgien vigoureux pas encore entamé par le climat. Ils se taisent tous les deux, encore sous le charme du magnifique spectacle offert tous les jours par le soleil lorsqu’il se noie dans la mer, en déployant toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, quand soudain la doudou de Félicien arrive par derrière, inquiète du silence, jette ses bras autour de son cou et: «Pa combiné, chè! - Pas combiné comm ça!» Combiner c’est penser. Penser c’est se fatiguer, c’est se rendre malheureux. Lafcadio, lui, a besoin de penser, d’étudier, de connaître des mondes nouveaux. En mai 1889 il est de retour à New-York, de retour dans le monde civilisé. Mais pas pour longtemps.

38) n° 2254-55 Lafcadio Hearn: Glimpses of Unfamiliar Japan, édit. Houghton Mifflin Company, Boston et New-York, 1894. Première édition.
39) n° 0682 Lafcadio Hearn: Out of the East, Reveries and Studies in new Japan, édit. Houghton, Mifflin and Company, Boston et New-York, 1895. Première édition.
40) n° 0681 Lafcadio Hearn: Kokoro, Hints and Echoes of Japanese Inner Life, édit. Houghton, Mifflin and Company, Boston et New-York, 1897.
41) n° 0680 Lafcadio Hearn: Kwaidan, Stories and Studies of Strange Things, édit. Kegan Paul, Trench, Trubner and Company Ltd. Londres, 1904. Première édition.
42) n° 0685 Lafcadio Hearn: Kotto, édit. Mercure de France, Paris, 1922.
La première édition en anglais date de 1902.
43) n° 1559 Lafcadio Hearn: Japan, an Attempt at Interpretation, Grosset & Dunlap, New-York, 1907 (la première édition date de 1904).

L’idée d’aller découvrir le Japon avait déjà mûri chez Lafcadio depuis plusieurs années, peut-être depuis la grande exposition japonaise qui avait eu lieu à La Nouvelle Orléans en 1885. Mais lorsqu’il débarque au Japon en 1890 il n’a réussi à décrocher de contrat ni avec un journal, ni avec un éditeur. Il n’a pas d’autre ressource qu’une introduction auprès du Professeur anglais - encore un - Basil Chamberlain. Ce Chamberlain est un expert en japonais écrit et parlé et enseigne - on croit rêver - la littérature japonaise à l’Université Impériale de Tokyo! Lorsque Lafcadio arrive au Japon l’enseignement de l’anglais était devenu obligatoire dans toutes les écoles supérieures et les universités. Chamberlain n’a donc pas beaucoup de difficultés pour lui trouver un poste d’enseignant en anglais dans un endroit reculé de la province japonaise, la ville de Matsue, située au bord de la Mer du Japon, à plus de 700 km au sud-ouest de Tokyo.
Il me paraît évident que cette nomination a été la grande chance de la vie de Lafcadio Hearn et notre chance à nous. Car voilà notre homme plongé subitement dans un univers qu’il considérera toujours comme un univers de conte de fées. Et qu’il étudiera avec un émerveillement d’enfant. Voilà une petite ville de 40000 habitants où pratiquement rien n’a changé depuis des centaines d’années, où l’esprit de Meiji n’a pas encore vraiment pénétré, si ce n’est que les aristocrates sont devenus pauvres et sans ressources, où existent toujours les trois quartiers des samouraïs, des commerçants et des prêtres, où tous les rites, toutes les coutumes, les règles de vie, la politesse des anciens jours n’ont guère changé. Et de plus un de ses collègues japonais, voyant que Lafcadio a bien du mal à régler ses problèmes domestiques, lui suggère de faire un mariage de convenance avec une Japonaise, la fille d’une vieille famille de samouraïs, une fille plutôt laide d’ailleurs et qui ne parle pas anglais, mais qui prendra soin de lui, et lui, en échange, devra supporter matériellement toute sa famille. Et, ô miracle, Lafcadio accepte le marché. Et, en plus, un étranger ne pouvant épouser une Japonaise, il accepte de prendre la nationalité japonaise, ce qui ne peut se faire qu’en se faisant adopter par son beau-père (en fait, ce n’est qu’en 1895 qu’il fera officialiser cette nationalisation ce qui lui coûtera la moitié de sa rémunération, n’étant plus étranger). Et voilà Lafcadio Hearn qui devient Yakumo Koizumi, vrai faux Japonais...
Et je dis que c’était aussi une chance pour nous parce que les quatre ou cinq livres qui vont suivre sont de vrais joyaux, qu’on y trouve la description d’un monde plein de charme que les autres Occidentaux ne pouvaient connaître, n’ayant guère pu s’y immerger comme l’a fait Lafcadio. Il faut lire Glimpses of Unfamiliar Japan et cette description de The Chief City of the Province of the Gods avec ces personnages qui semblent sortis d’une estampe de Hiroshige: «Here come a band of pilgrims, with yellow straw overcoats and enormous yellow straw hats, mushroom-shaped, of which the down-curving rim partly hides the face... They wear their robes well girded up so as to leave free the lower limbs, which are inclosed in white cotton leggings... The same sort of costume was worn by the same class of travellers many centuries ago...» Ou les paysages qu’il peut apercevoir à l’aube en faisant glisser la fenêtre de papier de sa maison traditionnelle et qui rappellent d’autres estampes de Hiroshige ou de Hokusai: «Long reaches of faintly-tinted vapor cloud the far lake verge - long nebulous bands... All the bases of the mountains are veiled by them... they stretch like immeasurable lengths of gauze, so that the lake appears incomparably larger than it really is, and not an actual lake, but a beautiful spectral sea of the same tint as the dawn-sky and mixing with it, while peak-tips rise like islands from the brume... As the sun’s yellow rim comes into sight, fine thin lines of warmer tone - spectral violets and opalines - shoot across the flood, treetops take tender fire, and the unpainted façades of high edifices across the water change their wood-color to vapory gold through the delicious haze.» Il faut lire aussi Out of the East avec ses premières réflexions sur le bouddhisme (un sujet qui l’avait déjà intéressé aux Etats-Unis et qui va le passionner de plus en plus, voir n° 0679 Lafcadio Hearn: En glanant dans les Champs de Bouddha, édit. Mercure de France, Paris, 1925), Kokoro où il cherche encore à approfondir sa compréhension de la culture japonaise, Kotto où il commence à s’intéresser aux légendes, vous explique comment on chasse les lucioles et évoque la poésie de ces étranges lumières.
Oh! Une seule luciole est venue et l’on voit la rosée du jardin.
La luciole de minuit s’est posée sur ma manche. Comme c’est étrange.
Oh, lucioles venez en foule et assez longtemps pour que je puisse distinguer les traits de mon amant.
Et puis Kwaidan où vous trouverez cette fameuse histoire qu’on a vue dans je ne sais plus quel film japonais, et qui est liée dans la mémoire populaire à la grande bataille navale entre les Heiké du clan de Taïra et les Genji du clan de Minamoto dans laquelle tous les Heiké ont péri, cette histoire où le musicien aveugle Hôïchi est appelé à chanter la vieille ballade devant l’enfant-empereur mort avec sa famille sept cents ans auparavant, jusqu’à ce que le supérieur du Temple bouddhiste où loge le musicien couvre tout son corps d’inscriptions magiques qui doivent le protéger contre ceux d’outre-tombe. Malheureusement il oublie d’orner également ses oreilles que Hôïchi va perdre dans l’histoire (heureusement que ce sont les oreilles que le bonze a oubliées et pas une autre partie de son anatomie!). Lafcadio a basé son histoire essentiellement sur le récit que lui en a fait son épouse japonaise, sans négliger toutes les autres sources qu’il a pu trouver (voir The Story of Mimi-Nashi-Hôïchi).
Lafcadio ne peut malheureusement pas rester dans son Matsue chéri. Dès la fin de 1891 il doit aller habiter dans le sud dans une ville plus importante, Kumamoto, dont le clan Koizumi est originaire et où il va enseigner le latin et l’anglais au Collège du Gouvernement. Lafcadio n’aime guère les Japonais élevés à la moderne. Il va même les détester carrément quand fin 1895, pour faire plaisir à sa femme, il est obligé d’accepter la chaire de Langue et de Littérature anglaises à l’Université Impériale de Tokyo. Une promotion pourtant exceptionnelle pour cet homme parti de rien!

44) n° 2489 The Japanese Letters of Lafcadio Hearn, edited with an introduction by Elizabeth Bisland, édit. Houghton Mifflin Company, Boston/New-York, 1910.
45) n° 1983 Re-Echo by Kazuo Hearn Koizumi edited by Nancy Jane Fellers, édit. The Caxton Printers, Ltd., Caldwell, Idaho, USA, 1957.
(Kazuo est le fils aîné de Lafcadio, un fils dont il s’est beaucoup occupé. Il a eu quatre enfants avec son épouse japonaise).
46) n° 2418 An Ape of God, The Art and Thought of Lafcadio Hearn, by Beongcheon Yu, édit. Wayne State University Press, Detroit, 1964.

La plus grande partie des Japanese Letters sont adressées au Professeur Chamberlain avec lequel Lafcadio développe une véritable amitié intellectuelle et spirituelle au cours de ses années japonaises. C’est un véritable plaisir de lire ces lettres qui ne sont jamais entachées de questions pratiques ou personnelles et qui touchent d’une manière extrêmement libre les sujets les plus variés: littérature, philosophie, morale, et bien sûr le Japon, sa nature, son histoire, son évolution. Elles donnent une merveilleuse image de la personnalité et de l’intelligence de Lafcadio Hearn. Elizabeth Bisland qui les introduit, les compare aux Confessions de Rousseau et au Journal Intime d’Amiel. Elle les trouve même supérieures car elles ne sont pas apprêtées n’ayant pas été écrites pour être publiées et Hearn n’avait rien du caractère égocentrique de Rousseau ou d’Amiel.
Chamberlain qui avait lui-même une excellente connaissance du Japon, a publié de son côté une étude intitulée Things Japanese, curieusement présentée sous forme de dictionnaire (voir n° 2490 Things Japanese, being Notes on Various Subjects connected with Japan, for the use of travellers and others, by Basil Hall Chamberlain, Emeritus Professor of Japanese and Philology in the Imperial University of Tokyo, édit. John Murray, Londres/Kelly & Walsh Ltd., Yokohama, Shanghai, Hongkong, Singapour, 1905). Sous la rubrique Books on Japan, il parle des deux premiers livres sur ce sujet de Lafcadio dans les termes suivants: «Lafcadio Hearn understands contemporary Japan better, and makes us understand it better, than any other writer, because he loves it better». C’est évident, c’est là sa grande supériorité. Lafcadio avait une grande admiration pour Loti (il admirait surtout Le Roman d’un Spahi, le Mariage de Loti et Azyade). Il correspondait avec lui, il a traduit certaines de ses oeuvres. Il en parle souvent, dans ses lettres, pas seulement avec Chamberlain. C’est probablement Loti qui lui a donné ce «désir d’Orient» comme disait Edmonde Charles-Roux à propos d’Isabelle Eberhardt. Il trouve que Loti a une superbe sensibilité, qu’il est un merveilleux observateur, mais qu’il n’a pas de coeur. Et n’ayant pas de coeur il n’arrive pas à pénétrer jusqu’à l’essentiel. Je n’ai malheureusement pas dans ma bibliothèque Madame Chrysanthème dont il dit beaucoup de mal (sur sa façon de traiter la femme japonaise), mais en lisant p. ex. ses Japoneries d’Automne (voir n° 1826 Pierre Loti: Japoneries d’Automne, édit. Calman-Lévy, Paris, 1925), on se rend effectivement compte que c’est très joliment écrit, mais que cela garde un côté superficiel.
Curieusement Beongcheon Yu qui est à la croisée de l’Est et de l’Ouest, puisqu’il est né en Corée, a fait ses études à Tokyo, à Séoul, à Kansas City et enseigne l’anglais à la Wayne State University, dit un peu la même chose quand il explique la vision qu’a Lafcadio de la culture et de la personnalité japonaises et qu’il la compare à la vision qu’en a l’intellectuel de Boston Percival Lowell qui a publié The Soul of the Far East en 1888 et Occult Japan en 1894. Notre civilisation occidentale a atteint son stade adulte, pense Lowell, parce qu’elle a développé l’individu, alors que la société asiatique est restée au stade infantile non différencié. L’homogénéité orientale est le signe d’un manque de génie, d’un manque d’imagination d’où la tendance à l’imitation qui est proprement japonaise. Hearn est horrifié. Il se tourne vers l’histoire pour montrer que la caractéristique du Japonais n’est pas l’imitation mais l’assimilation. Comme dans le judo on se sert de la force de l’autre pour l’abattre (c’est beaucoup plus économique et efficace). Quant à l’impersonnalité elle n’est que de surface. Il faut avoir enseigné au Japon pour se rendre compte des très fortes individualités que l’on peut rencontrer ici, dit-il. L’éternel sourire japonais doit être considéré comme quelque chose de positif. C’est une attitude volontaire. C’est le reste de «l’ancienne tendance morale à se sacrifier pour faire son devoir» (envers la communauté). Et quand Lowell conseille aux Chinois, Coréens et Japonais de tout faire pour que les nouvelles idées importées d’Occident prennent racine, Hearn suggère simplement que l’on accorde aux gens plus de liberté individuelle. C’est la seule manière, dit-il, de maintenir l’ancienne intégrité tout en assurant la survie dans le monde de compétition moderne.
C’est Hearn qui est dans le vrai, dit Beongcheon Yu, parce que Lowell, l’intellectuel, a observé son sujet d’étude d’un point de vue supérieur, alors que Hearn est parti de la base, parce qu’il avait cette «sympathie de l’âme». D’ailleurs Hearn en a été conscient lui-même puisque dans une lettre à Chamberlain il dit ceci: «The merely critical mood will always be blind to the most vital side of any human question... the most vital side is feeling, not reason». Comme il a raison.
Il y a beaucoup de choses que j’aime chez cet homme. Son courage et sa force de caractère d’abord: il est plusieurs fois complètement à bout de ressources, à Cincinnati, à La Nouvelle Orléans, même à son arrivée à Yokohama. Il rebondit toujours. Une fois prise la décision de se marier avec une Japonaise et de devenir Japonais lui-même, ce qui n’a pas toujours dû lui sembler facile, à lui l’individualiste, le solitaire, il a fait ce qui lui a paru être son devoir, a traité sa femme et sa famille avec gentillesse et dévouement, et est allé jusqu’à jouer au Japonais nationaliste, applaudissant les premiers succès du Japon sur les Russes. Et pourtant il a dû avoir de sacrés moments de doute. Il se confie alors à Chamberlain. Un jour il lui dit: tout est petit ici; ce sont des enfants, ils ne s’intéressent qu’à ce qui est petit, aux détails; ils n’ont rien fait de grand, c’est Lilliput. Et les Lilliputiens ne peuvent éprouver des émotions cosmiques. Et puis il se reprend. La lettre suivante est intitulée: «Balance to the right».
Son incroyable curiosité intellectuelle ensuite. Qu’il a appliquée inlassablement à son environnement. Elizabeth Bisland fait remarquer que dans les années 1890 la civilisation japonaise était terra incognita en Occident (comme l’art japonais l’était en 1860), même chez les élites. Les différents livres de Lafcadio Hearn et son Japan, an Attempt at Interpretation, qui en est la conclusion et surtout une brillante explication de la culture japonaise, ont joué un rôle considérable pour faire connaître l’âme japonaise. Et ils gardent encore leur utilité aujourd’hui.
Sa grande sensibilité enfin (qui a d’ailleurs ses aspects négatifs: sa méfiance, sa facilité à être blessé, sa difficulté à conserver des amis) qui est à la base de son style si poétique. Une sensibilité enrichie par sa sensualité. Elizabeth Bisland considère que c’est justement ce qui manque à la littérature américaine (elle écrit en 1910). Elle a des réflexions intéressantes: «la littérature américaine a toujours eu peur de la sensualité et s’est sentie mal à l’aise en présence de la passion... L’élément puritain de notre culture n’a jamais su faire la distinction entre sensualité et sensibilité, entre licence sexuelle et passion...» Or Lafcadio est resté jusqu’à sa fin un grand sensuel. Il écrit tout un chapitre sur la beauté des yeux japonais. Et à Chamberlain il vante la supériorité des peaux de couleur sur les blanches. Même celles qui sont noires comme l’ébène: «La peau noire veloutée et lisse qui reste froide comme un lézard sous le soleil tropical est d’une beauté extrême». Sacré Lafcadio!
Lafcadio Hearn est mort en septembre 1904 d’un infarctus. Il avait 54 ans. Ses cendres sont enterrées dans un cimetière de Tokyo sous une stèle sur laquelle est gravé un simple nom japonais: Koizumi Yakumo.


(2003)

Note (2012) : Cette Note peut être téléchargée de mon site Carnets d'un dilettante (www.bibliotrutt.com) en mode PDF sous le titre Mon ami Lafcadio Hearn (alias Yakumo Koïzumy).