Voyage autour
de ma Bibliothèque

Liste 8 : Littérature germanophone : Ecrivains de la la Cacanie

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(du K. und K. de l’Empire austro-hongrois : Kaiserlich und Königlich : Roi de Hongrie, Empereur d’Autriche)


Voir sur mon site Voyage autour de ma Bibliothèque : Tome 4 :    M comme Musil (Robert) et Vienne, capitale de la Cacanie   

Et sur mon site  Carnets d’un dilettante  :    Ecrivains de Cacanie I  (Kraus, Hofmannsthal, Schnitzler, Kafka)    et    Ecrivains de Cacanie II (Canetti, Musil)    


Broch

N° 0018 Hermann Broch :  Die Schlafwandler , édit. Suhrcamp, Francfort, 1987 (l’édition originale date de 1931/32)

Il s’agit d’une trilogie :  1888 – Pasenow oder die Romantik ,  1903 – Esch oder die Anarchie ,  1918 – Huguenau oder die Sachlichkeit . Chaque étape est un pas de plus dans l’Apocalypse joyeuse qui n’est pas seulement celle de la Cacanie mais celle de l’Europe toute entière : Pasenow, l’aristocrate prussien et romantique voit l’économie naissante faire vaciller les valeurs traditionnelles. Le comptable Esch est congédié pour une faute imaginaire, ce sont les luttes ouvrières et l’anarchie. Avec Huguenau (qui est alsacien) c’est le réalisme qui a gagné. Fin de la dignité humaine. Il n’empêche : un roman pas facile…


N° 0016 Hermann Broch :  Die Erzählung der Magd Zerline , Suhrkamp, Francfort, 1967

C’est un chapitre extrait de son dernier roman,  Die Schuldlosen  (les Innocents), qui comme  les Somnambules  est composé de trois parties se situant à des époques différentes : 1913, 1932 et 1933. Qui est comme par hasard, l’année de l’avènement de Hitler. Donc les petits-bourgeois allemands d’une petite ville de province ne sont peut-être pas aussi innocents que cela !
 

N° 0017 Hermann Broch :  Demeter , Suhrkamp, 1967 (1ère édition)

Roman aussi appelé  Bergroman , le Roman de la Montagne. Inachevé.


N° 3985 Hermann Broch :  Théorie de la folie des masses , édition établie par Paul Michael Lützeler, traduction Pierre Rusch et Didier Renault, Editions de l’Eclat, Paris/Tel Aviv, 2008

Broch est un autre grand penseur des menaces totalitaires produit par la Vienne du début du XXème siècle. Beaucoup pensent qu’il est un génie méconnu et que ce livre inachevé qui l’a accompagné toute sa vie comme le  Masse et Pouvoir  a accompagné Canetti, est une des analyses les plus profondes de l’avènement des fascismes modernes, et, au-delà, une fascinante étude du psychisme humain. Je me demande s’il ne faudrait pas s’y plonger à nouveau car beaucoup de ses réflexions, sur « l’hystérie des masses », par exemple, me semblent plus actuelles que jamais dans notre société des réseaux sociaux et des fake news ! 


Canetti

N° 0021 Elias Canetti :  Die gerettete Zunge,   Geschichte einer Jugend , édit. Carl Hanser Verlag, Munich/Vienne, 2 ème  édition, 1984 (la 1 ère  date de 1977).

N° 0022 Elias Canetti :  Die Fackel im Ohr, Lebensgeschichte 1921 - 1931 , édit. Carl Hanser Verlag, Munich/Vienne, édition spéciale 1985 (la première date de 1980).

N° 0023 Elias Canetti :  Das Augenspiel, Lebensgeschichte 1931 - 1937 , édit. Carl Hanser Verlag, Munich/Vienne, 1985.

Les trois livres autobiographiques de Canetti vont de sa petite enfance à Roustchouk en Bulgarie jusqu’en 1937 lorsqu’il enterre sa mère au cimetière du Père-Lachaise à Paris. La famille des Canetti fait partie des juifs « Spaniols ». Ils constituent une véritable caste qui méprise les autres juifs qu’ils soient d’origine allemande (les Tedescos) ou polonaise ou russe. Et leur véritable langue maternelle est encore l’espagnol, ou plutôt le vieil espagnol tel qu’il était parlé quand on les avait expulsés bien des siècles auparavant. Mais on est aussi multilingues à Roustchouk. Et les parents de Canetti, éduqués, considèrent l’allemand de leur rencontre en Autriche comme leur langue d’amour.


N° 0024 Elias Canetti :  Masse und Macht , édit. Claassen Verlag, Hambourg, 1984 (la première édition date de 1960).

N° 2130  Einladung zur Verwandlung - Essays zu Elias Canettis Masse und Macht , édité par Michael Krüger, édit. Carl Hanser Verlag, Munich/Vienne, 1995.

 Masse und Macht  (masse et pouvoir) était l’œuvre qui comptait le plus pour Canetti. C’était devenu son idée fixe.

En lisant son autobiographie on s’aperçoit que c’est dès son plus jeune âge qu’il a décidé d’en faire la grande étude de sa vie. Et cette passion ne l’a plus jamais quitté : il publie son livre en 1960, plus de 30 ans plus tard, et lorsqu’on veut lui faire plaisir pour son 90ème anniversaire, en 1995, c’est encore une compilation d’essais consacrés à son livre, à la sociologie des masses et au pouvoir, qu’on va lui offrir.

La masse a un pouvoir d’attraction, elle a une force, c’est presqu’un phénomène physique. Quelque part il parle de « cristallisation ». 

Canetti n’a pas seulement étudié la masse. Il s’est aussi intéressé au pouvoir, au pouvoir extrême, celui de ces tyrans sanguinaires qui sont arrivés au pouvoir le plus absolu qui soit et qui cherchent à vaincre la seule chose qui leur résiste, la mort, du moins pour un temps, en survivant aux autres, en les exterminant.



Hofmannsthal

N° 0059 Hugo von Hofmannsthal :  Erzählungen - Erfundene Gespräche und Briefe - Reisen , édit. S. Fischerverlag, Francfort, 1986.

Fait partie d’une publication de ses œuvres complètes en 10 volumes. Hofmannsthal était né à Vienne en 1874. Il est mort le 15/07/1929. Il avait un génie précoce et a publié ses poèmes alors qu’il était encore lycéen. Zweig est dithyrambique à ce sujet. Ses nouvelles sont toujours un peu fantastiques. La mort y est omniprésente. Et le héros a souvent d’inquiétantes prémonitions. « La mort est le grand sujet de Hofmannsthal », dit le Triestin Magris. Le poète, dit-il encore, a transfiguré avec une extraordinaire magie, le sentiment qu’il avait de la décadence et de la fin annoncée de la civilisation habsbourgeoise.



Kafka

N° 1264 Franz Kafka :  Das Schloss , édit. Schocken Books, New-York, 1946 (édité par Max Brod, 3ème édition, postface de M. Brod).

N° 1265 Franz Kafka :  Der Prozess , édit. S. Fischer, Francfort (sous licence de Schocken Books, New-York), 1946 (édité par Max Brod, 2ème édition, postface de M. Brod).

N° 0067 Franz Kafka :  Das Urteil , édit. Fischer, Francfort-Hambourg, 1954 (ce volume contient également, entre autres,  Verwandlung  c. à d. La Métarmophose,  ein Landarzt , c. à d.  Un médecin de campagne  et  In der Strafkolonie , c. à d. Dans la colonie pénitentiaire)

Kafka n’étais pas viennois: il était né à Prague (en 1883) et il y a vécu (mais mort à Vienne en 1924). Et pourtant il fait bien partie de cette culture de la Cacanie puisque Prague appartenait à l’Empire, que sa langue était l’allemand et que son oeuvre annonce l’apocalypse.On sait que ses deux romans les plus importants, les plus accomplis aussi,  le Procès  et  le Château , ont failli ne pas voir le jour puisqu’il avait demandé à son ami Max Brod de détruire tous les manuscrits qu’il trouverait après sa mort. Sa vision de l’homme dépouillé de sa nature humaine (voir le fils transformé en cafard dans  la Métarmophose , ou le condamné bouche-bée devant la belle machine qui doit le tuer dans d’atroces souffrances et à qui on n’a pas jugé utile de donner la moindre explication ni sur sa culpabilité ni sur son jugement ni sur le verdict dans  la Colonie Pénitentiaire ), de l’individu pris dans une hallucinante toile d’araignée du  Procès  ou du  Château , cette vision est si terrible, elle était si nouvelle, qu’elle a enrichi notre vocabulaire d’un mot nouveau : kafkaïen. Un mot qui servira encore beaucoup au cours du siècle, beaucoup plus que Kafka ne pouvait l’imaginer alors.

Kafka a beaucoup lu Kleist, dit Brod. Deux éléments le rapprochent de celui-ci. Le style d’abord, un style de chronique, de rapport judiciaire, un style anodin, minutieux, objectif. Le sentiment de l’injustice. Contre laquelle les héros de Kleist se révoltent. Jusqu’à la mort.  Mais chez les héros de Kafka pas de révolte violente. On parle, on cherche à se défendre, on cherche surtout à comprendre. Seuls points communs : l’individu face au système, face à l’arbitraire. Mais chez Kafka la situation est bien plus grave, plus désespérante que chez Kleist. Chez celui-ci ce sont des hommes individuels qui sont responsables de l’injustice, des hommes connus, des amis du chevalier, des hommes proches du pouvoir, des hommes qui défendent un principe, l’autorité du prince. Chez celui-là on est dans un monde monstrueux parce qu’impossible à déchiffrer. La dimension du drame est métaphysique.


N° 2261 Max Brod :  Franz Kafka ,  a biography , Schocken Books, New-York, 1947 (1 ère  édition) (en anglais)

On sait que Max Brod était non seulement l’ami de Kafka mais aussi son exécuteur littéraire. Il s’est installé plus tard en Israël.On trouve dans la biographie de Kafka par Max Brod une autre piste qui pourrait expliquer certains de ses écrits. Il semble que Kafka ait eu un énorme problème psychologique par rapport à son père. Max Brod parle d’un manuscrit de Kafka intitulé  Lettre à mon Père , une lettre longue de plus de 100 pages, écrite en 1919 (donc à l’âge largement adulte de 36 ans!) et dont l’opposition entre père et fils est l’unique sujet. Un père avec « sa force, sa santé, son appétit, son esprit de décision, son éloquence, son autosatisfaction, son sentiment de supériorité », qui ne connaît jamais le doute, et de l’autre côté le fils qui a « seulement » hérité de sa mère « son obstination, sa sensibilité, son sens de la justice et son éternelle inquiétude ».


N° 2121 Elias Canetti :  Der andere Prozess - Kafkas Briefe an Felice , édit. Carl Hanser Verlag, Munich, 1969.

Une étude de Canetti sur la relation de Kafka avec les femmes et avec son père. Analyse de son attitude psychologique : il met 5 ans à se détacher de sa fiancée par peur du « pouvoir ».


N°2111 Karl Erich Grözinger :  Kafka and Kabbalah , édit. The Continuum Publishing Company, New-York, 1969. (traduit de l’allemand en anglais)

Très intéressante étude dénichée aux Etats-Unis sur la relation de Kafka avec la Kabbale et sa forme d’Europe centrale, le hassidisme, et son influence sur ses deux œuvres majeures. Max Brod note lui-même que  le Procès  et  le Château  correspondent à deux apparences de la Divinité selon la Kabbale : Justice et Grâce. Dans  le Procès  Joseph K. est poursuivi par une instance mystérieuse et invisible et déféré devant un tribunal. C’est la manifestation de la Justice. K. essaye d’y échapper. Il se cache. Il fuit. Dans  le Château  une même instance aussi illisible et bureaucratique rejette K. Et là K., dans un mouvement opposé, cherche à s’y imposer, à s’y introduire. Il ne se défend plus. Il harcelle. Mais la Grâce se refuse à lui. Jusqu’à quand ? On ne le saura jamais. Kafka n’a pas terminé son roman.


N° 4327 Reiner Stach :  Kafka, die frühen Jahre 1883 - 1910  , S Fischer, 2014

N° 4328 Reiner Stach :  Kafka, die Jahre der Entscheidungen 1910 – 1915 , S Fischer, 2014

N° 4329 Reiner Stach :  Kafka, die Jahre der Erkenntnis 1916 – 1924 , S Fischer, 2014

N° 4330 Reiner Stach :  Kafka von Tag zu Tag, Dokumentation aller Briefe, Tagebücher und Ereignisse , S Fischer, 2014

(Série de 4 livres d'une étude récente, biographique et littéraire, très approfondie de Kafka.)


Karl Kraus

N° 1907 Caroline Kohn :  Karl Kraus, le polémiste et l’écrivain, défenseur des droits de l’individu , édit. Marcel Didier, Paris, 1962. (Reliure toile)

N° 1908 - 1919  Die Fackel,  en douze volumes,  édité par Zweitausendundeins/Kösel-Verlag, Munich, 1968-76

C’est le fac-simile de la Revue Fackel, presqu’entièrement rédigé par Karl Kraus depuis le N° 1 d’avril 1899jusqu’au N° 917-922 de février 1936. Le dernier volume contient :  Die letzten Tage der Menschheit , ainsi qu’un index.

Karl Kraus est donc d’abord l’auteur de cette incroyable performance : la publication d'une revue depuis 1899 jusqu'en 1934, sans aide d'aucune sorte, rédigée pratiquement tout seul, une revue qui faisait la pluie et le beau temps à Vienne, la terreur des journalistes, un chef d'oeuvre de la langue allemande et l'un des plus beaux exemples de satire politique et sociale que l'on connaisse en Europe. Un titre, Fackel veut dire torche ou flambeau, certainement imité de La Lanterne de Rochefort (ce qu’il a regretté plus tard). 

Mais Karl Kraus est surtout connu pour son combat contre la presse et les journalistes. Les reproches sont nombreux : conflits d'intérêt, puissance mal utilisée, superficialité. On abreuve le lecteur avec un tas de nouvelles inutiles qui l'abrutissent et l'empêchent de penser. Les journalistes écrivent n'importe quoi et n'importe comment. « Il n'a aucune idée mais il sait l'exprimer, c'est à cela que l'on reconnaît le journaliste ». Encore aujourd'hui on considère que Kraus a été le premier à reconnaître le danger des médias. 

Et puis Kraus a encore un autre grand mérite. Il est absolument paniqué par le déclenchement de la guerre de 14. Pour lui c'est le mal absolu. Il ne pense pas seulement aux malheurs que cette guerre va apporter aux peuples qui y participent. Il voit plus loin. La guerre n'apporte aucune solution. Elle n'apprend rien aux peuples. Elle les rend encore plus fous, plus violents. Et il prévoit déjà les suites néfastes que cette guerre aura pour l'Europe toute entière.

Quand Hitler prend le pouvoir il commence par se taire. Ce n’est que dix mois plus tard (n° 888 d’octobre 1933) qu’il publie dix vers : « ...Je reste muet. Et je ne dis pas pourquoi... Le silence règne quand la terre a craqué... Le mot s’endort lorsque ce monde-là se réveille. »

Et, finalement, Kraus a même prévu le retour de la religion en ce XXIème siècle (que Malraux aurait prévu lui aussi) : « Lorsqu'une civilisation sent l'approche de sa fin », a dit Kraus, « elle fait venir le prêtre ». Mon Dieu, mon Dieu, pauvres de nous!

N° 4623 Jonathan Franzen :  The Kraus Project , édit. Fourth Estate, Londres, 2013

Sous-titre : Essays by Karl Kraus, translated and annotaded by Jonathan Franzen with assistance and additional notes from Paul Reitter and Daniel Kehlmann. Edition bilingue.
Les essais traités sont :  Heine und die Folgen  et  Nestroy und die Nachwelt . L’étude a été présentée avec le concours du Deutsche Haus de New-York à l’Université de New-Ypork, en présence de Reitter (professeur à l’Université de l’Ohio et spécialiste de Kraus et de la culture judéo-allemande) et Kehlmann (écrivain austro-allemand, érudit et lecteur à plusieurs Universités allemandes et ami de Kraus). Au fond ce qui lie Franzen et Kraus c’est la compréhension de ce phénomène du modernisme que Kraus avait déjà saisis à son époque (comme Musil d’ailleurs) et qui mine notre civilisation d’aujourd’hui. La menace de l’Apocalypse !

Voir à ce propos mon site Bloc-notes 2015Franzen, Kraus et l'Apocalypse.


Musil

N° 0095 Robert Musil :  Der Mann ohne Eigenschaften , édit. Rowohlt, Hambourg, 1957.

On l'a traité, paraît-il, de Proust autrichien. Ce qui me paraît faux. Ce que Musil cherche constamment c'est de voir ce qui est « derrière » les réactions et les attitudes de chacun. Cela ressemble presque à une interrogation socratique. C'est une attitude de philosophe, de moraliste, qui n'est pas du tout celle de Proust.

 L'Homme sans qualités  est un roman complexe. Pas toujours facile de comprendre où Musil veut nous mener. On y parle de la société viennoise, de l'aristocratie, des intérêts mêlés de l'industrie et de la guerre, de Wagner (qu'il n'aime pas: une musique qui prend par les tripes), de la bêtise (qui fascine et s'habille de beaucoup de vêtements différents alors que la vérité est désavantagée: elle n'a qu'un seul habit), des temps nouveaux et de leur nature. C'est comme si le monde était pris d'une maladie mystérieuse. Tout paraît neuf. Pourtant on ne sait plus très bien si on avance ou si l'on recule. Il y a quelque chose de pourri quelque part. Trop d'ivraie mélangée au bon grain, trop d'erreurs fourrées dans la vérité. On ne sait plus très bien si le monde est véritablement devenu plus mauvais ou si on est simplement devenu plus vieux. Le génie est rongé. Rongé par la bêtise. C’est notre monde d’aujourd’hui !


N° 0096 Robert Musil :  Sämtliche Erzählungen , édit. Rowohlt, Hambourg, 1970 

(contient :  Die Verwirrungen des Zöglings Törless - Vereinigungen - Drei Frauen - Geschichten die keine sind - Die Amsel ).

N° 0098 Robert Musil :  Les désarrois de l’élève Törless , édit. Seuil, Paris, 1960. (Reliure dos cuir marron moucheté ancien, nervures et dorures)  

Traduction par Philippe Jaccottet.

Musil a été surtout quelqu'un qui a diagnostiqué un mal nouveau qui est apparu en ce début de siècle et qui était la déshumanisation de notre civilisation. Cela est déjà visible dans ces  Désarrois de l'élève Törless , une nouvelle parue dès 1906. On y trouve, greffée sur les troubles de la puberté, une cruauté inhabituelle, un droit que les forts s'arrogent d'exercer aux dépens des faibles, les futurs seigneurs aux dépens des êtres inférieurs (par la race ?). Et ce n'est probablement pas un hasard si les tortionnaires ont des noms bien allemands : Reiting, Beineberg, et que la malheureuse victime a un nom de métèque, Basini.


N° 0097 Robert Musil :  Aus den Tagebüchern , édit. Suhrcamp, 1968.

Des extraits de son  Journal 

N° 0099-0100 Robert Musil :  Journaux Tomes 1 et 2 , traduction et présentation Philippe Jaccottet, édit. Seuil, Paris, 1981.

Musil est né le 06/11/1880 à Klagenfurt. 

N° 3322 Herbert Kraft :  Musil , édit. Paul Zsolnay, Vienne, 2003.

Chez Musil j’aime l’homme autant que l’écrivain. D’ailleurs on n’a pas besoin de lire ses  Journaux  pour le connaître. Son oeuvre principale est suffisamment transparente. Ce n’était sûrement pas un homme très aimable, très sociable. Il était plutôt renfermé, têtu, persuadé de sa valeur en tant qu’écrivain. Mais c’était un homme toujours sincère avec lui-même, ne se fiant qu’à l’exercice de sa raison, refusant toute croyance, toute idéologie, doutant de tout, et pourtant persuadé, comme moi, que tout, à tout moment, peut et doit être analysé par soi-même, par sa pensée propre. Et cette analyse il l’a conduite depuis les tout premiers temps où il a commencé à remplir ses carnets (les premières notes datent probablement de 1899 quand il avait 19 ans) et qu’il s’est appelé lui-même, en français, « Monsieur le vivisecteur » jusqu’à ce jour fatidique de 1942 où il s’est effondré dans son jardin, vaincu par une autre de ses passions, la nicotine.

Moi je pense souvent à Monsieur le vivisecteur, à celui qui disséquait notre civilisation, sa lente déshumanisation, celui qui pensait qu’il n’était pas anodin de parler du « génie » d’un cheval.


Perutz

N° 0101 Leo Perutz :  La Nuit sous le Pont de Pierre , édit. Fayard, Paris, 1987 (Reliure dos cuir marron moucheté ancien, nervures et dorures)  

N° 0102 Leo Perutz :  La 3ème balle , Fayard, 1987 (Reliure dos cuir marron moucheté ancien, nervures et dorures 

N° 0103 Leo Perutz :  Le Marquis de Bolibar , Albin Michel, 1985 (Reliure dos cuir marron moucheté ancien, nervures et dorures)  

N° 0104 Leo Perutz :  Le Judas de Léonard , Phébus, 1987 (Reliure dos cuir marron moucheté ancien, nervures et dorures)  

N° 1593 Leo Perutz :  Le Cosaque et le Rossignol , Albin Michel, 1994 (Reliure dos cuir marron moucheté ancien, nervures et dorures)  

N° 0105 Leo Perutz :  Le Cavalier Suédois , Phébus, 1987 (Reliure dos cuir marron moucheté ancien, nervures et dorures)  

N° 0106 Leo Peutz :  Der schwedische Reiter , Deutsche Buchgemeinschaft, Berlin/Darmstadt, 1954

Leo Perutz est né à Prague le 02/11/1882, a vécu à Vienne, puis en Palestine, avant de mourir à Vienne en 1957. Il était mathématicien (travaillant pour les assurances).

La Kabbale, née entre le XIIème et XIVème siècle et qui s’est développée en Palestine au XVIème siècle,  est relayée en Europe orientale par le hassidisme (le mouvement des « pieux ») au XVIIIème siècle. Il est plus tard sévèrement combattu par les rabbins à cause de ses tendances panthéistes. Il n’empêche que le hassidisme a des aspects sympathiques : grande piété, bonté, omniprésence de Dieu dans la vie quotidienne, pas mal de magie aussi (forcément : les maîtres-mots. C’est là aussi qu’est née la légende du Golem). Et cette magie conduit à la poésie. Elle illumine littéralement le dernier livre de Leo Perutz, paru de son vivant (il avait plus de 70 ans en 1953).Car à travers tout le recueil chante un thème, non celui de la rose et du réséda cher à Aragon, mais celui, plus inattendu de la rose et du romarin. « Quand le vent du soir soufflait sur les ondes du fleuve, » c’est ainsi que commence  La nuit sous le pont de pierre , « la fleur du romarin se blottissait un peu plus contre la rose rouge, et l’empereur qui rêvait sentait sur ses lèvres le baiser de l’amour de ses songes ».Et la belle Esther, l’épouse de Mordechaï Meisl, s’éveillant dans sa maison de la place des Trois-Fontaines, se redressait et écartait d’un geste de sa main les boucles brunes qui lui tombaient sur le front. « C’était un rêve ! murmura-t-elle. Et nuit après nuit c’est toujours le même rêve ! Quel beau rêve ! Mais, loué soit le Créateur, ce n’est qu’un rêve

Quant au  Cavalier suédois , c’est un pur chef d’œuvre !


Schnitzler

N° 0117 Arthur Schnitzler :  Erzählungen , édit. Suhrcamp Verlag, 1968.

N° 3204 Arthur Schnitzler :  Casanova’s Heimfahrt , édit. S. Fischer, Berlin, 1918. (Reliure plein simili)

N° 2992 Arthur Schnitzler :  Abenteurernovellen , édit. Fischerverlag, Francfort, 1994.

N° 2893 Arthur Schnitzler :  Traumnovelle , édit. Fischerverlag, Francfort, 1999.

N° 3176 Arthur Schnitzler :  Vienne au crépuscule , édit. Stock, Paris, 2000.

C'est toujours l'individu qui est le sujet des romans et des nouvelles d’Arthur Schnitzler, qu'il soit égoïste ou altruiste, qu'il s'adonne à ses pulsions ou qu'il se sacrifie, qu'il soit de nature sincère ou fausse. Schnitzler était d'ailleurs médecin et Freud l'appelait, en plaisantant, paraît-il, son collègue.

Dans son fameux  Retour de Casanova , il met à mal le mythe de Don Juan : l’opposition est frappante entre le vieux Casanova, vil par ses appétits libidineux comme il le sera en acceptant les conditions pour son retour fixées par Venise : espionner et trahir ses anciens amis, et la fière et belle Amalia, vendue par son amant et souillée par l’impénitent libertin.

Et puis il y a cette  Traumnovelle  que l’on trouve dans  Abenteuernovellen , traduite en français par  Nouvelle rêvée  et que je traduirais plutôt par  la Nouvelle du Rêve ou des Rêves . Car le sujet de la nouvelle est bien le rêve qui permet de réaliser sans risque le désir de transgression du couple, véritable rêve chez Albertine (Alice chez Stanley Kubrick dans  Eyes wide shut ), rêve éveillé chez Fridolin (Bill chez Kubrick). Un Fridolin choqué que sa femme puisse avoir de tels désirs, errant toute une nuit dans la ville, soumis à mille tentations, entrant dans une mystérieuse orgie, et pourtant ne passant jamais à l’acte. Comme souvent Schnitzler représente la femme plus forte que l’homme, même si celle-ci est plus sensuelle que l’Amalia de Casanova, plus sensuelle que son mari. Au fond c’est elle qui a des rêves érotiques. Lui n’agit que par réaction. Et je trouve merveilleux que Kubrick ait choisi justement un couple d’acteurs qui correspond si bien au couple de la nouvelle de Schnitzler : Nicole Kidman, une femme forte et qui a tenu des rôles bien inquiétants dans d’autres films, et ce nigaud de Tom Cruise, faible, mauvais acteur et scientologue ! D’ailleurs le couple Kidman-Cruise a explosé tout de suite après le film (comme s’il avait servi de révélateur).

Schnitzler est l’explorateur du refoulement, des désirs subconscients. Il montre constamment, comme le dit Magris, le vide et la cruauté qui se cachent derrière l’épicurisme frivole et la sensualité de la Belle Epoque viennoise.

 Vienne au Crépuscule  est l’histoire banale d’un aristocrate viennois qui est amoureux d’une femme, la prend pour maîtresse, la rend enceinte, l’enfant est mort-né, et il en profite pour reprendre sa liberté. D’ailleurs le titre allemand original est :  der Weg ins Freie  (le chemin vers la liberté). Mais ce qui frappe aussi dans ce roman, c’est l’omniprésence de la question juive, l’antisémitisme, la place de la communauté juive dans la société.Or pour que Schnitzler qui, au fond, est surtout passionné par les ressorts cachés de la sexualité, de la nature profonde des hommes et des femmes, s’intéresse à ce point à la politique et au problème juif, il faut que la situation soit déjà bien grave en cette année 1908 où paraît ce roman.


Zweig

N° 2135 Stefan Zweig :  Le Monde d’hier - Souvenirs d’un Européen , édit. Belfond, Paris, 1993. (Reliure dos cuir marron moucheté ancien, nervures et dorures)

C’est la mélancolique autobiographie que Zweig rédige, juste avant son suicide en 1942, dans son refuge de Petrópolis au Brésil. A Vienne c’était l’âge d’or de la sécurité, écrit-il. Tout était immobile, immuable, tout semblait fondé sur la durée ! Mais c’était aussi une ville aimable, cultivée et jouisseuse.


N° 0132 Stefan Zweig :  Phantastische Nacht , nouvelles, Fischer, Francfort/Hambourg, 1954

N° 0131 Stefan Zweig :  Die Ungeduld des Herzens , Bermann Fischer, Stockholm, 1947

N° 3212 Stefan Zweig :  Vingt-quatre heures de la vie d’une femme , Stock, 2000

N° 4192 Stefan Zweig :  Amok , Stock, 2002

(Contient    Amok ou le Fou de Malaisie ,  Lettre d'une Inconnue ,  La ruelle au clair de lune )

Stefan Zweig avait aussi, comme Schnitzler, le don de l’exploration psychologique de ses personnages. Et grâce à Zweig les Allemands connaissent la signification du nom amok. Même si l’histoire de son roman n’a rien à voir avec le véritable amok malais : le médecin, héros du livre, est pris de folie monomaniaque et c’est cette folie que lui-même, en la racontant à un inconnu rencontré sur le bateau de retour et en essayant de la lui expliquer, compare à la folie amok. Mais la description que Zweig en fait dans la nouvelle est assez hallucinante et tout-à-fait authentique.

Voir mon Bloc-notes 2016L'amok dans la littérature.

 

N° 2445 Stefan Zweig :  Magellan , Grasset, 1968

N° 2446 Stefan Zweig :  Erasme, Grandeur et Décadence d'une Idée , Grasset, 1993  

N° 2447 Stefan Zweig :  Triumph und Tragik des Erasmus von Rotterdam , Herbert Reichner Verlag, Vienne, 1935

N° 2469 Stefan Zweig :  Le Brésil, Terre d'Avenir , Editions de l’Aube, 1996

N° 4572 Stefan Zweig :  Joseph Fouché , Grasset/Livre de poche, 2019

Sa grande spécialité c’était la biographie. Il en a écrit plusieurs dizaines.


N° 2136 Friderike M. Zweig :  Stefan Zweig, Bildbiographie , Kindler Verlag, Munich, 1961

Biographie illustrée par sa première épouse