Liste 62 - Histoire (antérieure à 1900) : Persans, Arabes et Turcs



N° 3120 Clément Huart et Louis Delaporte :  L’Iran antique – Elam et Perse et la civilisation iranienne , nouvelle édition refondue de  la Perse antique , Albin Michel, 1943 (avec 75 figures dans le texte, 16 planches et 3 cartes hors-texte. Reliure toile)

Huart était Membre de l’Institut, Professeur aux Langues’O et Directeur d’Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes. Il est décédé en 1926. Delaporte était Conservateur auxiliaire honoraire des Musées Nationaux.


N° 3171 Nizamulmulk :  Nizâmulmulk, Reichskanzler der Saldschuquen (1063 – 1092) – Siyâsatnâma ,  Gedanken und Geschichten , zum ersten Male aus dem Persischen ins Deutsche übertragen und eingeleitet von Karl Emil Schabinger, Freiherr von Schowingen, Karl Alber, Fribourg/Munich, 1960

Vie et Chronique du célèbre grand-vizir des Seldjoukides, Nizam-el-Molk.C’est au milieu du XIème siècle, que les Seldjoukides, une peuplade turque, deviennent maîtres de l’Iran oriental, puis s’engouffrent en Anatolie et à la fin du XIème siècle règnent de la Syrie jusqu’à l’Asie Centrale. Ils respectent la culture persane. C’est le deuxième souverain seldjoukide, Alp-Arslan, qui engage comme grand-vizir le fameux Nizam-el-Molk qui est encore aujourd’hui considéré en Orient comme le modèle du parfait premier ministre. Un premier ministre qui réussit en plus à garder son poste lorsque le jeune fils (18 ans) d’Alp-Arslan, Malik-Shâh, succède à son père (Nizam-el-Molk a alors 57 ans!). Mais la célébrité de Nizam-el-Molk vient surtout de son traité de Gouvernement, le  Siyasat-Nameh  ou Livre de la Politique.A la fin de sa vie ce grand personnage n’échappe quand même pas à une certaine disgrâce due à l’hostilité de l’épouse de Malik-Shâh et à des intrigues de cour. D’autant plus qu’il a toujours soutenu le sunnisme orthodoxe et que dans le pays les Ismaélites (une secte chiite) deviennent de plus en plus organisés. Finalement sur la route qui mène d’Ispahan à Bagdad, le 14 octobre 1092, Nizam-el-Molk tombe frappé par la dague d’un assassin envoyé par Hassan Sabbah. Et on ne saura jamais si le sultan, son épouse ambitieuse ou le nouveau grand-vizir, son successeur, sont complices du meurtre. Auparavant, dit la légende, a lieu la fameuse entrevue entre le sultan et son grand vizir où le sultan lui dit : « Tu t’es fait le maître de mon empire et tu as partagé le pays entre tes fils, tes commensaux et tes vassaux comme si tu étais mon partenaire dans mon empire ! Veux-tu que je commande que l’on enlève de tes mains l’écritoire de ta chancellerie et qu’on délivre les gens de tes abus de pouvoir ? » Et le grand-vizir de lui répliquer : « N’as-tu compris qu’aujourd’hui je suis ton associé dans ton empire et ton partenaire dans le gouvernement ? Mon écritoire est liée à ta couronne, si tu me l’enlèves, on enlèvera ta couronne, et si tu me l’arraches, on te l’arrachera aussi ! » Un mois après l’assassinat de son grand-vizir, le sultan revient d’une chasse près de Bagdad avec une forte fièvre et meurt le lendemain d’une prétendue indigestion due à une trop grande absorption de gibier. Il est vraisemblable que c’est sa femme qui l’a empoisonné... Voilà en tout cas une dynastie turque qui se fond parfaitement dans son environnement arabo-persan, se sert des intellectuels locaux et respecte la culture dominante. Les Ottomans seront différents…


N° 2872 J. de Hammer :  Histoire de l’Ordre des Assassins , Le Club français du Livre, 1961 (ex. numéroté)

Il s’agit en fait de l’Histoire écrite en 1850 par von Hammer-Purgstall

N° 1855 B. Bouthoul :  Le Grand Maître des Assassins , Armand Colin, Paris, 1936 (relié toile)

L’érudit Hammer est probablement le premier à avoir relaté en détail l’histoire du Vieux de la Montagne, mais elle était connue puisque Marco Polo en avait déjà rencontré un exemplaire lorsqu’il s’est rendu en Chine avec ses oncles en passant par là. Et on découvre que le Slovène Bartol dans son roman  Alamut  (qui précède le  Samarcande  de Maalouf) n'avait rien inventé, ni sur les méthodes de formation de ces kamikazes musulmans, fous de Dieu, plongés drogués dans un paradis de théâtre où coule pourtant le miel et roucoulent les belles gazelles, et ne cherchant qu'à le retrouver au plus vite par la mort assassine, ni sur la volonté de pouvoir de ce Maître mystérieux, Maîtres devrais-je dire, puisqu'il y en a plusieurs qui se sont succédés les uns aux autres. Aujourd’hui on n’a plus besoin de se donner autant de mal. Les kamikazes contemporains croient au Paradis sans qu’on ait besoin de les droguer. Puisque le net leur confirme que le Paradis existe. Que le miel y coule et que les vierges restent toujours vierges…


N° 1856 Amin Maalouf :  Samarcande , édit. Jean-Claude Lattès, Paris, 1988.

L'écrivain libanais Maalouf reprend dans son livre  Samarcande  la vieille légende selon laquelle Hassan le premier Maître des Assassins, Nizam al-Molk le sage et honnête grand vizir et Omar Khayam le poète-savant, avaient fait leurs études ensemble dans la même université et s'étaient juré fidélité pour la vie. Hélas, ou heureusement, ce n'est qu'une légende. Car il ne peut y avoir aucune relation entre le Prince du Mal et le Héros du Bien.

C'est à propos de ce roman que le Maître des Assassins est évoqué dans mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1 : Littérature méditerranéenne.


N° 2627 Tabari :  Geschichte der Perser und Araber zur Zeit der Sassaniden , trad. et notes de Th. Nöldeke, E. J. Brill, Leyden, 1879 (édition unique, reliure éditeur)

La Chronique de l’Iranien Tabarî est importante à plus d’un titre : elle donne des renseignements intéressants sur certains rois sassanides que l’on a rencontrés dans le  Livre des Rois  tels que Bahrâm ou Khosrow, elle montre l’influence du christianisme et de l’hellénisme sur les Sassanides et parle d’un royaume arabe, situé dans le sud de l’Irak, allié des Perses et qui a longuement contenu les Arabes « sauvages » du désert, le royaume de Hîra. L’existence d’un tel royaume montre aussi combien les Arabes du désert étaient proches de la civilisation persane et étaient forcément influencés par elle.

Tabari rapporte une histoire que raconte également Ferdousi : Le roi Bahrâm est connu pour ses prouesses de chasseur et son adresse au tir à l’arc. Lorsque sa maîtresse l’accompagne à la chasse, lui fait faire des tirs acrobatiques et cruels et finalement se moque de lui, Bahrâm, furieux, demande à un chasseur de la tuer. Chez Tabari c’est à un vieux serviteur qu’il confie cette tâche. Celui-ci, voyant qu’elle est enceinte du roi, la laisse vivre jusqu’à ce que le roi, plein de remords, la pleure ouvertement. Et sera bien heureux de la retrouver. Et auparavant le serviteur s’est coupé son membre viril, l’a mis dans une boîte scellée qu’il avait confié au roi de peur de se voir accuser d’avoir abusé de la jouvencelle. Noeldeke qui traduit Tabari et apporte dans de nombreuses notes érudites des renseignements précieux, laisse de temps en temps courir son humeur et même son humour. Ainsi note-t-il sèchement en bas de page : « De toute façon le vieil homme n’en avait plus l’usage ! » Le vieux que je suis trouve cet humour plutôt de mauvais goût.

Voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : L'âge d'or arabo-persan.


N° 1854 J. Fr. Delacroix et A. Hornot :  Anecdotes arabes et musulmanes , P. Vincent, Paris, 1772 (relié pleine peau racinée, début XIXème, dos lisse orné)

Il s’agit en fait d’une histoire chronologique du monde arabe de 614 à 1538. D’ailleurs le sous-titre est :  depuis l’an de J. C. 614 époque de l’établissement du Mahométisme en Arabie par le faux prophète Mahomet jusqu’à l’extinction totale du Califat en 1538 .


N° 2542 à 2546 Baron Carra de Vaux :  Les Penseurs de l'Islam , 5 tomes, Libr. Paul Geuthner, 1921, 23 et 26 (Relié toile avec pièces de titres et dorures)

Le Baron aborde tous les aspects : Histoire, science et religion en particulier. Voir les sous-titres des différents tomes : Tome 1 :  Les Souverains, l’Histoire et la Philosophie politique , Tome 2 :  Les Géographes, les Sciences mathématiques et naturelles , Tome 3 :  L’exégèse, la tradition et la jurisprudence , Tome 4 :  La scolastique, la théologie et la mystique – La musique , Tome 5 :  Les Sectes – le libéralisme moderne 


N° 2671 R. Dozy :  Essai sur l’Histoire de l’Islamisme , traduction Victor Chauvin,  Brill, Leyden/Maisonneuve, Paris, 1879 (Demi-chagrin de l’époque, dos orné, à nerfs)

Victor Chauvin est l’auteur de la grande  Bibliographie des ouvrages arabes parus en Europe  (voir Liste 29 :  Littérature arabe ancienne et moderne ). R. Dozy était Professeur à l’Université de Leyden et Membre de l’Académie Royale des Sciences d’Amsterdam.


N° 3135 à 3137  A. P. Caussin de Perceval :  Histoire des Arabes jusqu’au Caliphat , trois tomes, Libr. Firmin Didot Frères, Paris, 1847/48 (Reliure demi-cuir, dorures, exemplaire ayant appartenu au Recteur Boubakeur de la Mosquée de Paris) (édition originale)

Le titre complet est :  Essai sur l’Histoire des Arabes avant l’islamisme, pendant l’époque de Mahomet et jusqu’à la réduction de toutes les tribus sous la loi musulmane . Perceval était Professeur d’arabe au Collège de France et à ce qui s’appelait alors l’Ecole Spéciale des Langues orientales vivantes.


N° 1848 à 1850 Ibn Khaldûn :  Discours sur l’Histoire Universelle – Al-Muqaddima , traduction, préface et notes de Vincent Monteil, trois tomes, Sindbad, Paris, 1978 (relié toile)

Réédition du Livre publié sous l’égide de l’Unesco et du Gouvernement libanais à Beyrouth en 1967/68. Faisaient partie de la Commission éditrice : Fouad Boustany et Nikita Elliséeff.

Khaldun était né à Tunis en 1332 et est mort au Caire en 1404. Il a rencontré Tamerlan à Damas en 1401.Taha Hussein qui s’était intéressé à la Sorbonne à la toute nouvelle science de la sociologie enseignée alors par Durkheim, prétendait que cette science était déjà connue par les érudits arabes et pratiquée par le Tunisien Ibn Khaldûn. Vincent Monteil qui préface ces fameux  Prolégomènes  lui donne raison : « Ibn Khaldûn se présente comme un historien, ce qu’il est, en effet. Mais il est aussi 5 siècles avant Auguste Comte, l’inventeur de la sociologie. » Plus tard Taha Hussein devient docteur de la Sorbonne en passant avec brio une thèse sur ce même Ibn Khaldûn ( Etude analytique et critique de la philosophie sociale d’Ibn Khaldûn ), réalisant ainsi dans les deux sens la jonction entre cultures européenne et arabe.

A propos d'Ibn Khaldûn et de Taha Hussein, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1 : Littérature méditerranéenne.


N° 3662 Gustave Le Bon :  La Civilisation des Arabes , Libr. de Firmin Didot Frères, Paris, 1884 (Volume in-4, de 700 pages, illustré de 10 chromolithographies, 70 grandes planches, 4 cartes et 366 gravures. Relié dos cuir.)

C'est le même Docteur Gustave Le Bon qui a écrit  la Psychologie des Foules . Après avoir décrit l'évolution de l'Homme et des sociétés dans :  L'Homme et les Sociétés. Leurs origines et leur histoire  (en deux volumes), Le Bon s'attaque à l'étude des grandes civilisations et commence par celle des Arabes.


N° 1852 et 1853 Claude Huart :  Histoire des Arabes , deux tomes, Paul Geuthner, Paris, 1912/13 (relié toile)

Claude Huart a été Professeur à l’Ecole des Langues’O et Directeur d’Etudes à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. 


N° 3433 Lucien Bouvat :  Les Barmécides d'après les historiens arabes et persans , Ernest Leroux, Paris, 1912 (Dédicace autographe de l'auteur)

Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes. La famille des Barmécides, des Iraniens originaires de Balkh (ils étaient bouddhistes avant de se faire musulmans) était au service de la dynastie abbasside pratiquement sans interruption depuis sa conquête du pouvoir aux dépens des Omeyyades jusqu’au moment où ils ont été décimés par Haroun al-Rachid. Car la vie de Haroun al-Rachid n’est pas aussi exemplaire que les Nuits essayent de nous le faire croire (voir N°1851 André Clot :  Haroun al-Rachid et le temps des Mille et Une Nuits , édit. Fayard, Paris, 1986, ouvrage déjà cité dans la liste 28 :  Littérature arabe : Les Mille et une Nuits ). C’est en l’an 802 que Haroun demande à son fidèle eunuque Mesrour de lui apporter la tête de Djafar, celui qui a été son vizir et, d’après certains, son mignon, fait jeter en prison Fadl, son frère de lait et Yahya le père de Djafar et de Fadl, qu’il avait considéré comme son propre père et qui avait été son protecteur et son conseil dans sa jeunesse. Ils mourront en prison tous les deux. Sont emprisonnés également Musa et Mohammed les deux autres fils de Yahya, la mère de Fadl, d’autres encore. Plus de mille femmes, enfants, affranchis ou clients des Barmécides sont tués et toutes leurs possessions saisies. Beaucoup de romans ont été bâtis sur cette chute des Barmécides. Personne ne connaîtra jamais la vérité. Peut-être même Haroun ne la connaissait-il pas lui-même !

Pour Haroun al-Rachid et les Barmécides, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : Les Mille et une Nuits.


N° 3354 Sir John Bagot Glubb :  The great Arab Conquests , Hodder & Stoughton, Londres, 1963 (hard cover avec dust jacket illustré)

Glubb est le fameux Glubb Pacha, le chef de la légion arabe du Roi de Jordanie, un Lieutenant général anglais. Sir Glubb n’est pas un historien professionnel mais il a l’avantage d’avoir commandé des Bédouins pendant 30 ans et, en plus, d’avoir combattu lors de la dernière guerre pratiquement sur les mêmes théâtres d’opérations que les tribus arabes 1300 ans plus tôt. Or, dit-il, mes Bédouins du désert n’étaient probablement pas très différents de leurs ancêtres du 7ème siècle. Alors il nous raconte l’histoire des débuts de l’Islam d’une manière extrêmement vivante. Avec le meurtre d’Osman en 644 se termine une période absolument extraordinaire, incroyable, incompréhensible : en 25 ans, dit Glubb, (en réalité c’est encore moins que cela, 20 ans, la durée des deux califats d’Omar et d’Osman), les Arabes ont conquis toutes les provinces détenues par Byzance depuis la Syrie jusqu’à la Tunisie et tous les restes de l’Empire perse jusqu’au Caucase et jusqu’à l’Oxus ! Des gens illettrés qui n’avaient aucune technique militaire, ne remportaient de victoire, au début, que dos au désert, ne savaient comment prendre une ville fortifiée et se heurtaient à deux Puissances anciennes, cultivées, organisées, réputées sur le plan militaire. Alors où est l’explication ? D’abord les deux Puissances, nous dit Glubb, étaient très affaiblies. Elles sortaient de 26 ans de guerre. Et entre-temps les deux Empires sont devenus exsangues, ruinés, les trésors sont vides, les provinces dévastées, le commerce ruiné. Et les deux dynasties chancellent : l’Empereur perse, Chosroès, est assassiné par son fils Yezdegird, et à Byzance des intrigues de gynécée mettent un enfant sur le trône.

Et de l’autre côté vous avez des gens qui vivent un rêve complètement idéaliste. Dieu les avait choisis pour conquérir le monde et avait réservé pour eux les joies inimaginables du paradis (surtout s’ils mouraient en martyrs). C’est avec une véritable fureur religieuse, avec une insouciance totale de la mort, avec la certitude d’avoir le soutien du Dieu véritable, qu’ils ont bousculé ces armées aguerries mais raisonnables. Les historiens modernes, dit encore Glubb, ont tendance à mettre en doute l’existence même de cet enthousiasme religieux. C’est notre époque qui est trop matérialiste, dit Glubb, pour pouvoir croire à des causes émotives. Moi je connais les Bédouins, dit Glubb. Moi je sais que sous leur rude carapace il y a quelque part au plus profond de leur être un trésor d’enthousiasme altruiste. Le Prophète a réussi à faire vibrer la corde de cet enthousiasme. Et alors il n’y avait plus rien que ces Arabes ne puissent accomplir. Les raisons économiques n’ont pas pu, seules, déclencher un tel volcan. Il fallait un feu profond, émotionnel et idéaliste pour créer une telle explosion de violence.

Pour Glubb et la Conquête arabe voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : Religions persanes.


N° 3071 Albert Champdor :  Saladin, le plus pur héros de l’Islam , Albin Michel, 1956

Saladin : 1137 – 1193. Il serait intéressant de rapprocher ce livre de la biographie de Frédéric II par l’ingénieur de Supélec’ Pierre Boulle déjà cité dans la Liste 45 :  Littérature francophone d’aventures : Pierre Boulle . Voir : N° 4298 Pierre Boulle :   L'étrange croisade de l'empereur Frédéric II  , Flammarion, 1968. Seul homme à avoir gagné une croisade pacifiquement et être excommunié par le Pape, Frédéric II s’est très bien entendu avec le grand Saladin.

Voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 5 : B comme Boulle. Pierre Boulle, l'homme et l'oeuvre.


N° 2844  Histoire anonyme de la première croisade , traduit et édité par Louis Bréhier, Libr. Ancienne Honoré Champion, Paris, 1924 (demi-percaline à coins, pièce de titre)

Louis Bréhier était Professeur à la Faculté de Lettres de Clermont-Ferrand. C’est là la première traduction française de la  Gesta Francorum  écrite en latin au XIIème siècle.  L’Histoire Anonyme  est une chronique très vivante d’un témoin direct de la première croisade, un chevalier de classe moyenne originaire de l’Italie méridionale, écrite en latin « de cuisine ». On n’y parle pas directement des massacres de juifs qui ont débuté avec la première Croisade. Mais on signale la présence de bandes indisciplinées, les pillages des croisés à Constantinople et la colère de l’Empereur Alexis Comnène.

N° 2859 Carl Erdmann :  Die Entstehung des Kreuzganggedanken , Wissenschaftkiche Buchgemeinschaft, Wiesbaden, 1980

Reprint de l’édition originale de 1935 (Stuttgart)

N° 2835 à 2838 M. Michaut :  Histoire des Croisades , en 4 volumes, Chez Louis Vivès, Paris, 1853/54 (Furne et Cie – Dezobry et Magdeleine) (demi-chagrin, dos à  nerfs, reliure contemporaine)


Quelles étaient les causes de ces Croisades qui allaient se succéder pendant plusieurs siècles ? On a dit, et c’est certainement vrai, que la première raison était de libérer le Saint Sépulcre. Les pèlerinages à Jérusalem n’avaient en fait jamais cessé. Dès les IIIème et IVème siècles les chrétiens d’Occident et d’Orient avaient pris l’habitude de visiter les Lieux Saints. Ces pèlerins pouvaient témoigner du sort fait aux monuments sacrés comme aux chrétiens de Terre Sainte par les Musulmans qui les avaient conquis, surtout par les moins tolérants parmi eux comme les Califes du Caire et plus tard les Turcs. D’où exaspération parmi toute la chrétienté. Constantinople, de plus en plus acculée sur sa cité, avait demandé plusieurs fois que la chrétienté d’Occident vienne à son secours, ce qui devait plaire à certains papes qui pouvaient ainsi espérer refaire l’unité à leur profit. Mais il y avait une autre cause sur laquelle insiste tout particulièrement Erdmann : les Germains constituaient la majorité de la population chrétienne d’Occident. Ces gens étaient restés des guerriers. L’Eglise allait trouver un moyen de canaliser leur énergie tout en sauvant l’éthique chrétienne. Elle allait en faire des guerriers chrétiens. On sait que c’est Urbain II et Pierre l’Ermite qui sont les deux pères véritables de la Première Croisade. Un premier concile organisé en Italie, à Plaisance, n’avait rien donné. On allait en organiser un second, dans un pays plus belliqueux, en France, à Clermont. Or que dit Urbain dans son discours, après les paroles enflammées de Pierre ? « Guerriers qui m’écoutez, vous qui cherchez sans cesse de vains prétextes de guerre, réjouissez-vous, car voici une guerre légitime. » « Il ne s’agit plus de venger les injures des hommes, mais celles de la Divinité. » « Si vous triomphez, les bénédictions du ciel et les royaumes de l’Asie (pas idiot, le Pape) seront votre partage ; si vous succombez, Dieu n’oubliera point qu’il vous aura vus dans sa milice sainte. » C’est la guerre sainte. Pas tout à fait identique au Djihad musulman : c’est d’abord un service de chevalerie au service de Dieu et de l’Eglise. Mais à part cela il y a beaucoup de points communs : on ne fait pas la guerre pour convertir mais pour asservir les incroyants et ainsi montrer la supériorité de sa croyance (si les incroyants se convertissent et augmentent ainsi la puissance de la vraie foi, tant mieux) ; si on meurt au combat on va au paradis directement (pour les chrétiens cela veut dire que les anciens péchés sont pardonnés et qu’au service de la croisade tout est permis).


Pour l'histoire des Croisades, voir aussi mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1 : Antisémitisme et identité juive.


N° 2467 Georges Ostrogorsky :  Histoire de l’Etat byzantin , Payot, 1996 (Relié toile)

G. Ostrogorsky était Professeur à l’Université de Belgrade. La première édition de cet ouvrage a paru en 1940. Lorsqu’on étudie l’histoire de l’Etat byzantin dans cette prestigieuse étude on s’aperçoit que le schisme définitif date en réalité de 1054. Comme le dit Ostrogorsky il fallait la conjonction d’un souverain faible à Constantinople (car l’Empereur n’avait pas intérêt à une rupture avec Rome), - c’était le cas de Constantin IX Monomaque - et la présence de deux individus obstinés et ambitieux à la tête des deux églises : Léon IX et son cardinal Humbert, emporté et intransigeant, et de l’autre côté Michel Cérulaire, le patriarche le plus ambitieux de toute l’histoire byzantine.Le 16 juillet 1054 Humbert vient déposer sur l’autel de Sainte Sophie une bulle d’excommunication contre Cérulaire. Celui-ci parvient à retourner l’Empereur, à réunir un concile et, aussi sec, excommunier le Romain. Les deux églises ne seront plus jamais unies. Y avait-il au moins des raisons de dogme ? Rien du tout. Une des églises reprochait à l’autre d’enseigner que le Saint Esprit procédait du Fils et du Père et était donc postérieur (c’est la fameuse question du « filioque » dans le credo) et l’autre disait qu’ils étaient simultanés ! Sur le plan des rites l’une faisait communier ses fidèles sous les deux espèces. Dans l’une le prêtre utilisait du pain sans levain, l’autre non ! Et l’église orthodoxe admettait le mariage des prêtres (mais cela ne semblait même pas être un point primordial). Cela montre bien que les idées ne sont que des prétextes quand des hommes s’opposent pour des questions de pouvoir ou de prestige !

Mais la grande haine des orthodoxes à l’égard de ceux de Rome vient du fameux sac de Constantinople par les Croisés. C’est au cours de la 4ème croisade que cela s’est passé. Une croisade détournée, disent les historiens. Grâce aux intrigues du Doge de Venise qui va s’entendre avec les Croisés pour se répartir les biens de l’Empire byzantin. On va d’abord prendre la ville au milieu de l’année 1203, mettre sur le trône un obscur rejeton d’une ancienne dynastie byzantine, puis lorsque la ville se révolte, on va la prendre une deuxième fois, cette ville fière qui avait résisté à tous, aux Perses, aux Arabes, aux Avars, aux Bulgares et on va l’abandonner pendant trois jours, du 13 au 15 avril 1204, au meurtre et au pillage. Les trésors les plus précieux du plus grand centre de civilisation de l’époque sont partagés entre les conquérants « quand ils ne sont pas anéantis de la façon la plus barbare ! » (voir ce qu’en dit le Michaut). « Si oncques ne fut vu nulle part un si riche saccagement » dit Villehardouin, le chroniqueur de l’époque. La licence des soldats croissait à la vue du butin. « Ils ne respectèrent ni la pudeur des femmes ni la sainteté des églises » dit Michaut. Ils dépouillèrent même les cercueils des empereurs, celui de l’auguste Justinien lui-même. Sainte Sophie fut souillée et saccagée. De nombreuses oeuvres d’art de la grande époque grecque et romaine furent détruites. Les statues en bronze sont fondues et transformées en monnaie. Il y en avait de gigantesques, une statue de Junon dont la tête seule dut être traînée par un attelage de huit boeufs, une statue équestre dont le cavalier avait le bras étendu vers le soleil, un colossal Hercule dans la posture du Penseur de Rodin, une Hélène avec « ses cheveux flottant au gré des vents », c’est Nicétas le chroniqueur byzantin qui parle, « ses yeux pleins de langueur, son sourire plein de charme, ses lèvres qui paraissaient de rose sur l’airain, son attitude langoureuse, ses bras dont le bronze même montrait la blancheur ». Le saccage continue dans la campagne voisine du Bosphore : villages, églises, maisons de campagne, tout est dévasté et livré au pillage. Nicétas vomit la race barbare des Francs qui dépasse en barbarie les Turcs. « Voilà donc ce que nous promettaient ce hausse-col doré, cette barbe rase, ces narines qui ne respirent que la colère, cet oeil superbe et cruel, cette main prête à répandre le sang... » Le chef des Croisés s’appelait Boniface de Montferrat, le Doge de Venise Henri Dandolo. Et voilà comme on marque pour des siècles et des siècles la mémoire collective des peuples...

Pour Byzance et le sac de Constantinople, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : Littérature de Roumanie et des Balkans.


N° 3613 Steven Runciman :  The Fall of Constantinople – 1463 , Cambridge University Press, Cambridge, UK, 1965

Steven Runciman (1903 – 2000) était un historien britannique spécialiste du Moyen-Âge, connu pour sa grande  Histoire des Croisades  et aussi pour ses  Vêpres siciliennes  (le massacre des Français de Charles d’Anjou le mardi de Pâques le 31 mars 1282). C’est le mardi 29 mai 1463, après un siège de huit semaines que Constantinople est tombée, conquise par l’Ottoman Mehmet II.


N° 3134 R. Brunschvig/G. E. Grunebaum et alia :  Classicisme et Déclin culturel dans l’Histoire de l’Islam  (Symposium de Bordeaux de 1956), G. P. Maisonneuve et Larose, Paris, 1977 (Relié toile)

Parmi les autres participants : L. Gardet, H. Massé, H. Ritter, H. Terrasse

En 1956 s’est tenu à Bordeaux un très intéressant symposium qui a d’abord présenté le niveau élevé de la culture et de la science atteint par le monde arabo-persan au Moyen-Âge et dans les siècles qui ont suivi et puis qui a traité des raisons de la décadence de cette culture dans les siècles ultérieurs, décadence qui s’est poursuivie jusqu’aux temps modernes. Je dis que ce symposium était intéressant parce qu’à l’époque on a encore pu parler très librement de l’Islam et de ses conséquences néfastes sur le développement économique et technologique. Aujourd’hui on se ferait probablement poursuivre par les Islamistes déchaînés du monde entier !

Le Professeur Willy Hartner de Francfort donne une image brillante de l’état des sciences entre le XIème siècle et la fin du XIIIème. Il note une première phase consacrée à la traduction d’oeuvres grecques et indiennes et puis une deuxième phase réellement créatrice. Il cite de nombreux algébristes, des astronomes, des médecins aux origines très diverses : musulmans, juifs, chrétiens, Arabes, Persans, Egyptiens, Syriens, même Turcs.

L’Europe, à la fin du Moyen-Age, était d’ailleurs consciente de la supériorité culturelle et scientifique de la civilisation musulmane. Ce n’est qu’au XVIIème siècle que l’on commence à soupçonner que le ver est dans le fruit et que le déclin a commencé depuis un moment. La raison ? La religion.

Pour le Professeur Hartner la science a pu se développer à peu près librement tant qu’il y avait de nombreuses sectes et écoles qui se combattaient. A partir du moment où l’orthodoxie s’est imposée, en adoptant l’asharisme comme philosophie officielle (depuis le XIIème siècle jusqu’aux temps modernes), une philosophie qui proclame qu’il n’y a pas de loi naturelle et que le cours des choses que nous observons ne s’effectue pas naturellement mais seulement tant qu’il plaît à Dieu de ne pas y intervenir, la fin de la science est programmée.

Le Professeur Charles Pellat, de Paris, conclut sa description des étapes de la décadence culturelle de la manière suivante : « Le religieux, un moment dépassé, ne tarde pas à triompher du profane qui n’a plus sa place dans l’enseignement de la madrasa, et la culture se rétrécit de siècle en siècle jusqu’à se cantonner dans des préoccupations mystiques qui dominent le champ des connaissances et provoquent, dans la masse, le développement de la magie et de l’astrologie. Toute culture véritable disparaît sous la domination ottomane, et il faut attendre une nouvelle collision, avec l’Occident cette fois, pour que le monde arabe sorte de sa torpeur. »

D’autres participants mettent en avant l’admiration sans bornes du passé, de l’âge d’or des premiers califes, le fait que tout se dégrade avec le temps. On le voit aujourd’hui dans les pays où l’intégrisme triomphe: on cherche à faire revivre le temps des débuts de l’Islam. Une telle doctrine qui situe l’idéal historique dans le passé stigmatise bien sûr toute innovation.

Le Professeur Joseph Schacht de Leyden explique la différence fondamentale entre la loi religieuse musulmane qui se veut globale, une loi qui embrasse tout, qui est la loi pour tous les Musulmans et qui est immuable et parfaite dans tous ses détails et la loi romaine ou plutôt les lois religieuses byzantine et catholique qui en sont dérivées et qui distinguent toutes les deux une loi divine immuable et une loi civile sujette aux changements de la société. On comprendra aisément que cette conception du droit est encore une autre cause de l’ankylose générale. Et une fois de plus on peut faire le parallèle avec la situation d’aujourd’hui : partout où la charia a réussi à s’implanter on est revenu 1500 ans en arrière sur le plan social, faisant fi de tous les progrès qu’a fait l’humanité en matière de droits de l’homme et surtout de la femme, simplement parce que ce fameux droit religieux englobe le droit social et que ce droit social est donc celui de l’époque du Prophète !

Le Professeur Helmut Ritter de Francfort cite le philosophe al-Ghazali. Dans les lettres que celui-ci adresse à ses étudiants il leur enjoint de n’acquérir que les biens qu’ils acquerraient s’ils n’avaient plus qu’un an à vivre. Donc : ne sont utiles que les connaissances qui préparent à la vie de l’au-delà, après la mort. L’étudiant ne doit pas se former universellement, mais il doit se limiter à ce qui est absolument nécessaire à la vie religieuse, qui est déterminée par l’attente de l’au-delà. Pourtantal-Ghazali n’était pas n’importe qui, un philosophe capable de se mesurer à Averroès ! Hélas.

Ce qui est en tout cas frappant c’est que les explications (fournies en 1956 !) de cette régression, en tout cas celles qui sont liées à l’orthodoxie islamique, prennent une importance toute particulière aujourd’hui lorsqu’on veut saisir le danger du déferlement islamiste actuel et de la victoire de la charia !

A propos du déclin culturel des pays de l'Islam et des Ottomans, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : Déclin culturel de l'Islam.


N° 3052 et 3053 Richard Burton :  Personal Narrative of a Pilgrimage to Al-Madinah and Meccah , deux tomes, Tylston and Edwards, Londres, 1893 (Memorial Edition. Edité par Mmme Isabelle Burton, 19 plates dont 5 coloriés et plans par R. B.)

C’est l’œuvre la plus célèbre de Burton. Livre déjà cité dans la Liste 28 :  Littérature arabe : Les Mille et une Nuits )


 N° 4315 Capitaine H. Seignobosc :  Turcs et Turquie , Payot et Cie, 1920 (Relié demi-basane marron, titres et filets dorés)

Seignobosc avait été Officier de la Mission d'Orient. Il avait bien connu les membres du trio des jeunes Turcs au pouvoir au moment du génocide arménien. Intéressants portraits des leaders jeunes Turcs. Explications de la défaite des alliés aux Dardanelles.


N° 3173 Ernst Werner :  Die Geburt einer Grossmacht , Hermann Böhlaus Nachf., Weimar, 1985 (dédicacé par l’auteur)

Sous-titre :  Beitrag zur Genesis des türkischen Feudalismus . Ernst Werner, spécialiste de l’histoire médiévale, étudie la montée en force rapide et irrésistible de la petite tribu des Ottomans qui d’après la légende n’était constituée que de 400 familles. Il décrit les Ottomans comme des conquérants intelligents, machiavéliques, brutaux et qui jouent souvent de la terreur pour accélérer leurs conquêtes. En fait il les compare à leurs cousins mongols ! Sur le plan de la religion ils flirtent d’abord avec le chiisme, puis c’est le soufisme qui rencontre un franc succès en terre d’Anatolie (Werner fait un parallèle intéressant entre la vieille religion chamanique des anciens Turcs et Mongols caractérisée par la séparation de l’âme du corps qui voyage dans l’espace comme dans un rêve et le mysticisme soufi où l’âme cherche à rencontrer Dieu. Cela pourrait expliquer la présence toujours importante de confréries soufies dans la Turquie d’aujourd’hui). Et finalement c’est le sunnisme le plus orthodoxe qui s’impose, favorisé par les sultans successifs. Quelle est la cause de l’ankylose ultérieure de l’Empire Turc ? Faut-il accuser la seule religion musulmane ? Je n’en suis pas si sûr. La raison principale réside probablement dans la nature même de cette dynastie ottomane, l’autocratisme arbitraire, le féodalisme (très bien expliqué par Werner), les innombrables potentats locaux, une situation qui empêche toute initiative, tout épanouissement individuel… 


N° 3270 Arfa Hassan :  The Kurds, an Historical and Political Study , Oxford University Press, Londres, 1966 (hard cover et dust jacket illustré)

Histoire générale des Kurdes. En Iran, Irak et Turquie. Hassan Arfa était chef d'Etat-Major dans l'Armée iranienne de 1944 à 46 puis Ambassadeur d'Iran en Turquie de 1958 à 1961.