Liste 24 : Littérature slave : Littérature serbo-croate
N° 1032 Milos Tsernianski : Migrations , avec notice biographique sur Tsernianski et introduction de Nikola Milosevitch, édit. Julliard/l’Âge d’Homme, Paris, 1986. (Relié demi-cuir, dos à nervures)
C’est le roman mythique des Serbes, le roman de leur déracinement, de leurs pérégrinations, de leurs malheurs, de leur nostalgie. Un roman superbe plein d’images inoubliables, au mouvement lent et inexorable.
La première partie commence en 1744, sur les berges boueuses du Danube, en Voïvodine (qui est la région magyare de la Serbie d’aujourd’hui), où Vouk fait ses adieux à sa famille et rassemble sa troupe pour aller faire la guerre, pour le compte de l’Empereur d’Autriche.Les combats contre les Turcs sont loin. Aujourd’hui les Serbes ne servent plus que de chair à canon à Marie-Thérèse la catholique, on essaye d’ailleurs sans succès de les convertir à la religion romaine, on les brime, on les méprise comme les sauvages qu’ils sont et on les déplace souvent.
Tsernianski a publié la première partie de ses Migrations en 1929. Le déclenchement de la première guerre mondiale l’avait surpris à Vienne. Il est emprisonné, puis enrôlé dans l’armée autrichienne et doit aller se battre contre ses frères serbes comme tous les Slaves originaires de Bosnie, de Croatie et de toutes les terres serbes situées au nord du Danube qui font partie de l’Empire austro-hongrois. Cela exaspère son nationalisme.C’est après la guerre qu’il publie la deuxième partie de son grand roman.
Cette deuxième partie est nettement plus touffue, plus romanesque aussi. Des femmes y apparaissent, souvent légères, sensuelles. Peut-être est-ce pour montrer que Vienne est une ville dissolue, les moeurs de la Cour à l’opposé de celles des soldats serbes.On leur accorde bien des terres dans la plaine du Donetz mais ils ne verront jamais le peuple russe, Moscou, Saint-Pétersbourg. Cette ville de Pierre le Grand, née d’un rêve, née de l’imagination, une ville de pierre bâtie sur l’eau, sur la glace. La ville de leurs rêves, la ville aux bulbes. C’était vers ces bulbes, cette eau, ce fleuve, cette mer qu’ils s’étaient mis en marche. « Vers cette ville qui est le rêve, fait réalité par celui à l’appel de qui ils étaient tous partis ». Et puis « ils finiront comme des garde-frontières - ce qu’ils ont toujours été - les uns le long de la frontière polonaise, où comme des sbires, ils pourchasseront les moujiks fuyant le servage russe, les autres à la frontière moldavo-turque, où ils laisseront leurs os ».
N° 3266 Milos Tsernianski : Récits au Masculin , L’Âge d’Homme, Lausanne, 1996
Nouvelles de l'auteur de Migrations . Ont paru dans les années 20.
N° 1028-29 Dobritsa Tchossitch : Le Temps de la Mort , deux volumes, édit. L’Age d’Homme, Lausanne, 1991. (Relié demi-cuir, dos à nervures)
N° 1030-31 Dobritsa Tchossitch : Le Temps du Mal , deux volumes, édit. L’Age d’Homme, Lausanne, 1990. (Relié demi-cuir, dos à nervures)
Une autre épopée serbe. 1 er tome : la première guerre mondiale. 2 ème tome : c’est une épopée du communisme. Procès de Moscou. Deuxième guerre mondiale. Le Roman comporte trois parties : Le Pêcheur – L’Hérétique – Le Croyant .
Dobritsa Tchossitch a d’abord été un homme totalement engagé dans l’action politique, se battant avec les Partisans contre les Nazis pendant la dernière guerre, puis devenant membre du Comité Central du Parti de Serbie. Mais assez rapidement il entre dans l’opposition, rendant même sa carte du Parti en 1968 et se consacrant alors entièrement à l’écriture. Démocrate dans l’âme, il ne pouvait accepter longtemps l’arrivisme, le culte de la personnalité et l’autocratisme du régime.
Ses deux romans majeurs, le Temps de la Mort et le Temps du Mal sont des romans-fleuves, longs respectivement de 1800 et de 1300 pages, impossibles à résumer.Le premier retrace l’histoire de la guerre de 14 vue du côté serbe.Ce sont de vrais guerriers, ces mêmes guerriers que nous décrit Tsernianski. Ils se battent aussi pour la réalisation de leur rêve, la réunion de tous les Slaves du Sud, Serbes, Croates, Slovènes, la création de cette Yougoslavie (la Slavie du Sud), alors que tant de Slaves doivent se battre dans les rangs honnis des Autrichiens.La guerre a mal fini pour les Serbes. Décimés par les épidémies, manquant de tout, sans aide aucune des alliés, attaqués à la fois par les Autrichiens, les Allemands et même les Bulgares qui voulaient leur faucher la Macédoine, ils reculent de plus en plus et passent par les montagnes du Monténégro et de l’Albanie.Finalement ce sont les Français, grâce à Poincaré, qui viennent les chercher sur la côte albanaise. Entre janvier et avril 1916 150 000 hommes sont embarqués sur les navires français et transportés à Corfou. Et le livre se termine à nouveau avec les chevaux, ces milliers de chevaux qu’on ne peut embarquer et qu’ils doivent tuer pour ne pas les laisser à l’ennemi. Eux, les grands amoureux de leurs chevaux !
Le Temps du Mal est plus sinistre que celui de la Mort. C’est la description détaillée des purges staliniennes et de l’écrasement des individualités par les systèmes idéologiques. On y retrouve beaucoup de personnages du premier roman, des amis qui se sont connus à la campagne, à l’école, qui ont fait la guerre ensemble et qui se déchirent.Ce sont les fameuses chambres d’accusation du Komintern organisées à l’Hôtel Lux à Moscou. Je crois que c’est la première fois qu’on a décrit avec un tel réalisme ce qui s’est vraiment passé, les exigences d’autocritique, de délation des amis, des parents, de la patrie même. Toute la vieille garde de la Révolution est ainsi engloutie, disparaissant dans les geôles de la Loubianka. Seuls survivent les plus veules, les plus abjects, ceux que Staline est absolument sûr de pouvoir manoeuvrer à sa guise. Et ceux qui en réchappent sont marqués à vie. Ils seront poursuivis, calomniés, injuriés, battus même. Et pourtant ils gardent souvent leurs idées et leur foi.Il y a quelque chose de religieux dans ce livre. D’ailleurs les titres des trois parties le montrent : le Pécheur, l’Hérétique et le Croyant.
N° 1027 Dobritsa Tchossitch, entretiens avec Slavolioub Djoukitch, un homme dans son époque , édit. L’Age d’Homme, Lausanne, 1991. (Relié toile)
Tchossitch qui s’écrit maintenant Ćosić est devenu Président de la Yougoslavie réduite à la Serbie et au Monténégro. Mais toujours nationaliste serbe même s’il n’apprécie guère les méthodes de Milosevitch.
N° 1024 Ivo Andritch : Inquiétudes , Editions du Griot, Paris, 1993.
N° 1025 Ivo Andritch : Le Pont sur la Drina , édit. Belfond, Paris, 1994.
N° 1026 Ivo Andritch : Omer Pacha Latas , édit. Belfond, Paris, 1992.
Roman inachevé
N° 2510 Ivo Andritch : La Chronique de Travnik , Préface de Paul Garde, édit. Belfond, Paris, 1997.
Avec Andritch on entre dans un autre monde, sans pour autant quitter la Yougoslavie, le monde de la Bosnie, des musulmans, de la multi-ethnicité, un monde sur lequel pèse encore la mémoire d’une terrible oppression, celle des anciens Ottomans. Car de toutes les régions slaves c’est la Bosnie-Herzégovine qui a vécu le plus longtemps sous le joug des Turcs : quatre siècles ! Et c’est également là que les Turcs ont laissé leur empreinte comme ils l’ont laissée au Kosovo et en Albanie : l’Islam. Andritch est l’aîné de Tchossitch. D’une trentaine d’années. Mais lui aussi s’est battu pour l’Union des Slaves du Sud. Croate et catholique par l’origine de sa famille, il est né en Bosnie, à Travnik, a fait ses études à Sarajevo, mais il s’est voulu yougoslave avant tout, adoptant même le dialecte de Belgrade pour écrire ses grands romans, celui-ci devant devenir la langue nationale de toute la Yougoslavie.
Andritch est maintenu en prison par les Autrichiens pendant une bonne partie de la première guerre mondiale (c’est en prison qu’il écrit le poème en prose, Ex Ponto , contenu dans Inquiétudes ). Contrairement aux idées de Tchossitch qui, surtout vers la fin de sa vie, a défendu de plus en plus le maintien des nationalités, Andritch a été en faveur de l’intégration complète, de l’assimilation, dans un Etat unitaire. C’est d’ailleurs ce qu’a essayé de réaliser Tito.
Le Pont sur la Drina est la chronique de la ville de Visegrad, une chronique qui embrasse quatre siècles, très largement dominés par la Sublime Porte.
La Chronique de Travnik couvre une période beaucoup plus courte : 1806 - 1814.Dans ce roman le choc entre la modernité représentée par les deux consuls de France et d’Autriche, leurs adjoints et leurs femmes et la petite communauté de Travnik, communauté provinciale d’un Etat lui-même arriéré et coupé de l’Europe, est merveilleusement rendu. Et la description de la communauté locale bien savoureuse, une communauté composée des Turcs et des Musulmans indigènes d’un côté et de la « Raïa » de l’autre, c. à d. des catholiques, des orthodoxes qui se disent - déjà - Serbes, des Juifs, et puis des Levantins qui sont à cheval sur l’Orient et sur l’Occident sans pourtant appartenir complètement ni à l’un ni à l’autre.Des Fossés, l’adjoint du Consul français, et qui est aussi un peu le porte-parole de l’auteur, est effaré : « Vous vivez tous sous le même ciel et de la même terre, mais chacun de vos quatre groupes a le centre de sa vie spirituelle au loin, en pays étranger, à Rome, à Moscou, à Constantinople, à La Mecque, à Jérusalem ou Dieu sait où encore, mais pas là où ces gens naissent et meurent... Et chacune de ces communautés a fait de l’intransigeance la plus grande des vertus, chacune attend le salut de l’extérieur, chacune d’une direction opposée. »
Son autre très beau roman, posthume celui-là, Omer Pacha Latas , donne une image pas très belle de certains caractères turcs : cruauté et dureté froide chez le Pacha qui vient pour imposer ses réformes, esprit retors et cupide chez les beys qui s’y opposent, orgueil chez tous et morgue envers les inférieurs et les infidèles. Et pourtant tout n’est pas négatif. La personnalité de ce pacha, dans sa solitude dans l’exercice du pouvoir, avec sa grande force de caractère, est bien attachante. Et puis lui aussi est une victime du système. Croate d’origine, islamisé, renégat même, il a dû boire « l’eau de l’oubli », ce que doit faire tout transfuge pour ne pas succomber aux souvenirs indésirables, pour ne pas sombrer tout simplement...
Pour Tsernianski, Tchossitch et Andritch, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : Littérature de Roumanie et des Balkans. Voir aussi les Carnets d'un dilettante : Deux Serbes et un Bosniaque.
N° 1033 W. M. Petrovitch : Hero Tales and Legends of the Serbians , George G. Harrap, Sidney, réimpression en 1921 (1 ère édition 1914) (32 illustrations en couleurs de W. Sewell et G. James, Reliure de l’éditeur)
Contes et légendes serbes dont celle du Prince Marko et de son cheval remarquable
N° 1034 Vouk Voutcho : Les Voleurs de feu , Seuil, 1970 (Relié demi-cuir, dos à nervures)
Traduit du serbo-croate. Voutcho est né en 1937 dans une famille cincare (culture romane)
N° 4699 Danilo Kis : Le Cirque de famille, traduction Pascale Delpech et Jean Descat, Gallimard, 1989.
Auteur serbe originaire de la région magyare de Serbie, la Voïvodine. Comprend trois livres formant un cycle de famille : Chagrins précoces, Jardin, cendre et Sablier. Soi-disant un Bildungsroman. Considéré par certains comme un des grands écrivains du XXème siècle. Personnellement j'en ai trouvé la lecture plutôt barbante !