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Liste 27 : Littérature turque et littératures en langues apparentées

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Littérature turque


N° 1319 Divers auteurs :  Turkish Literature ,  comprising fables, belles-lettres and sacred traditions , édition révisée (la première date de 1901), The Colonial Press, New-York (Nombreuses illustrations par photogravures (mais sans lien avec la Turquie).

Introduction Epiphanus Wilson. Contient :  Fables  (auteurs anonymes),  Poésies ,  Les Conseils de Nabi Effendi à son fils ,  L'ascension de Mahomet  (manuscrit trouvé également par Galland et décrit par Petis de la Croix,  La Rose et le Rossignol  de Mohammed Fasli (c'est le mythe persan de  Gül et Bulbul ), poème mystique du XVIème siècle,  Histoire des 40 Vizirs  (voir les  Mille et une Nuits ). Date de la période de l'influence persane (1300 1520).)

L’érudit Epiphanius Wilson qui introduit cette Anthologie de littérature turque distingue trois périodes dans l’histoire de la littérature turque. La première qui va de 1301 à 1520 subit une forte influence persane, dit-il, en ce qui concerne la production romantique et mystique des poètes ottomans. La deuxième qui débute en 1520 avec le règne de Soliman le Magnifique et s’étend jusqu’en 1730 est appelée la période classique. La troisième est celle de l’influence occidentale.

Mohammed Fasli (décédé en 1563) est l’auteur de ce poème célèbre,  La Rose et le Rossignol , un long poème en 60 chants, qui date de 1560, que l’érudit allemand von Hammer-Purgstall (1774 – 1856) a traduit en allemand et qu’Epiphanius Wilson (1845 – 1916) a transposé pour la première fois en anglais (à partir de la traduction originale de von Hammer, semble-t-il. C’est le texte qui se trouve dans cette Anthologie). Là encore l’origine est un vieux mythe persan. C’est un summum de préciosité, un texte follement romantique, aux très belles images, avec un arrière-plan bien évidemment mystique (l’avant-dernier chant en donne l’interprétation).


N° 2775 Fuzûlî :  Leylâ and Mejnûn , translated by Sofi Huri, introduction by Alessio Bombaci, George Allen & Unwin Ltd, Londres, 1970

La Turquie a toujours abrité une importante mouvance soufie. Mystique, pacifiste et refusant tout intégrisme littéral. Et ce soufisme ne se limite pas aux derviches toupies de Konya dont la tradition remonte au grand poète soufi persan du XIIIème siècle Jalâl al-Dîn Rûmi. Car la Perse a influencé la Turquie. Lors de l’âge d’or arabo-persan, mais aussi plus tard encore. C’est ainsi qu’on trouve ici une version du fameux  Leylâ et Mejnûn  du poète persan Nizâmi, par un poète turc du XVIème siècle de Mésopotamie, Fuzûlî, et on découvre que celui-ci accentue visiblement l’aspect mystique du roman persan. Fuzûlî qui écrivait en turc azéri, mais aussi en persan et en arabe, a eu cette belle formule : « L'amour est tout l'univers, la science qui reste en dehors de l'amour n'est qu'une rumeur ». La présente édition du poème de Fuzûlî comporte une longue introduction du grand spécialiste italien de la littérature turque (et qui a été Professeur à l’Institut universitaire oriental de Naples) Alessio Bombaci (1914 – 1979). Il y évoque la biographie du poète et cite de nombreux extraits de son  Divan  et de ses  ghazals . On y découvre, à côté de ghazals à l’érotisme mystique, des vers plutôt coquins qui rappellent certains poèmes d’Abû Nûwâs, comme celui qui décrit l’arrivée au hammam d’un beau jeune homme, comparé ici à un gracieux cyprès, et qui laisse tomber ses habits, entre dans l’eau, puis se frotte avec une éponge que tous les assistants aimeraient tenir en mains. Ou ce diptyque plutôt mécréant qui rappelle Omar Khayyam :

Au mois de Ramadan, la porte du paradis va s’ouvrir  

Pourquoi alors la porte de la taverne doit-elle rester fermée ?


N° 1317 Yachar Kemal :  Mémed le Mince , traduction Guzine Dino, Gallimard, 1975 (relié toile)

N° 4311 Yachar Kemal :  La Grotte , traduction Munevver Andac, Gallimard, 1992

Deuxième tome de la trilogie de  Salman le solitaire .

N° 3105 Nedim Gürsel :  Yachar Kemal – le roman d’une transition , édit. L’Harmattan, 2001

Kemal avait vécu une enfance multi-ethnique puisque son père était kurde, que c’était la langue que l’on parlait à la maison (jusqu’à ce que j’ai eu 16/17 ans dit Kemal à Gürsel) alors que les habitants du village où il est né étaient tous turkmènes. Et ce village se trouve dans cette plaine de Tchoukourova bordée à l’ouest, au nord et à l’est par la montagne du Taurus et au sud par la Méditerranée que Kemal ne va pas cesser de chanter dans toute son œuvre, et qui est l’antique Cilicie, Province romaine, plus tard le Royaume des Arméniens.

Les romans de Yachar Kemal sont des romans épiques liés à la poésie de l’ancienne tradition orale des grands nomades, principalement Turkmènes et Kurdes, qui a survécu, pour un moment du moins, dans la plaine de la Tchoukourova chère au cœur de Kemal. Car lui-même, dans son enfance, ne cessera jamais d’écouter et de se remémorer les chants des bardes qui viennent dans son village. Et un jour, lorsque le barde, fatigué, s’arrête, c’est le jeune Yachar qui continue son récit. Et, après cela, il n’arrêtera plus jamais de jouer au barde lui-même. Et, plus tard, devenu instituteur, il se fait folkloriste et recueille tout ce qu’il peut trouver. Les mythes, les légendes, les récits épiques et aussi les élégies des pleureuses.

Alors, pour connaître l’histoire de sa vie et celle de la Tchoukourova, on a la chance de pouvoir s’appuyer sur un autre écrivain turc, Nedim Gürsel, qui écrit aussi bien en turc (ses romans et nouvelles) qu’en français (certains de ses essais). Il est d’ailleurs attaché au CNRS français.
Voir aussi mon Bloc-notes 2018Kemal, Tchoukourova et poésie épique


N° 1318 Yilmaz Güney :  Les Champs de Yüreghir , Jean-Claude Lattès, 1983 (relié toile)

Güney, cinéaste, a eu la Palme d'Or à Cannes en 1982 pour son film  Yol .


Les écrivains turcs et Istanbul

N° 4306 Orhan Pamuk :  Istanbul , Gallimard, 2007

(Pamuk a eu le Prix Nobel)

N° 4272 Sait Faik Abasiyanik :  Le café du coin , Bleu autour, St. Pourçain-sur-Sioule, 2013

(Ecrivain turc 1906 - 1954. Marcheur rêveur d'Istanbul)

N° 4273 Sait Faik Abasiyanik :  Un serpent à Alemdag , Bleu autour, St. Pourçain-sur-Sioule, 2007

N° 4274 Mario Levi :  Istanbul était un conte , Sabine Wespieser, 2012

(Mario Levi est un écrivain turc juif. Ses promenades d'Istanbul entremêlent mille récits du quotidien de trois générations de juifs stambouliotes.)

N° 4312 Yachar Kemal :  Et la mer se fâcha... , Gallimard, 1985

(Seul roman de Kemal qui ne se passe pas dans la Tchoukourova mais à Istanbul) 

Voici donc cinq livres de quatre écrivains, Pamuk, Faik, Levi et Kemal, qui ont tous pour thème Istanbul. 

Le livre de Pamuk est d’abord autobiographique. Sa famille est une vieille famille stambouliote. Mais ce qui m’a surtout intéressé c’est tout ce qu’il dit de ce hüzün auquel il consacre de nombreux chapitres, cette mélancolie propre aux Stambouliotes qui imprègne tout, les habitants, les écrivains, et jusqu’aux maisons et aux rues de l’ancienne capitale de ce qui était un Empire puissant, celui des Ottomans.

La tristesse de Faik est d’un autre ordre. Elle est individuelle. C’est un solitaire, un écorché, un inadapté à la vie normale. Mais c’est aussi quelqu’un de profondément humain. Qui peint, avec beaucoup de pudeur, le malheur des uns, et la méchanceté des autres. Et qui constate, désespéré, que les uns et les autres sont d’ailleurs souvent les mêmes. J’ai beaucoup de sympathie pour l’homme et de l’admiration pour l’écrivain. Même s’il est difficile de caractériser son œuvre. Sont-ce des nouvelles ? Vraiment ? Des micro-nouvelles alors. Plutôt des portraits, des photographies, des croquis, des fulgurances.

Le livre de Mario Levi devrait plutôt s’intituler : L’Istanbul juive était un conte. Mais là aussi un sentiment général de lassitude, de perte, de déclin. Peut-être dû à la transformation historique de la Turquie, le grand Empire multi-ethnique devenu une république aux dimensions restreintes et, par là, de plus en plus ethniquement nationaliste, ce qui ne peut qu’inquiéter les minorités.

Le roman de Yachar Kemal, contrairement à celui de Mario Levi, donne toute sa place à la ville. Istanbul est même le véritable héros de cette histoire. Je dirais même plus : ce sont les descriptions de la ville, sale, belle, grouillante, qui font le véritable intérêt de cette œuvre qui, à côté de cela, a pas mal de défauts. Même s’il procure encore bien des jouissances !
Voir mon Bloc-notes 2019Quatre écrivains turcs et Istanbul.


N° 4304 Zülfü Livaneli :  Délivrance , Gallimard, 2006

C’est un personnage assez extraordinaire ce Zülfü Livaneli. D’abord c’est un musicien, compositeur aussi bien de chansons, pour lesquels il écrit également les textes et qu’il interprète lui-même sur scène, que de la musique pour des films tels que le fameux  Yol  et  Le Troupeau  de Güney et aussi  Bliss  tiré de son roman  Délivrance . Mais c’est aussi un écrivain. Ce livre le prouve. Il a été emprisonné en 1971, après le putsch militaire, pour ses activités politiques, a vécu en exil de 1972 à 1984, principalement en Suède, mais aussi aux Etats-Unis, a été nommé Ambassadeur de bonne volonté de l’Unesco en 1996, a été député pendant quelques années au Parlement turc mais a quitté son parti quand il est devenu trop nationaliste à son gré. C’est clairement un humaniste, son livre le prouve, un défenseur des droits de l’homme, de la femme surtout (bien mal traitée dans les milieux populaires de son pays), un opposant à l’islam rétrograde arabe, un avocat du rapprochement avec la Grèce et un critique de la politique anti-kurde du Gouvernement turc.  

Son roman est une histoire terrible de crime d’honneur et en même temps une grande satire de la société turque actuelle.

Voir mon Bloc-notes 2018Découverte de l'écrivain turc Livaneli.


N° 4638 Ahmet Altan :  Madame Hayat , traduction Julien Lapeyre de Cabanes, Actes Sud, 2021

Très beau roman écrit en prison par un écrivain journaliste lettré. Magnifique histoire d'amour, de deux amours, dont l'un avec une femme merveilleuse, femme mûre, une figure divine telle qu'on ne peut l'imaginer que dans une prison. Et sacrée charge contre le tyran Erdogan et ses islamistes.

Voir mon Bloc-notes 2021Ahmet Altan, Madame Hayat et Erdogan.


N° 4671 Nedim Gürsel :  Voyage en Iran  – En attendant l’imam caché, traduction Pierre Pandelé, Actes Sud, 2022

Un voyage en Iran qui évoque plus les anciens poètes persans de l'Âge d'or que la situation politique d'aujourd'hui. Mais c’est une évocation bien jouissive !
Voir mon Bloc-notes 2022Le Turc Gürsel et la Perse éternelle.

Gürsel a également écrit un livre sur les confréries soufies de Turquie. Voir Liste Religions et Sectes.


Littératures en langues apparentées

Les Ouïghours du Xianjang ainsi que les habitants de ces grands pays qui font partie de ce que l’on appelle l’Asie centrale : Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan et Turkménistan, auxquels on pourrait ajouter également un autre pays séparé de l’Asie centrale par la Mer Caspienne, l’Azerbaïdjan, parlent tous des langues qui font partie de la famille linguistique turque. Alexandre Papas du CNRS qui introduit le chapitre qui porte sur les traditions orales ouïghoures dans un numéro de la Revue des Editions Jentayu consacré aux Ouïghours, parle d’un « patrimoine écrit en turc tchagataï » dont certaine poèmes mystiques seraient issus et nous explique qu’il s’agit là d’une « langue classique de l’Asie centrale, équivalent oriental du turc ottoman ». Voir mon site Bloc-notes 2022Ouïghours, histoire, culture et camps.


Khirgize


N° 1036 Tchinguiz Aïtmatov :  Djamilia , traduit du khirgize par A. Dmitrieva et Aragon, préface d’Aragon, Messidor, 1983
Aragon intitule sa préface :  La plus belle histoire d’amour du monde . C’est tout dire.

Aïtmatov est également écrivain de langue russe. Voir la liste correspondante.