Liste 51 : Religions et Mythes – 1 : Religions et sectes
Histoire générale
N° 1716 à 1718 Histoire des Religions , préface d’Henri-Charles Puech, de l’Institut, en trois volumes, La Pléiade, 1970, 1972 et 1976
Tome 1 : Religions antiques – Formation des religions universelles et religions de salut en Inde et Extrême-Orient
Tome 2 : Formation des religions universelles et religions de salut dans le monde méditerranéen et le Proche-Orient – Religions constituées en Occident et contre-courants
Tome 3 : Religions constituées en Asie et contre-courants – Religions chez les peuples sans tradition écrite – Mouvements religieux nés de l’acculturation
Egypte
N° 3258 J. F. Champollion : Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Egypte , Persea, Paris, 1986
Reprint de l'édition de 1823 de l'Imprimerie de Firmin Didot, Paris. L'ouvrage devait comporter 200 planches mais n'en comporte que 90. La maladie et la mort interrompent l’œuvre de Champollion. Ainsi Horus, Osiris et Isis manquent à l'appel. D'ailleurs son Panthéon est très éloigné de la religion reconstituée par les égyptologues modernes.
N° 3633 et 3634 E. A. Wallis Budge : The Gods of the Egyptians or Studies in Egyptian Mythology , deux volumes, Methuen & Co, Londres, 1904 (De nombreuses illustrations. Cartonnage rouge décoré or).
Budge était conservateur des antiquités égyptiennes et assyriennes au British Museum.
N° 1723 Grégoire Kolpaktchy : Livre des Morts des anciens Egyptiens , Stock, 1978 (nombreuses illustrations)
Traduction faite sur la base du texte hiéroglyphique publié par Wallis Budge (voir ci-dessus) chez Kegan Paul, Trench et Trübner, à Londres en 1898
N° 2497 Dr. J.-C. Mardrus : Toute-puissance de l'Adepte , Bibliothèque Eudiaque, H. Durville, Paris, 1932 (Demi-maroquin tête de nègre, plats recouverts placage de bois, papier alpha, ex. numéroté (n° 60), avec envoi manuscrit de l'auteur)
Antiquité gréco-latine
N° 1722 P. Commelin : Nouvelle Mythologie grecque et latine , édition illustrée de nombreuses gravures, Garnier Frères (Relié demi-cuir, dos à nervures, richement orné et doré)
N° 1719 Charles Autran : Homère et les origines sacerdotales de l’épopée grecque , trois tomes reliés en un volume, 1943 (Relié toile)
Tome I : Le mètre, la langue, le style – Tome II : Les acteurs – Tome III : Peuples, temples et dieux . Dans ce dernier tome l’auteur fait également une incursion dans l’épopée (« ratée ») du Shintô japonais et dans l’épopée persane
N° 2591 Erwin Rohde : Psyché, le culte de l'âme chez les Grecs et leur croyance en l'immortalité , Payot, 1928 (Relié toile)
N° 3583 Paul Diel : Le Symbolisme dans la Mythologie grecque - Etude psychanalytique , préface de Gaston Bachelard, Payot, 1952
N° 1567 Robert Graves : The Greek Myths , Penguin Books, Baltimore, Maryland, 1957
N° 1568 Robert Graves : The White Goddess , Farrar, Straus and Giroux, New-York, 1982
Graves, un poète qui se veut mythologue.
N° 2356 Divers auteurs : Eléments orientaux dans la Religion Grecque Ancienne , Presses Universitaires de France, 1960 (Relié toile)
Contributions d’un colloque tenu en 1958 au Centre d'Etudes Supérieures d'Histoire des Religions de Strasbourg
N° 2496 Paul Foucart : Les Mystères d'Eleusis , Auguste Picard, Paris, 1914 (Relié toile)
Ouvrage très complet et recherché sur ce sujet. Paul Foucart était Membre de l'Institut et Professeur au Collège de France.
N° 2954 Burgo Partridge : A History of Orgies , Spring Books, Londres, 1966 (hard cover)
L’auteur ne se limite pas à l’histoire des orgies chez les Grecs et les Romains, mais les étudie également au Moyen-Âge, chez les Puritains, au XVIIIème siècle, chez les Victoriens et au XXème siècle. Il ne se limite pas non plus à l’aspect mystique !
N° 3598 Robert Turcan : Mithra et le Mithriacisme , Les Belles Lettres, Paris, 1993
Robert Turcan est Professeur à la Sorbonne et membre de l'Institut. Le culte de Mithra est intéressant à plus d'un titre. Culte à vague origine indo-européenne, célébré n'importe où lors d'un repas (la Cène) pris en commun et lié au taureau et au soleil. Voir la stèle de Koenigshoffen en Alsace.
N° 3856 Félix Lajard : Recherches sur le culte public et les mystères de Mithra , Imprimerie Royale, Paris, 1867 (grand volume in4, reliure demi-basane aubergine époque)
N° 4199 Benjamin Constant : Du Polythéisme romain , deux volumes, Béchet aîné, Paris, 1833 (Relié toile)
Titre complet : Du Polythéisme romain considéré dans ses rapports avec la philosophie grecque et la religion chrétienne .
N° 3584 et 3585 T. B. Emeric-David : Jupiter, Recherches sur ce dieu, sur son culte et sur les monuments qui le représentent , Imprimerie Royale, 1833 (Ill. frontispice - Deux planches hors-texte. Reliure d'époque demi-chagrin aubergine, dos orné.)
Longue préface servant d'introduction à la mythologie grecque, croyances du paganisme, énigmes religieuses, dieux symboliques, etc. Emeric-David était membre de l'Institut.
Zoroastre et dualisme
N° 3077 Jean Varenne : Zoroastre, le Prophète de l’Iran , édit. Dervy, Paris, 1996.
Contient également des extraits des Hymnes composés par Zoroastre, les prières des Parsis de l’Inde et une Vie légendaire de Zoroastre publiée en 1771 par l’érudit Anquetil-Duperron qui était parti redécouvrir le zoroastrianisme chez les Parsis.
Voilà une religion qui avait pratiquement disparu en Iran lorsque l’érudit français Anquetil-Duperron entend parler d’une communauté de zoroastriens qui subsiste en Inde au nord de Bombay (les fameux Parsis) et débarque aussitôt dans ce pays en 1754. Il faut dire qu’on avait une image mythique mais complètement faussée de cette religion à l’époque. La faute en incombant aux Grecs (Platon) qui n’y avaient visiblement rien compris et aux Romains qui ne s’y étaient pas beaucoup intéressés. De plus la religion avait beaucoup souffert une première fois à cause de la destruction de Persépolis par Alexandre déchaîné où, semble-t-il, beaucoup de prêtres avaient péri, et avec eux la connaissance des textes sacrés qui jusque-là étaient transmis uniquement par l’oral. La publication des textes sacrés par Anquetil-Duperron donna le branle à toute une série de recherches qui ne cessèrent plus depuis lors. Et les experts sont encore aujourd’hui divisés sur de nombreux points tout à fait fondamentaux. D’autant plus que la partie la plus ancienne de l’ Avesta , celle que l’on attribue à Zoroastre lui-même, les Gâthâs , ne comporte que 200 vers !Rien que l’époque à laquelle a vécu Zoroastre, pose déjà problème. Pendant longtemps on a donné une fourchette très large : entre 1000 et 500 avant Jésus-Christ ! Jean Varenne, dans son ouvrage qui, il est vrai, est plutôt un ouvrage de vulgarisation, donne encore dans sa dernière édition qui date de 1996, le VIIème siècle avant J.C. comme date de référence de la création de la religion. Alors que les érudits semblent accepter aujourd’hui comme date la plus probable 1000 avant J.C.
N° 2848 à 2850 Mary Boyce : A History of Zoroastrianism , édit. E. J. Brill, Leiden-New-York-Köln, Vol. 1 : The Early Period (3ème édit. 1996) - Vol. 2 : Under the Achaemenians (1982) - Vol. 3 : Zoroastrianism under Macedonian and Roman Rule (en coopération avec Frantz Grenet, archéologue, spécialiste des excavations en Asie Centrale Soviétique et une contribution du spécialiste de Mithra : Roger Beck - 1991).
Mary Boyce, grande spécialiste de Zoroastre, était Professeure d’Etudes Iraniennes à l’Université de Londres. Elle situe la vie et la prédication de Zoroastre (dont le nom persan est plus proche de l’allemand Zarathoustra, rendu célèbre par Nietzsche, que de Zoroastre qui est une déformation du grec) vers 1200 avant J.C. à plus ou moins 200 ans. Cette datation est importante car si elle est juste, elle fait de Zoroastre pratiquement un contemporain des autres penseurs qui sont arrivés à la conclusion qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul Dieu : Akhénaton a vécu au XIVème siècle avant J.C. et on pense que l’exode des Hébreux d’Egypte (s’il a eu lieu) et donc du début du développement de l’idée monothéiste de Moïse date du XIIIème siècle (si elle était déjà vraiment monothéiste dès l’origine, ce qui ne semble guère le cas). Car les érudits semblent malgré tout d’accord sur un point - avec quelques nuances néanmoins - : la nouvelle religion prêchée par Zoroastre était monothéiste. Le Dieu suprême ou unique s’appelant Ahura Mazda ou Seigneur Sagesse, nom qui allait être déformé plus tard en Ohrmuzd.
N° 3174 Gherardo Gnoli : Zoroaster’s Time and Homeland, a Study on the Origins of Mazdeism and Related Problems , édit. Istituto Universitario Orientale, Naples, 1980.
Gnoli est le grand spécialiste italien de Zoroastre.Il situe Zoroastre à la fin du deuxième millénaire, début du premier. Gnoli n’a aucun doute concernant son monothéisme : le prophète a été un révolutionnaire qui s’est opposé à la fois au polythéisme de la religion officielle de l’époque (dont il était un des prêtres instruits) et au ritualisme (les sacrifices d’animaux). Les sept puissances ou archanges que Ahura Mazda a créés pour l’assister dans son combat contre l’Esprit Malin, Angra Mainyu (appelé plus tard Ahriman) ne sont pas des dieux. Ni l’Esprit Malin lui-même, ni les Daévas (synonymes de dieux pourtant en Inde) qui ont pris le parti de l’Esprit Malin. Gnoli n’exclue pas que dans l’histoire ultérieure de la religion on ait pu revenir à un certain polythéisme.
Même si Mary Boyce est un peu plus nuancée et a tendance à tenir un peu plus compte de la tradition qui s’est transmise jusqu’aux Parsis d’aujourd’hui, pour elle aussi Ahura Mazda était le seul Dieu à l’origine, le Créateur de tout ce qui est bien. Elle n’attache pas d’importance à la nature exacte des entités créées par Ahura Mazda. L’homme a toujours eu besoin d’êtres intermédiaires entre lui et Dieu. L’important c’est que le seul incréé est Ahura Mazda lui-même. On est donc en présence d’un vrai monothéisme. D’ailleurs ces êtres intermédiaires existent également dans nos trois religions monothéistes dûment reconnues. Anges, archanges qui jouent partout un rôle important et qui trouvent très probablement leur origine dans les Puissances (que Dumézil traduit d’ailleurs par archanges) de Zoroastre. Et les anges déchus, Sheïtan, Satan, le Diable et son train. Et les Saints chez catholiques et orthodoxes, les Marabouts en Islam. Et les djinns pré-islamiques, Mahomet ne leur donne-t-il pas un statut officiel en contant dans la sourate des djinns (72) que des djinns l’ont entendu réciter le Coran et se sont convertis à la vraie foi ?
Vient alors le problème de l’origine et du rôle exact de l’Esprit Malin et de sa relation avec Ahura Mazda. Pour Gnoli, Zoroastre attache une importance capitale au fait que l’homme soit capable d’un choix moral, ce qui lui assure liberté et dignité. Il voit l’existence comme un combat entre vie et non-vie, entre bien et mal, dans une conception dualiste telle que le dualisme devient une conséquence naturelle du monothéisme. Car celui-ci conduit nécessairement à essayer d’expliquer la présence du mal dans le monde. Tout monothéisme porte donc en lui-même le germe d’un certain degré de dualisme. Mary Boyce explique le dualisme de Zoroastre de la manière suivante : Ahura Mazda existe depuis l’origine de même que son grand adversaire Angra Mainyu. Une fois que ces deux êtres primordiaux ont fait leur choix entre le Bien et le Mal, Ahura Mazda crée ses fameuses puissances pour l’assister dans son combat contre le Mal, mais crée aussi le monde matériel et donne un corps aux âmes des hommes (préexistantes ou créées antérieurement par lui). Ce monde matériel et corporel est soumis aux effets néfastes de l’Esprit du Mal. Mais il permet aussi de le combattre, d’impliquer l’homme dans ce combat et d’obtenir ainsi, à la fin des temps, la victoire définitive sur le Mal. Zoroastre considère que l’état corporel apporte un plus par rapport à l’état purement spirituel. Sa philosophie est donc totalement opposée à celle que va développer plus tard Mani pour lequel le monde est mauvais et a été créé par le Pouvoir du Mal. Elle est aussi à l’opposé des conceptions que vont développer les Aryens qui s’établissent de l’autre côté des montagnes, en Inde, pour lesquels l’âme est pure et le corps mauvais. Et dont l’éthique consistera essentiellement à libérer progressivement l’âme du corps, une conception qui n’est pas restée sans effet sur la doctrine que va développer Bouddha 500 ans plus tard.
Pour Zoroastre c’est Angra Mainyu qui est cause de tout ce qui est mauvais dans ce monde : les sécheresses, les épidémies qui frappent les troupeaux, et tous les malheurs qui s’abattent sur l’homme. Celui-ci n’a donc aucune raison d’imputer ces maux à son créateur. Et il apporte sa contribution, en choisissant le Bien, à l’élimination définitive, à la fin des temps, de l’Esprit du Mal.
Pour l'étude du Zoroastrianisme (son caractère monothéiste) voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : Religions persanes.
N° 3172 Die Verwandtschaft der jüdisch-christlichen mit der Parsischen Eschatologie , von Ernst Böklen, Stadtpfarrer in Grossbottwar, Württemberg, édit. Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1902.
N° 1288 Ernest Rochat : Essai sur Mani et sa doctrine , Georg, Genève, 1897 (Demi-chagrin à coins, dos muet à nerfs).
N° 1744 Amin Maalouf : Les Jardins de Lumière , J.-C. Lattès, 1991
Le roman de Mani. Un peu décevant, à mon avis. Maalouf se contente de décrire Mani comme un autre Jésus plein de bonté et martyr ! Il me semble qu’il aurait pu en tirer autre chose.
N° 1739 Die Gnosis, Tome 1 : Zeugnisse der Kirchenväter , Introduction, traduction (en allemand) et commentaires par Werner Foerster, en collaboration avec Ernst Haenchen et Martin Krause, Artemis Verlag, Zurich/Munich, 1979 (couverture lin et dust jacket)
N° 1740 Die Gnosis, Tome 3 : Der Manichäismus , introduction, traduction et commentaires d’Alexander Böhlig, en collaboration avec Jes Peter Asmussen, Artemis Verlag, Zurich/Munich, 1990 (couverture lin et dust jacket)
N° 1741 Ioan P. Couliano : Les Gnoses dualistes d’Occident – Histoire et Mythes , Plon, 1990 (relié toile)
N° 3006 Samuel N. C. Lieu : Manichaeism in the Later Roman Empire and Medieval China , J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), Tübingen, 1992
Cet essai est basé sur une thèse de doctorat soutenue par Samuel Lieu à l’Université d’Oxford. La Professeure Mary Boyce a d’ailleurs servi de Conseillère extérieure non officielle pour tous les aspects iraniens de ce travail. L’étude a ensuite été complétée lors d’une année académique passée à l’Université de Tübingen (1989-90) grâce au soutien de la Fondation Humboldt.
N° 1742 Charles Schmidt : Histoire et Doctrine des Cathares , préface de Jean Duvernoy, dix reproductions de gravures anciennes, Jean Curutchet/Les Editions Harriet, Bayonne, 1983 (relié toile)
Il s’agit d’une réimpression de l’édition de 1848-1849 (le titre à l’origine était, semble-t-il, Histoire des Cathares ou Albigeois ). Charles Schmidt, né à Strasbourg en 1812 et Professeur à la Faculté de Théologie protestante de la ville, a été un érudit trilingue, écrivant des dictionnaires de dialecte strasbourgeois (voir liste Alsatiques), des essais en allemand sur les mystiques rhénans et cette étude totalement novatrice sur les Cathares en français. Première étude scientifique de la question. Et premier à avoir compris la proximité de leur religion avec celle des Bogomiles.
N° 2713 Jordan Ivanov : Livres et Légendes bogomiles (aux Sources du Catharisme) , traduit du bulgare par Monette Ribeyrol, préface de René Nelli, G.-P. Maisonneuve et Larose, Paris, 1976 (relié toile)
N° 2583 et 2584 Gustav Roskoff : Geschichte des Teufels , deux volumes, Brockhaus, Leipzig, 1869 (Première édition, reliure originale changée en reliure skye)
Il s’avère qu’il s’agit là d’une étude extrêmement sérieuse réalisée par un Professeur de Théologie Protestante de l’Université de Vienne et qui porte à la fois sur l’évolution historique du Malin dans nos sociétés et sur le dualisme en général. Une étude accompagnée d’une véritable réflexion sur le problème du mal, une synthèse d’autant plus étonnante qu’à l’époque de la publication de l’ouvrage on n’avait pas forcément la même connaissance que l’on a aujourd’hui de certaines religions antiques telles que le mazdéisme.
L’étude est en langue allemande et c’est un grand avantage. Car cette langue dispose de deux mots distincts qui correspondent à deux aspects du mal que l’on ne distingue pas toujours - à tort - peut-être parce qu’en français et en anglais nous utilisons un seul mot pour couvrir ces aspects: le mal - the evil. En allemand on a le mot : « das Uebel » qui est le mal physique, le mal que subit l’homme du fait du monde extérieur : les catastrophes naturelles, les maladies, la mort prématurée, etc. et l’autre mot : « das Böse » qui est le mal éthique, celui qui est inhérent à l’homme et qui est produit par lui.
Chine et Japon
N° 2116 Père Léon Wieger, s.j. : Histoire des Croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine des Origines à nos jours , Tien Tsin, 1922 (2ème édition. La 1ère édition est de 1917. Reliure cuir d'époque)
Le père jésuite Léon Wieger, un Alsacien, s’est donné beaucoup de mal pour former à la culture et à l’écriture chinoises les missionnaires qui débarquent en Chine. Il est surtout connu pour son ouvrage sur les caractères chinois où il a fait œuvre de pionnier.
N° 3028 Henri Maspero : Le Taoïsme et les religions chinoises , préface de Max Kaltenmark, Gallimard, 1971 (relié toile)
Henri Maspero, grand érudit, est mort à Buchenwald
N° 2387 Max Weber : The Religion of China , Free Press/MacMillan, New-York, 1960 (relié toile)
N° 2897 Masaharu Anesaki : History of Japanese Religion , with special reference to the social and moral life of the Nation, Charles E. Tuttle Company, Rutland, Vermont and Tokyo, 1983 (hard cover avec dust jacket)
Anesaki a été Professeur de littérature japonaise à Harvard et au Collège de France avant de retourner au Japon. Il ne se limite pas à parler de religion. C’est ainsi qu’il parle quelque part du haïku et dit qu’il a influencé le goût du peuple japonais, l’invitant à la jouissance paisible et l’observation ironique de la vie et de la nature. Au beau milieu de la vie active. La pratique du haïku, les cérémonies de thé, les arrangements de fleurs, les jardins miniatures, les pèlerinages aux sites célèbres, les randonnées de plaisir au milieu des collines et des cours d’eau, tout cela le Japonais l’appelle « la Voie de l’air et de l’eau qui court », dit-il. C’est vivre et jouir de la vie, avec l’esprit libre et transparent comme l’air, et frais et foisonnant comme le torrent. Ce n’est pas forcément l’idée que l’Occidental se fait du Japonais…
N° 2655 Genchi Katô : Le Shinto, religion nationale du Japon , traduction par la Maison franco-japonaise de Tokyo, Libr. orientaliste Paul Geutner, Paris, 1931 (relié toile)
Katô était Professeur chargé de la chaire de Shinto à l’Université impériale de Tokyo.
Le shintoïsme, à l’origine, est une religion primitive. D’ailleurs c’est certainement la religion la plus ancienne de toutes celles qui sont pratiquées encore aujourd’hui dans un pays développé. La religion est passée par tous les stades : animisme, fétichisme, phallisme, spiritisme, etc. Sa mythologie est plutôt maigre. Encore qu’elle présente un aspect curieux : dans le couple divin qui a créé le monde terrestre c’est la déesse qui, après être morte en donnant naissance au feu, clame sa fureur à la face du dieu mâle qui cherche à la ramener à la vie (encore un avatar de l’histoire d’Orphée et d’Eurydice) et c’est elle qui devient le symbole de la mort, du mal et de la pollution. Et c’est le mâle qui symbolise la vie. Or le couple avait auparavant donné naissance à d’autres divinités qui devaient régner sur le monde qu’ils avaient créé. Et là c’est la divinité féminine, la déesse du soleil, celle qui illumine les cieux, qui devient non seulement la déesse suprême mais encore celle qui brille par sa beauté, dispensatrice de la lumière et de la vie, protectrice de l’agriculture, organisatrice des cultes et des rites de pureté ! Et c’est le dieu mâle, son frère, le dieu de la lune, qui est aussi celui de la tempête et du désordre et qui va lui livrer une bataille cosmique. Quel renversement des valeurs sexuelles ! Mais, au fond, c’est plus logique. Et puis à un moment donné de l’histoire ou plutôt de la préhistoire du Japon une famille réussit à réunir tous les clans et tribus sous son règne et à imposer la croyance en sa descendance de la déesse suprême et donc en la divinité de l’Empereur. Et c’est ainsi que le shintoïsme devient religion nationale. Et l’est encore aujourd’hui. Lafcadio Hearn l’appelait religion du patriotisme.
Katô prétend que le shintoïsme est porteur d’une éthique. Une éthique de sincérité et de droiture, de pureté de l’âme. Mais Anesaki qui est un chercheur véritable, spécialiste en religions et sociologue, et un homme courageux (son étude paraît en 1928) dit ceci : « il n’y avait pas dans la société japonaise primitive d’enseignement systématique de morale ni de codification précise d’institutions sociales et politiques. Ceci n’allait être réalisé que plus tard à l’instigation de la civilisation chinoise. Le développement philosophique de croyances et d’idées était bien éloigné de la nature de cette religion primitive. C’est le bouddhisme qui allait pallier à ce manque. »
Religions indiennes
N° 3041 à 3043 Sir Charles Eliot : Hinduism and Buddhism, an historical sketch , trois volumes, Curzon Press, Richmond, Surrey, 1998 (Reliure toile de l’éditeur)
Le Tome I contient : Book I : Introduction – Book II : Early Indian Religion : a general view – Book III : Pali Buddhism
Le Tome II contient : Book IV: The Mahayana – Book V : Hinduism
Le Tome III contient : Book VI : Buddhism outside India – Book VII : Mutual influence of eastern and western religions
Voir, pour quelques réflexions sur les deux religions indiennes, suite à une visite d'Angkor Vat, mon Bloc-notes 2008 : Bouddhisme et Hindouisme.
N° 1737 Présence du Bouddhisme , sous la direction de René de Berval, avant-propos de Paul Lévy, préface de Jean Filliozat, liminaire de René de Berval, Gallimard, 1987 (couverture cartonnée)
Il s’agit d’une nouvelle édition d’une « somme » conçue à la fin des années 50 à Saigon. Certains articles ont été supprimés parce que considérés comme périmés, d’autres ont été remaniés, d’autres encore ajoutés. La bibliographie est impressionnante : 1400 titres. La plupart des illustrations photographiques d’origine ont été conservées.
N° 2854 L. Austine Waddell : The Buddhism of Tibet or Lamaism , with its mystic cults, symbolism and mythology, and its relation to Indian Buddhism, W. H. Allen & Co, Ltd, Londres, 1895 (nombreuses illustrations, hard cover illustré et doré)
N° 1738 Alan W. Watts : le Bouddhisme zen , traduction P. Berlot, Petite Bibliothèque Payot, 1978 (relié toile)
Alan Watts est Membre de l’Académie américaine d’Etudes asiatiques et grand spécialiste américain du Bouddhisme. Cette étude dont l’original anglais a été publié en 1947 est probablement le premier ouvrage à être accessible au grand public concernant le Zen.
On sait que le bouddhisme s’est scindé en deux branches majeures : celle du « Petit Véhicule » ou Hînayâna que l’on dit être plus près du bouddhisme primitif puisqu’il est basé sur des écrits en langue pâli et qui est pratiqué en Birmanie, en Thaïlande, au Sri Lanka et d’une façon générale en Asie du Sud-Est et celle du « Grand Véhicule » (le véhicule est celui qui vous amène jusqu’à l’autre rive, au Nirvâna) ou Mâhayâna qui s’est développé en Inde du Nord-Est, dont les écrits sont en sanscrit, qui est à l’origine de celui du Tibet et qui est celui qui a été introduit en Chine, en Corée et au Japon. Or c’est cette branche du bouddhisme qui divinise en quelque sorte le Bouddha et devient religion.
Le bouddhisme qui entre au Japon au milieu du VIème siècle est donc une religion qui connaît des êtres divins, des êtres qui ont accepté de renaître par compassion pour les autres (les Bohdisattvas), une éthique de douceur, de compassion (et pourquoi ne pas dire d’amour) pour les autres, l’horreur de tuer, et tout ceci accompagné de manifestations artistiques (peinture, poésie et statuaire) totalement nouvelles. Il a fallu 50 ans pour que la greffe prenne et que les oppositions des clans militaires (déjà opposés à ce qui vient d’ailleurs comme ils le seront encore 13 siècles plus tard) et des familles sacerdotales du Shinto soient vaincues. Et c’est ce bouddhisme-là, lié il est vrai d’une manière indissociable aux autres apports de la civilisation chinoise, qui illumine l’histoire du Japon jusqu’aux époques troublées qui débutent au XIIème siècle.
Et comme par hasard c’est à la fin du XIIème siècle qu’est introduite au Japon une nouvelle secte : le bouddhisme Zen. L’origine est indienne. Mais le mouvement se développe d’abord en Chine du Sud après y avoir été introduit au VIème siècle déjà. Il est issu du bouddhisme Mâhayâna. Celui-ci divise son enseignement en trois : discipline morale - sagesse - exercices spirituels. Le Zen privilégie la pratique du dernier : la méditation. En Chine du Sud il est influencé par le quiétisme (la tranquillité d’âme) du taoïsme et imprégné par la poésie Tang. Au Japon il devient l’expression de la force de caractère. Il cherche au tréfonds de soi-même la réalité ultime et transcendante du monde. L’âme qui a atteint cette illumination intérieure n’est plus troublée par aucune vicissitude du monde extérieur. De belles images illustrent cet état : le solide rocher qui reste debout au milieu des flots furieux de la mer déchaînée. Ou les reflets de la lune sur la surface d’un plan d’eau et qui bougent et qui changent dès que la plus petite bise se lève alors que là-haut dans le ciel la lune reste sereine et pure. Et puis le Zen refuse tout écrit. Tout vient de la transmission directe de disciple en disciple du Bouddha lui-même. Alors le Zen pratique le mutisme, l’humour, l’absurde. Ce qui est assez plaisant.Tout ceci plaît énormément aux guerriers japonais : la force d’âme, l’absence de grandes élucubrations, la possibilité d’agir dans le monde car l’illumination est accessible à tout moment et à tout un chacun, dans cette vie-ci. Et c’est ainsi que le bouddhisme Zen va influencer directement la doctrine du Samouraï, le fameux bushido.
A propos du Bouddhisme zen et son lien avec le bushido, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Les Samouraïs.
N° 2855 et 2856 Zenryu Tsukamoto : A History of early Chinese Buddhism, from its introduction to the death of Hui-yüan , traduit (en anglais) du japonais par Leon Hurvitz, deux volumes, Kodansha International Ltd., Tokyo/New-York/San Francisco, 1985 (Hard cover décoré, les deux volumes dans boîte carton)
N° 3334 Gaston Vogel : Le Boudhisme - Ni Dieu, ni Âme , Editions PHI, Echternach, 1998
Gaston Vogel est un avocat luxembourgeois connu pour sa liberté de ton et la violence de son verbe et qui est en même temps un spécialiste des religions orientales. Ce qui devrait pourtant lui donner un caractère plus serein ! Il donne des cours sur le bouddhisme et a publié cet ouvrage. Il y prétend que le bouddhisme « agnostique, non-dogmatique, d’une parfaite tolérance, protagoniste sans compromis de la non-violence, partisan absolu du doute permanent et universel, soucieux de mettre l’homme au centre » est un humanisme et que cet humanisme est une solution pour notre jeunesse. J’ai des doutes…
Judaïsme et Monothéisme
N° 1746 et 1747 La Bible – L’Ancien Testament , édition publiée sous la direction d’Edouard Dhorme, de l’Institut, deux volumes, La Pléiade, 1957 - 59
Le Tome I contient le Pentateuque et les Livres historiques , le Tome II la littérature prophétique .
Les Israélites classent la Bible en trois parties : la Tora (ou Loi) qui est constituée des 5 Livres du Pentateuque que l’on appelle aussi les Livres de Moïse - les Prophètes, avec les livres historiques des Rois - les Ecrits, qui contiennent tout le reste.
N° 3083 A. Cohen : Le Talmud , exposé synthétique du Talmud et de l’enseignement des Rabbins sur l’éthique, la religion, les coutumes et la jurisprudence, traduction Jacques Marty, Payot, 1958 (relié toile)
A. Cohen était Docteur en philosophie à l’Université de Londres et Rabbin de la Synagogue de Birmingham. Le Talmud est un vaste travail d’exégèse qui va s’étendre sur 7 siècles (de 200 avant J.C. à 500 après J.C.) et impliquer des générations de rabbins. La première partie est la Michna qui est mise par écrit au IIIème siècle.Il faut dire qu’au cours des deux siècles avant notre ère la confusion régnait, des mouvements se dessinaient, les Sadducéens, qui se recrutaient plutôt dans les couches riches et hellénisées et qui sur le plan politique étaient pour la collaboration avec le pouvoir grec ou romain (comme le Christ qui disait : « rendez à César ce qui est à César »), et les Pharisiens qui se disaient purs, qui étaient plutôt intégristes et qu’on connaît bien grâce à l’Evangile (le Christ les traitait de « sépulcres blanchis », ce qui fait que le terme de pharisien est resté synonyme d’hypocrite). Les Pharisiens révéraient non seulement la Tora écrite mais aussi une Tora orale, tradition transmise par les Anciens. Les Sadducéens, tout libéraux qu’ils étaient, voulaient se tenir à l’écrit. La Michna est alors à la fois le commentaire de la Tora, la traduction écrite de la Tora orale et la tentative de démontrer que la Tora orale est déjà contenue dans la Tora écrite. A la Michna on a encore ajouté au cours des trois siècles suivants un « commentaire du commentaire » qui est la Gémara .
N° 3327 A. Renan : Nouvelles Considérations sur le Caractère général des Peuples sémitiques , Imprimerie impériale, 1859
Contient en fait trois parties :
1) Nouvelles Considérations sur le Caractère général des peuples sémitiques et en particulier leur tendance au Monothéisme
2) Sur la part des Peuples sémitiques dans l'histoire de la Civilisation (Discours d’ouverture du cours de langues hébraïque, chaldaïque et syriaque au Collège de France)
3) La Chaire d'Hébreu au Collège de France. Explications à mes Collègues.
Dans son discours Renan dit ouvertement qu'il ne croit pas à la divinité de Jésus. Sous la pression du parti clérical son cours est supprimé. Les explications constituent sa protestation. L'année suivante (1863) il publie la Vie de Jésus .
N° 1750 Sigmund Freud : Der Mann Moses und die monotheistische Religion , Fischer, Francfort, 1997.
Pour Freud Moïse était égyptienet son monothéisme vient d’Akhénaton. Il a eu du regret, dit-il, d’enlever aux juifs leur plus grand homme au moment même où ils subissaient une nouvelle et barbare persécution (son essai paraît à Londres en 1939, l’année de sa mort), mais il n’a pu s’empêcher de publier son essai quand même. Ceci étant, sa théorie est entièrement dépassée aujourd‘hui…
N° 2885 Hans Küng : Le Judaïsme , traduction Joseph Feisthauer, Seuil, Paris, 1995.
Hans Küng était un théologien suisse qui enseignait à l’Institut de recherches oecuméniques de Tübingen en Allemagne, qui a participé à Vatican II et qui avait des conceptions plutôt « libérales » en matière de religion.
Hans Küng explique que l’évolution du monothéisme hébreu a été progressive. Au IXème siècle (avant J.-C.) le dieu Baal reste un concurrent puissant. Et les prophètes Elie et Elisée luttent constamment contre ceux qui continuent à le vénérer. Au VIIème siècle Yahvé s’impose comme dieu unique des Hébreux mais cela ne veut pas dire qu’on nie l’existence d’autres dieux. Ce n’est qu’au VIème siècle que le strict monothéisme s’installe définitivement, surtout après la chute de Jérusalem. Il semble bien que ce soit la position actuelle de la science contemporaine. Si on ne croit pas à l’étincelle égyptienne, c’est aussi la seule explication qui paraît logique : on identifie un dieu avec son peuple (la fameuse alliance), on le place au-dessus des dieux des autres peuples, il devient dieu supérieur et puis unique et universel. Et comme c’est après la chute de Jérusalem que l’on entreprend la rédaction des anciennes écritures on va le faire suivant une lignée strictement monothéiste.
A propos du livre de Küng voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1 : Religion et identité juive.
N° 4651 Armand Abécassis : Jésus avant le Christ , Presses de la Renaissance, 2019
Abécassis est professeur émérite de philosophie, exégète du judaïsme et écrivain. Dans ce livre il cherche à montrer que Jésus, dans son enseignement et sa conduite, est d'abord resté fidèle à la tradition juive.
N° 3680 Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman : La Bible dévoilée - Les Nouvelles révélations de l'archéologie , Bayard Editions, 2002
N° 3681 Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman : Les Rois sacrés de la Bible - A la recherche de David et Salomon , Bayard Editions, 2006
Suite de La Bible dévoilée
En plus de son poste de directeur de l’Institut d’archéologie de Tel-Aviv, Israël Finkelstein a coopéré à de nombreuses fouilles en Israël et Palestine et est encore aujourd’hui coresponsable des fouilles de Megiddo (l’Armageddon de l’ Apocalypse , là où le grand roi réformateur Josias a été tué par l’armée du Pharaon en 609 av. JC). Silberman est directeur au Ename Center for Public Archeology and Heritage Presentation en Belgique et collaborateur régulier de la revue américaine Archeology.
Ces deux-là sont de véritables iconoclastes. En caricaturant on pourrait résumer leurs thèses ainsi : il n’y a jamais eu d’Exode d’Egypte, ni de conquête militaire de Canaan, les grands rois David et Salomon n’étaient que des roitelets, c’est l’Etat du Nord, Israël, qui était un royaume prospère et puissant, l’Etat du Sud, Juda, occupant une zone escarpée et pauvre, n’était peuplé que de quelques milliers de bergers et Jérusalem n’était rien qu’un village bien plus petit que la vieille ville d’aujourd’hui.
Aujourd’hui, affirment Finkelstein et Silberman, « les archéologues sont à même de prouver » que la compilation initiale de la Torah (et de l’histoire deutéronomiste) date du VIIème siècle avant J.C. Parce que ce n’est qu’à partir de la fin du VIIIème siècle que le royaume de Juda présente les caractéristiques nécessaires pour qu’un « texte national sacré aussi sophistiqué et profond que la Bible » puisse voir le jour. Et parce que c’est au VIIème siècle que s’est développé au Royaume de Juda un puissant mouvement de réformes religieuses qui a trouvé son apogée sous le règne du grand roi réformateur Josias. L’histoire des patriarches, l’Exode, la conquête de Canaan et la saga des grands rois, tels que les raconte la Bible, disent nos deux savants, sont l’expression de ce mouvement et doivent tout au « génie inventif d’hommes exceptionnels ». Ce qui n’empêche pas l’existence de légendes, d’histoires, de transmissions orales et même écrites antérieures.
N° 3683 Jan Assmann : Das kulturelle Gedächtnis – Schrift, Erinnerung und politische Identität in früheren Hochkulturen , édit. C. H. Beck, Munich, 1992.
N° 3684 Jan Assmann : Moïse l’Egyptien , édit. Aubier, Paris, 2001.
N° 3682 Jan Assmann : Le Prix du Monothéisme , édit. Aubier, Paris, 2007.
N° 4262 Jan Assmann : Totale Religion , Picus Verlag, Vienne, 2017
Jan Assmann est égyptologue spécialisé dans la période d’Akhénaton, mais il s’intéresse également à la sociologie et, avec sa femme Aleida Assmann, professeur de littérature, à la mémoire culturelle collective. Et finalement il se passionne pour l’étude de l’origine et de la nature du monothéisme.
Dans son livre sur la Mémoire collective Assmann se réfère assez souvent aux exemples de l’ancienne Egypte et d’Israël. C’est ainsi qu’il trouve que le Deutéronome est un exemple tout à fait exceptionnel de ce qu’il appelle la « canonisation » de la mémoire culturelle par l’écrit.Et c’est vrai, on voit bien que tout est fait pour fixer à jamais la mémoire dans cette histoire. Dès le début on dramatise : le Grand-Prêtre Hilkia qui découvre le Livre de la Torah lors de la réparation du Temple (un livre « oublié » !), le roi Josias qui lors de sa lecture se lamente et déchire ses habits, car tout est expliqué, non seulement la loi, mais les raisons des maux passés (c’était la punition de Dieu pour n’avoir pas respecté la Loi) et sont dévoilées les terribles menaces pour l’avenir si on continue à ne pas respecter la Loi. L’histoire deutéronomiste est la codification d’un travail de mémorisation basé sur le principe de la culpabilité, dit Assmann. Autre dramatisation : ce qui est exigé est une rupture de la tradition, une tradition plutôt polythéiste. C’est un traumatisme pour le peuple. Et puis le texte déploie tous les moyens mnémotechniques qui fixeront pour toujours la mémoire collective : prise de conscience et émotion, éducation des générations futures, inscriptions (sur le corps, les montants de la porte, les pierres), fêtes et célébrations collectives, transmission orale par la poésie (Ferdousi disait que la forme versifiée de la poésie est faite pour la joie du lettré et pour la mémorisation du peuple), et puis la fixation du texte qui est un texte de l’alliance et l’obligation de sa lecture à des intervalles réguliers (ce qui sera plus tard le rôle principal des synagogues). Et c’est ainsi qu’un peuple conservera sa mémoire et son identité pendant un séjour de 20 siècles en terre étrangère. C’est Heinrich Heine qui a appelé la Torah une patrie portative.
Moïse l’Egyptien , publié d’abord en 1997 et en anglais par la Harvard University Press de Cambridge sous le titre Moses the Egyptian – The Memory of Egypt in Western Monotheism , résultat d’une année de recherches à l’invitation du J. Paul Getty Center for the History of Arts and the Humanities, a essuyé de nombreuses critiques. C’est que Assmann redéfinit le monothéisme comme « la distinction mosaïque », prétendant que la caractéristique principale du monothéisme biblique attribué à Moïse n’est pas la croyance en un seul Dieu mais la distinction faite entre ce qui est vrai et ce qui est faux dans la religion. Une distinction qui n’existait guère dans les religions polythéistes de l’Antiquité. Où les dieux ne représentaient rien d’autre que différents aspects du cosmos, de la nature, et qu’il y avait des correspondances entre les dieux des différents peuples, des différentes cultures (Assmann parle de traduction). Le monothéisme crée l’exclusion. Il apporte la violence, il apporte la haine, dit-il, il apporte l’intransigeance.
Mais le sujet principal de Moïse l’Egyptien est autre. Il recherche le lien entre le monothéisme de la Bible et l’Egypte et fait tout le chemin depuis le prêtre égyptien du IIIème siècle avant J.C., Manéthon, jusqu’à Freud. Car en réalité on a d’une part un personnage qui n’a rien d’historique (mais on peut supposer qu’il a laissé un souvenir, donc qu’il a existé), Moïse, et un événement, l’Exode, qui n’a rien d’historique non plus (mais qui est devenu un vrai mythe) et d’autre part un événement qui est, lui, historique, l’occupation, puis l’expulsion des Hyksos (en 1570, des immigrés de Canaan, du sud de la Palestine, précise Assmann) et un personnage, Akhénaton, qui est lui aussi historique mais dont la tradition égyptienne n’a officiellement gardé aucun souvenir (car il a été sciemment effacé de l’histoire). Manéthon rapporte une légende qui met en scène des lépreux qui se soulèvent contre le Pharaon, font revenir les anciens Hyksos, mettent le pays à feu et à sang et dont le chef, Osarsiph, prend le nom de Moïse.
Pour Assmann « le séjour des Hyksos en Egypte et leur bannissement constituent une base historique largement suffisante pour expliquer l’histoire de l’Exode ». Il ne prétend d’ailleurs pas que les Hyksos étaient des Israélites. Mais il faut se souvenir qu’Assmann est un spécialiste de la mémoire culturelle. Or les Hyksos sont restés plusieurs siècles en Egypte, leur expulsion a été violente, ils sont revenus en Canaan, le souvenir de cette aventure a pu rester vivace dans la région, dit-il, et se frayer un chemin jusque dans l’histoire fondatrice de la Bible. Il ne prétend pas non plus que Moïse, s’il a existé, a été un adepte de la religion d’Akhénaton (prétendre qu’il y a identité entre Moïse et Akhénaton, c’est de la science-fiction, dit-il). Mais il n’est pas non plus impossible que des souvenirs de la période amarnienne (c. à d. celle d’Akhénaton) aient resurgi à un moment donné dans la région (après tout Israël était gouverné à l’époque par l’Egypte et on a trouvé toute une correspondance entre les gouverneurs de la région et aussi bien Aménophis III qu’Akhénaton).
Comme on voit cet Assmann est quelqu’un qui vaut la peine d’être lu !
N° 2900 Tomoo Ishida : History and historical writing in ancient Israel, Studies in Biblical Historiography , Brill, Leiden/Boston/Cologne, 1999
N° 3694 André Lemaire : Naissance du Monothéisme - Point de vue d'un historien , Bayard Editions, 2003
André Lemaire est professeur à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, non seulement un spécialiste des études bibliques mais également un spécialiste de l’épigraphie de la région (les inscriptions de l'Antiquité) et un grand connaisseur des cultures et religions des populations voisines d’Israël y compris la Mésopotamie. Excellente synthèse claire et précise. Mais trop riche pour être résumée ici.
Il n’empêche que son étude est assez convaincante car elle rend l’invention de ce monothéisme par un petit peuple pastoral, insignifiant à côté des géants de la région, un peu moins extraordinaire. On part d’une greffe sur la religion d’un petit clan madianite (nord-arabe) (le beau-père de Moïse est un Prêtre de Madian). L’origine égyptienne de Moïse devient sans importance. En Israël il y a fusion avec un dieu sémite clanique, dieu des pères. Yahwé s’impose peu à peu comme le dieu d’Israël. Il y a lien univoque entre le dieu et son peuple comme c’est le cas ailleurs chez les Sémites voisins. Il y a aniconisme (condamnation de l’image, traduction du caractère transcendant de la divinité) comme c’est probablement encore le cas chez d’autres peuples ouest-sémitiques. Mais c’est l’histoire qui fait que ce lien et cet aniconisme deviennent plus marqués en Israël que partout ailleurs. Après la chute d’Israël il faut affirmer plus que jamais à partir de Juda et de Jérusalem l’unité du peuple et donc de son Dieu. Ce qui est encore remarquable c’est que Israël dispose d’une élite intellectuelle religieuse et politique hors du commun. C’est elle qui exacerbe le caractère monolâtrique et aniconique de la religion sous Ezéchias au VIIIème siècle et sous Josias au VIIème. C’est parmi elle que l’on trouve ces scribes, ces poètes, ces penseurs à qui nous devons la première version de ce monument du génie humain qui est la Bible. C’est encore l’histoire, la destruction du premier Temple et l’exil à Babylone, qui va conduire à l’approfondissement de la religion monolâtrique (culte d’un seul dieu) et aniconique vers un véritable monothéisme universaliste ouvert sur le monde et qui va se diffuser ailleurs que sur les anciennes terres d’Israël et de Judée. Et finalement enfanter deux nouvelles religions monothéistes, nettement plus fanatiques que la première, le christianisme et l’Islam.
A propos des dernières découvertes des deux archéologues israéliens (Finkelstein et Silberman), du spécialiste de la mémoire culturelle Jan Assman et du spécialiste en épigraphie André Lemaire, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1, Naissance du Monothéisme. Le point.
N° 4270 Jean Soler : La violence monothéiste , Editions de Fallois, 2008
Soler est l'un des grands spécialistes de la violence inhérente aux religions monothéistes issues de la religion d'Abraham. Le Dieu jaloux.
A propos de ce livre et du livre de Jan Assmann : Totale Religion, voir mon Bloc-notes 2021 : Religion totale.
N° 3785 Hans Jonas : Le concept de Dieu après Auschwitz , Payot et Rivages, 1994
Impossible que Dieu soit en même temps tout-puissant, juste et intelligible…
N° 2811 et 2812 Paul Vulliaud : La Kabbale Juive, Histoire et Doctrine , deux volumes, édit. Emile Nourry, Paris, 1923. (Relié simili)
On considère en général que c’est entre le XIIème siècle et le XIVème que le mouvement kabbalistique proprement dit s’est développé. C’est aussi une époque où les persécutions deviennent de plus en plus importantes surtout en Espagne où c’est la fin de l’âge d’or de Grenade. Le mouvement a surtout fleuri en Catalogne et dans le sud de la France (comme par hasard dans une région et à une époque où un autre gnosticisme se développe : le catharisme). Le livre suprême de la pensée kabbalistique est le Zohar compilé au XIIIème siècle (mais qui d’après Vuillaud repose sur des traditions beaucoup plus anciennes et qui pour lui font partie de la révélation divine). Ce livre que l’on trouve dans les devantures des librairies ésotériques du monde entier, aussi appelé Livre des Splendeurs , explique qu’il y a un aspect caché et un aspect révélé de la divinité et expose les dix attributs et puissances de Dieu, appelés les Séphiroths.
La Kabbale se développe également en Palestine au XVIème siècle, y devient même gnostique mais elle y finit mal. La Kabbale est relayée en Europe orientale par le hassidisme (le mouvement des « pieux ») qui se développe au XVIIIème siècle. Il est plus tard sévèrement combattu par les rabbins à cause de ses tendances panthéistes. Il n’empêche que le hassidisme a des aspects sympathiques : grande piété, bonté, omniprésence de Dieu dans la vie quotidienne, pas mal de magie aussi (forcément : les maîtres-mots. C’est là aussi qu’est née la légende du Golem). Et cette magie conduit à la poésie. Elle illumine littéralement certains livres de Leo Perutz, le génial auteur du Cavalier Suédois , qui est né à Prague. Voir N° 0101 Leo Perutz : La Nuit sous le Pont de Pierre , édit. Fayard, Paris, 1987.
Christianisme
N° 1748 Das neue Testament , deutsch nach der Vulgata, traduction, introductions et commentaires de Joseph Franz von Allioli, Alsatia, Colmar, 1942 (?)
La traduction d’Allioli faite à partir de la version latine (la Vulgata) date des années 1830/37 et avait été réalisée pour les besoins des croyants catholiques.
N° 4051 Saint Jean : L'Apocalypse , traduction et introduction par P.-L. Couchoud, Bossard, Paris, 1921 (Sur vélin d'Arches, illustr. de A.-F. Cosyns. Ex. numéroté 109/140)
N° 3364 Norbert Hugède : Saint Paul et la Culture grecque , Labor et Fides, Genève, 1966
Pour le rôle de Paul dans la naissance du christianisme, voir mon Bloc-notes 2015 : Paul et la divinisation du Christ.
N° 3706 Paul Veyne : Quand notre monde est devenu chrétien (312 - 394) , Albin Michel, 2007
Histoire de Constantin et de son influence sur le développement du christianisme. Veyne, athée, est Professeur honoraire au Collège de France. Il a un style très personnel et plaisant et pose bien d'autres questions, en particulier sur le caractère religieux de l'Homme.
N° 1755 Ernest Renan : Vie de Jésus , Calmann-Lévy
N° 1757 Ernest Renan : Les Apôtres , Calmann-Lévy, (reliure demi-cuir de l’éditeur, dos à nerfs)
Ce sont là les deux premiers tomes de l’ Histoire des Origines du Christianisme
N° 1756 Ernest Renan : Saint Paul , avec une carte des Voyages de Saint Paul par M. Kiepert de l’Académie de Berlin, Michel Lévy Frères, 1869 (édition originale, reliure cartonnée décorée de l’éditeur)
Troisième tome de l’ Histoire des Origines du Christianisme
N° 1758 Ernest Renan : L’Antéchris t, Calmann-Lévy, 1899 (Relié demi-cuir de l’éditeur)
Quatrième Tome de l’ Histoire
N° 1290 Ernest Renan : Les Evangiles et la 2ème génération chrétienne , Calmann-Lévy, 1877 (Demi-chagrin vert d'époque, dos à nerfs)
Fait partie de l' Histoire des Origines du Christianisme (T.5). Va de la destruction de la nationalité juive jusqu’à la mort de Trajan (74 – 117)
N° 1289 Ernest Renan : L'Eglise chrétienne , Calmann-Lévy, Paris, 1879 (Demi-chagrin vert de l'époque, dos à nerfs)
Fait partie de l'Histoire des Origines du Christianisme (Tome 6). Comprend les règnes d’Adrien et d’Antonin le Pieux
« Bien que certaines de ses connaissances historiques soient aujourd’hui dépassées », dit Françoise Chandernagor, auteure d’un livre passionnant : La vie de Jude, frère de Jésus , roman, Albin Michel, 2015 : « on lira toujours avec plaisir, pour la vivacité des récits et du style, Ernest Renan, Histoire des origines du christianisme ». Il n’y a pas que la vivacité du récit, il y a plus : Renan fait une véritable œuvre scientifique en faisant revivre pour nous tout le cadre historique, géographique, sociologique de toutes les régions où la nouvelle Religion s’est développée.
Mon édition de La Vie de Jésus est une édition moderne qui reprend la 13 ème édition pourvue d’une importante préface de Renan : Importante parce qu’il y explicite sa position. Position d’un scientifique et non d’un croyant aveugle. Depuis quatre ans que le livre a paru, dit-il, je n’ai cessé d’y travailler et d’y apporter notes et corrections … mais j’ai aussi été la cible pendant ces quatre années d’innombrables reproches et insultes. Or, dit-il, si je suis tout à fait à l’aise pour discuter de mon livre avec des « libres penseurs ne croyant pas au surnaturel ni par conséquent à l’inspiration des livres saints » ou avec des « théologiens de l’école protestante libérale arrivés à une notion si large du dogme que le rationaliste peut très bien s’entendre avec eux », (parce qu’avec eux, dit-il, je me trouve sur « le même terrain », que « nous partons des mêmes principes, nous pouvons discuter selon les règles suivies dans toutes les questions d’histoire, de philologie, d’archéologie »), autant il m’est impossible, ajoute-t-il, de m’entendre avec des « théologiens orthodoxes, soit catholiques, soit protestants, croyant au surnaturel et au caractère sacré des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament » car ce genre de discussions « impliquent un malentendu fondamental ». Et ailleurs encore il persifle : Les « personnes qui ont besoin, dans l’intérêt de leur croyance, que je sois un ignorant, un esprit faux ou un homme de mauvaise foi, je n’ai pas la prétention de modifier leur avis. Si cette opinion est nécessaire au repos de quelques personnes pieuses, je me ferais un véritable scrupule de les désabuser ». Dans une note de bas de page il précise d’ailleurs ce qu’il entend par « surnaturel ». « J’entends toujours par ce mot « le surnaturel particulier », l’intervention de la divinité en vue d’un but spécial, le miracle, et non « le surnaturel général », l’âme cachée de l’univers, l’idéal, source et cause finale de tous les mouvements du monde ».
Renan dit encore autre chose dans cette préface à la 13 ème édition de la Vie de Jésus et que Rudolf Augstein aurait dû lire avant d’écrire son bouquin (voir ci-après) : « Si l’on s’astreignait, en écrivant la vie de Jésus, à n’avancer que des choses certaines, il faudrait se borner à quelques lignes. Il a existé. Il était de Nazareth en Galilée. Il prêcha avec charme et laissa dans la mémoire de ses disciples des aphorismes qui s’y gravèrent profondément. Les deux principaux de ses disciples furent Céphas et Jean, fils de Zébédée. Il excita la haine des juifs orthodoxes, qui parvinrent à le faire mettre à mort par Pontius Pilatus, alors procurateur de Judée. Il fut crucifié hors de la porte de la ville. On crut peu après qu’il était ressuscité ».
Ce sera ma conclusion.
N° 2142 Ernest Renan : L'Ecclesiaste , Calman-Lévy, 1882
N° 2506 Pierre Rondot : Les Chrétiens d'Orient , J. Peyronnet et Cie, Paris, 1955
N° 1754 Rudolf Augstein : Jesus, Menschensohn , C. Bertelsmann Verlag, 1972 (couverture lin éditeur)
Rudolf Augstein était Directeur et co-propriétaire du Spiegel. Son livre n’apporte pas grand-chose de nouveau. Quand on veut s’attaquer au Jésus historique, on est vite arrivé à une impasse. Albert Schweitzer l’avait déjà dit. Et l’écrivain Heinrich Böll, dans une critique que l’on peut trouver sur le net, dit : il aurait mieux fait de blasphémer car la religion est une question d’émotion, or en fait il l’a écrit en théologien à l’encontre d’autres théologiens. Ridicule.
Une chose amusante, quand même : En tête du chapitre 10 de son livre, intitulé : Markus, ein enttäuschender Kronzeuge (Marc, un témoin-clé décevant), Augstein place cet extrait des Neue Paralipomena de Schopenhauer:
Conversation de l’an 33
A. Vous connaissez la nouvelle ?
B. Non, qu’est-ce qui se passe ?
A. Le Monde est sauvé !
B. Que dites-vous là !
A. Oui, le bon Dieu a pris forme humaine et s’est laissé exécuter à Jérusalem : c’est ainsi que le monde a été sauvé et que le Diable a été roulé.
B. Ah, mais c’est tout à fait charmant, dites donc !
N° 1751 Ludwig Marcuse : Ignatius von Loyola , Querido Verlag, Amsterdam, 1935
Le créateur de l’Ordre des Jésuites
N° 1752 et 1753 Romano Guardini : Der Herr , Betrachtungen über die Person und das Leben Jesu Christi, deux volumes, Alsatia, Colmar, 1947 (avec une dédicace du curé Louis Oberlechner à ma tante Gabrielle Baldacini pour ses 50 ans, mars 1949)
N° 2781 Jules Lebreton : Les Origines du Dogme de la Trinité , Gabriel Beauchesne & Cie, Paris, 1910 (Reliure demi-cuir de l’éditeur)
Jules Lebreton était Professeur d’Histoire des origines chrétiennes à l’Institut catholique de Paris. C’est à la fin du IVème siècle quel’Esprit Saint est devenu officiellement le 3ème élément de ce Dieu en trois (je me souviens d’ailleurs qu’au catéchisme on nous avait expliqué que comprendre la Sainte Trinité était aussi impossible que compter les grains de sable du désert).Ce livre illustre parfaitement le problème du théologien qui se dit historien ! La composition de l’étude est assez logique : elle est faite de trois parties, la grecque (spéculations sur le logos et l’esprit), la judaïque (l’esprit, la Sagesse, la Parole, la Puissance, le logos à nouveau dans le judaïsme alexandrin), la chrétienne. Mais très vite on bloque : la spéculation grecque et la théologie juive sont exposées comme des doctrines, la venue du Fils de Dieu est racontée comme un fait. Et on comprend que les deux premières parties du livre ne sont là que pour réfuter toute influence extérieure sur la doctrine en question. Les philosophies religieuses de l’hellénisme sont des « représentations plus ou moins fidèles et plus ou moins compréhensives d’une réalité qui reste transcendante et que l’histoire n’atteint pas en elle-même ». « Les vérités divinement révélées qui sont proposées à la foi d’Israël ne lui parviennent qu’à travers un magistère humain, par la voix des prophètes ou par leurs livres ». Alors que le point de départ du dogme dans le Nouveau Testament est une personne. On a un témoin direct. « Platon pour ses disciples était le maître, Moïse pour les Juifs était le législateur, Jésus pour les chrétiens est l’objet même de la foi ». Dès lors la messe est dite. D’ailleurs dès la préface l’auteur dit ceci : « nous avons attaché une importance souveraine à l’enseignement de l’Eglise, non seulement nous soumettant à ses décisions qui s’imposent à tout catholique, mais nous inspirant de ses directions et de son esprit ».
Protestantisme
N° 3267 Dimitri Merejkovski : Luther , préface d'Alexis Klimov, Editions du Beffroi, Québec/Troyes
Merejkovski est un penseur russe admiré par Nina Berberova. C’est un livre très poétique pour raconter une histoire pleine de violences.
C’est à la veille de la Toussaint 1517 que Luther cloue aux portes de la chapelle du château grand-ducal de Wittenberg en Saxe un parchemin proclamant les 95 thèses qui s’opposent aux «Rémissions».Luther, après son coup d’éclat, échappe à la convocation à Rome grâce à l’entremise de Frédéric, Grand Electeur de Saxe (choqué lui aussi par cette histoire d’indulgences), mais doit quand même se présenter à la Diète germanique à Augsbourg en octobre 1518. Il refuse de renier ses écrits et s’enfuit de la ville.En juin 1520 il est excommunié par une bulle du pape. Luther brûle publiquement la bulle ! Enfin en avril 1521 Charles Quint, nouvellement élu Empereur, le convoque à Worms. Une fois de plus il refuse de renoncer à ses écrits. C’est la rupture définitive. Dès le mois suivant l’Empereur le déclare hors-la-loi. Luther quitte Worms, traverse la forêt de Thuringe et est caché par les gens de Frédéric dans un château, la Wartburg. Pendant sa réclusion il traduit le Nouveau Testament en allemand. Cette oeuvre célèbre va paraître pour la première fois en septembre 1522. Et Luther est sauvé par la déclaration de guerre de François Ier (première aide - non-intentionnelle il est vrai - des Français aux Protestants allemands) : Charles Quint quitte l’Allemagne. La suite est trop longue pour être rapportée ici.
Simplement un mot à propos du caractère de Luther. A un moment donné éclate une querelle doctrinale à propos de l’Eucharistie entre lui et Zwingli. Les réformateurs strasbourgeois essayent de négocier un compromis, mais Luther se bute. Dimitri Merejkovski dit : « Le péché originel de Luther est le manque de mesure, la volonté du démesuré qui produit le démon de la colère dont il est possédé ». Et il rapporte ces paroles de son disciple Melanchthon et de Calvin : « Oh ! si seulement Luther savait se taire ! », dit Melanchthon, et : « Oh ! si seulement Luther savait se maîtriser. Que Dieu lui accorde d’apaiser les tempêtes déchaînées de son cœur ! », prie Calvin.Reste qu’il n’y aura jamais unité entre luthériens et calvinistes.
N° 3241 Michel-Edmond Richard : La Vie des Protestants français de l’Edit de Nantes à la Révolution (1598 – 1789) , Les Editions de Paris, 1994
Richard, chargé de recherches au CNRS, était un spécialiste de l’histoire du protestantisme français.
L’Edit de Nantes du bon roi Henri IV date de 1598. Il accordait la liberté de conscience, limitait simplement les lieux de culte (prohibés dans certaines villes comme Paris p. ex.) et concédait aux protestants (pratiquement tous calvinistes en France) des places « de sûreté ». Ces places fortes où les protestants avaient le droit d’entretenir des troupes payées par le Roi pouvaient constituer un danger pour le royaume. Des tentatives de sécession ont d’ailleurs eu lieu. Ce qui amène Richelieu à briser le pouvoir politique et surtout militaire des protestants (voir la fameuse prise de La Rochelle). Les dernières places de sûreté sont définitivement supprimées en 1629. Mais on ne touche ni au culte ni aux droits sociaux des protestants. C’est avec la maturité de Louis XIV que les choses changent. D’abord on leur supprime leurs garanties dans le domaine judiciaire (suppression des tribunaux spéciaux bi-partisans) puis à partir de la fin des années 1670 on apporte des restrictions successives à l’Edit de Nantes : suppression d’une majorité de lieux de culte, interdiction de l’exercice de professions libérales, interdiction des mariages mixtes, choix libre de leur religion par les enfants en bas âge, etc. Enfin l’Edit est aboli en 1685 : tous les temples doivent être démolis, l’exercice du culte est interdit, les pasteurs doivent quitter le Royaume, par contre les fidèles ne peuvent émigrer sous peine de galères. On connaît la suite : sur environ 800 000 protestants 200 à 250 000 émigrent quand même (chiffres donnés par Richard). Ils s’établissent par ordre décroissant aux Pays-Bas, en Angleterre et en Prusse (Brandebourg). Partout on leur offre des conditions d’accueil idéales. Et eux apportent à tous ces pays leur intelligence, leur culture, leur éthique, leur esprit d’entreprise et même leurs qualités militaires. « On a vu dans la discipline huguenote une origine de l’esprit prussien », dit Richard. Et ils seront les pires ennemis de la France.
Islam
N° 3278 Guy Monnot : Penseurs musulmans et religions iraniennes, Abd Al-Jabbar et ses devanciers , Libr. J. Vrin, Paris, 1974 (Relié toile)
N° 2128 Maurice Gaudefroy-Demombynes : Mahomet , Introduction Paul Chalus, Albin Michel, 1957
Gaudefroy-Demombynes, professeur honoraire aux Langues O' et Membre de l'Institut. Fait partie d'une vaste synthèse historique : Bibliothèque de Synthèse Historique .
N° 2483 Dr. J. C. Mardrus : Le Koran , Fasquelle, 1926 (relié toile)
Mardrus, le traducteur des Mille et une Nuits .
N° 1997 Le Voyage nocturne de Mahomet , composé, traduit et présenté par Jamel Eddine Bencheikh, suivi de l’Aventure de la Parole , préface d’André Miquel, Imprimerie Nationale, 1988 (magnifiquement illustré, présenté dans un emboîtage de l’éditeur)
L’origine de la légende est à chercher dans une sourate du Coran:
« Gloire à celui qui a fait voyager de nuit son serviteur
de la Mosquée sacrée à la Mosquée très éloignée
dont nous avons béni l’enceinte,
et ceci pour lui montrer certains de nos signes. »
Il y a bien sûr beaucoup de versions de cette tradition sacrée. Bencheikh a pris l’une d’elles comme ossature de son récit en l’enrichissant d’autres variantes. Au début du Voyage c’est toujours l’Ange Gabriel qui vient réveiller le Prophète. Et qui va lui servir de guide. La montée aux cieux dans certaines versions se fait grâce à une échelle merveilleuse (comme l’échelle de Jacob) : le mi’radj, dans d’autres c’est une monture ailée qui s’appelle al-Bouraq et qui a un corps de cheval et une tête de femme. Le voyage démarre dans le Temple de Jérusalem (encore une raison de ne pas laisser la Ville Sainte aux juifs !). Puis il va s’élever jusqu’au trône divin en passant successivement à travers sept cieux.
N° 1745 Louis Gardet : Les Hommes de l’Islam - Approche des mentalités , Hachette, 1977 (relié toile)
Louis Gardet, spécialiste de la pensée et de la civilisation islamiques, a enseigné la philosophie comparée et l’islamologie au Collège international de Philosophie de Toulouse. Il a également donné des cours dans les universités d’Alger, de Rabat et du Caire.
N° 3770 Moënis Taha-Hussein : Le Romantisme français et l'Islam , Daar Al-Maaref, Beyrouth, 1962
C'est probablement le fils de Taha Hussein. Intéressante étude sur la connaissance progressive de l'Islam par les écrivains français (Chateaubriand, Lamartine, V. Hugo, Gérard de Nerval)
N° 2521 Maxime Rodinson : Islam et Capitalisme , Seuil, 1966 (relié toile)
Rodinson était orientaliste et sociologue. Il a enseigné au Proche-Orient, puis a été Directeur d’études à l’Ecole pratique des Hautes Etudes de la Sorbonne où il a enseigné l’éthiopien ancien et le sudarabique ancien. Grand érudit, il était aussi un militant progressiste et anticolonialiste.
N° 3159 Yann Richard : L’islam chi’ite, Croyances et idéologies , Fayard, 1991
Richard, chercheur au CNRS, a été témoin de la Révolution iranienne islamique.
Pour comprendre le chiisme il faut d’abord revenir à l’histoire, c. à d. aux événements qui ont suivi la mort de Mahomet, en 632. Le Prophète n’avait pas voulu désigner de successeur. Les chiites prétendent que tout désignait alors Ali comme successeur idéal. Ali était son cousin, son frère nourricier (son père avait accueilli Mahomet, alors orphelin), son compagnon d’armes, son gendre (il avait épousé sa fille Fatima) et il paraît qu’à un moment donné Mahomet avait pensé le proposer à sa succession. Mais Ali n’avait que 32 ans. Toujours est-il qu’après la mort du prophète sa succession fut réglée rapidement, un peu dans le chaos car les tribus et les familles étaient déjà très divisées, par un véritable coup de force opéré par deux compagnons vénérables du Prophète : Abou Bekr et Omar. C’est Abou Bekr qui fut nommé premier calife.Il avait déjà plus de soixante ans quand il devint calife. Il mourut deux ans plus tard. Il exerça sa charge dans l’esprit du Prophète, vit simplement, pieusement et, malgré son âge poursuivit les conquêtes dans la parfaite continuité des projets de Mahomet.Abou Bekr, tombé malade, eut la bonne idée de désigner lui-même son successeur. Il choisit Omar. C’était un homme énergique, capable de mettre de l’ordre dans le nouvel empire qui était en train de se constituer et où les forces centrifuges ne manquaient pas. Un homme plus simple, un ancien berger, mais d’un caractère plutôt emporté, capable de prendre des décisions ce qui était essentiel à l’époque et ce qui ne sera pas le cas de ses successeurs. C’est également Omar qui a chargé un comité d’érudits à geler le texte définitif du Coran et à fixer les paroles et « l’exemple » du prophète (hadith et sunna). Et voilà qu’Omar est assassiné par un esclave persan de religion chrétienne à qui il avait refusé de faire justice. Il avait régné pendant dix ans. Il eut le tort de ne pas désigner lui-même son successeur. Gravement blessé, il composa un conseil de cinq personnalités en leur demandant de choisir le futur chef de la communauté.Or parmi les cinq il y en avait au moins trois qui étaient candidats au poste dont Ali et Osman (ou Uthmân comme l’appelle Taha Hussein). A un moment donné on décide d’accepter que l’un des non-candidats, Abd er-Rahman, encore un ancien compagnon du Prophète, fasse seul le choix du futur calife. Mauvaise décision car il choisit Osman.Car Osman, homme d’une faiblesse inconcevable, place des membres de sa riche famille des Omeyyas à la tête de l’Egypte et de ce qui est l’Irak aujourd’hui, alors qu’il y avait déjà un Omeyyade à Damas. L’opposition grandit… et, finalement, il est assassiné, tâchant de son sang le Coran qu’il est en train de lire.
Et les meurtriers d’Osman auxquels se sont joints les habitants de Médine nomment Ali calife. Il accepte la charge. Mais va avoir à faire face à plusieurs rébellions dont la plus sérieuse vient du Gouverneur de Syrie, chef du clan omeyyade. Et va accepter, lorsque les combats se prolongent, à se soumettre à un arbitrage et de cette manière mettre en jeu son titre de calife. Ce qui amène une autre dissidence : les Kharéjites, choqués que l’on fasse appel à un arbitrage sur une question qui appartient à Dieu seul. D’ailleurs l’arbitrage ne donne rien. Et Ali succombe, en 661, aux coups d’épée empoisonnée d’un de ces fanatiques kharéjites devant la mosquée de Kufa. Ce qui donne un premier lieu de pèlerinage aux futurs chiites : le tombeau d’Ali à Najaf, en Irak.Ali avait deux fils, seuls héritiers mâles en ligne directe de Mahomet. L’aîné, Hassan, était plutôt pacifique. Et fait un pacte avec le chef du clan des Omeyyades qui était devenu calife à Damas après Ali. Son frère Hossein n’avait pas approuvé le pacte signé par Hassan. A la mort de ce dernier il refuse de faire allégeance au nouveau calife, Yazid, fils de Moâwiya. Il se réfugie d’abord à La Mecque puis reçoit un appel des habitants de Kufa pour qu’il prenne la tête d’une rébellion. Il s’y rend mais voit sa route coupée par des troupes omeyyades. Il doit camper dans le désert avec sa famille et ses 72 compagnons, près d’un endroit appelé Kerbala. L’ennemi lui coupe l’accès à l’Euphrate. Ils n’ont plus d’eau. Puis c’est le combat, le massacre. D’abord des enfants, son propre fils et un fils de Hassan. Un nouveau-né que Hossein porte dans ses bras et dont le cou est transpercé par une flèche. Hossein lui-même est décapité, sa tête ramenée à Damas, son corps - le corps du petit-fils chéri du Prophète - est piétiné par les chevaux et enterré sur place. Nouveau grand pélerinage pour les chiites d’aujourd’hui : le mausolée de Kerbala. Et le souvenir de la bataille survit éternellement dans les mémoires chiites, ravivé chaque année lors des festivités traditionnelles de deuil où dans chaque village on peut entendre les chants funèbres, voir défiler les processions de flagellants et assister aux représentations théâtrales du Taziéh qui commémorent la « passion » de Hossein et de sa troupe, rites qui marquent toute la religion chiite d’une indicible tristesse.
N° 0225 Comte de Gobineau : Les Religions et les Philosophies dans l’Asie Centrale , édit. G. Crès et Cie, Paris, 1923.
N° 2308 Davoud Monchi-Zadeh : Ta’ziya, das Persische Passionsspiel , Almquist & Wiksell, Stockholm, 1967 (Envoi de l'Auteur, relié toile verte)
Il est probable que les partisans d’Ali ont commencé à commémorer et pleurer le massacre de Kerbala dès les siècles qui ont suivi ces événements, comme ils allaient pleurer et célébrer tous les imams qui ont suivi et dont la plupart sont morts de façon suspecte. Mais ces célébrations ne sont devenues vraiment officielles qu’à partir du XVIème siècle, alors que le chiisme venait d’être reconnue comme religion officielle (dynastie des Safavides). Elles consistaient essentiellement en chants funèbres et lamentations, puis en processions. La fameuse représentation théâtrale des événements de Kerbala ne s’est développée qu’au XVIIIème siècle.
Le Taziéh c. à d. la représentation dramatique sur une scène de village des événements de Kerbala, est une évolution plus tardive des scènes mimées dans les processions. Gobineau est peut-être un raciste (sûrement même), mais cela ne l’empêche pas d’être un fin observateur et un bon connaisseur des choses de l’Orient. Lorsqu’il arrive en Perse le Taziéh était déjà arrivé à son plein épanouissement. Gobineau tombe en admiration devant ce théâtre populaire dont les auteurs sont toujours anonymes, mais dont les textes changent d’une année à l’autre en se bonifiant sans cesse car on a l’intelligence de conserver les passages qui ont particulièrement impressionné les spectateurs, des spectateurs qui sont eux aussi des acteurs qui participent par leurs pleurs, leurs lamentations, leurs cris : « Hassan ! Hossein ! ». Il consacre une bonne partie de son étude sur les Religions de l’Asie Centrale qui fait suite à ses Trois Ans en Asie , à ce théâtre, décrivant les représentations, les scènes, les décors, les costumes, allant jusqu’à recueillir in extenso les textes de certaines oeuvres ( Les Noces de Kassem ).
L’étude de Davoud Monchi-Zadeh porte sur les manuscrits de Taziéhs collectionnés par l’Allemand Wilhelm Litten et publiés en 1927. Pour lui le Taziéh n’est pas simplement une oeuvre théâtrale mais un rite, une possibilité donnée au peuple de se libérer de ses propres peines. Hossein n’est-il pas quelqu’un de profondément humain, je veux dire faible ? Au milieu de son combat il propose de tout abandonner, de partir à l’étranger, de renoncer à toute ambition. Tout en combattant il demande à son ennemi de témoigner de la pitié, pitié pour sa petite fille qui souffre de la soif, pitié pour sa soeur et pour les femmes qui l’accompagnent, et même pitié pour lui-même, le petit-fils de l’Envoyé d’Allah. En pleurant sur Hossein, l’Iranien pleure sur lui-même.
Ce qui ressort également de l’étude du Taziéh c’est la profonde hostilité qui perce chez les chiites iraniens contre tout ce qui est au coeur de l’Islam orthodoxe : les califes orthodoxes, même Omar, le deuxième calife, un homme juste, même s’il était dur, et qui n’a pourtant rien entrepris contre Ali (Monchi-Zadeh cite un Taziéh « comique » rapportée par un autre voyageur français, Henry-René d’Allemagne, en 1911, où l’on se moque du calife Omar qui conduit un chien en laisse, emblème de la souillure, entouré de ses compagnons montés sur des ânes et qui à la fin du spectacle est précipité avec eux en enfer après avoir festoyé et bu en compagnie de Satan lui-même, l’enfer étant représenté par un bassin d’eau dans lequel s’écroule, à la grande joie des spectateurs, la plate-forme qui sert de scène au spectacle.
Pour le chiisme et le Taziéh, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : Religions persanes.
N° 4704 Nedim Gürsel : Sept derviches, traduction Jean Descat, Préface de Gerhard Schweizer, Seuil, 2010
Etude des derviches et du soufisme turc en sept voyages à travers l'Anatolie. La préface est intéressante car elle donne une vue d’ensemble du soufisme. Schweizer l’a aussi étudié en Allemagne parmi les immigrés turcs.
Gürsel fait sept voyages qui l’amènent dans sept endroits différents où vivent encore des confréries (d’où le titre : Sept Derviches). Le premier voyage le conduit dans une région située au nord de la Cappadoce et qui s’étend jusqu’à la Mer noire. C’est le pays bektachi par excellence et celui du Hadji Bektas et du poète Yunus Emre. Le deuxième l’amène dans une autre région bektachi, du côté d’Antalya (une tekké dans les monts Beydağ).
Le troisième voyage, intitulé Les Aventures de Kaygusuz Abdul, nous emmène toujours en pays bektachi, du côté d’Alanya, sur les versants du Taurus, où a vécu un héros légendaire, un fils de bey qui s’est fait derviche itinérant, sous le nom de Kaygusuz Abdul, et qui est aussi un grand poète. Et cette poésie est tout-à-fait originale. Elle fait partie d’un genre poétique soufi, le şathiye, nous dit Gürsel, mais elle a également toutes les caractéristiques du surréalisme ! Gürsel s’interroge : « Comment écrivait-il ces poèmes si particuliers, plus langoureux et plus beaux les uns que les autres, qui bousculent les frontières du réel et ouvrent les portes du surnaturel ? ». « Avec une maîtrise sans égal dans notre littérature », dit-il encore, « il bouscule à ce point la raison et l’ordre naturel que les spécialistes l’ont classé parmi les poètes surréalistes… ». Et il donne des exemples :
Tortues, tortues mettent des ailes pour voler
Le lézard a bien envie de visiter la Crimée
Le papillon prend son arc et il s’en va à la chasse
Le sanglier et les ours se dispersent effrayés
Le pauvre pont d’Ergene a la bouche desséchée
Le minaret d’Edirne se penche pour boire un coup
J’ai mis la soie sur un tronc car je déteste le gras
Le sac fait un tour dans l’herbe et se sauve à toutes jambes
…
La cigogne a un ânon et elle joue de la flûte
Le poisson grimpe au peuplier pour tailler la branche du saule
…
Le cochon a marié sa fille unique à un ours
Le singe a pris des ciseaux pour se tailler un caftan
Le chameau va au hammam et c’est un veau qui le masse
Et le buffle a bien envie d’en être le tenancier
Les propos de Kaygusuz sont de vraies noix de coco
Tu as dit tant de mensonges que tu iras en enfer
Etonnant ! N’est-ce pas ?
Pour son dernier voyage Gürsel se rend à Konya. Là où est enterré Celaleddin Rumi, surnommé Mevlana, là où a été dansée pour la première fois la sema, cette danse extatique des derviches tourneurs que Gürsel nous décrit avec beaucoup d’émotion, et évoque lui aussi le ney au son duquel les derviches tournent :
Ecoute la complainte du ney
Toujours il se lamente sur les séparations
Et Gürsel explique : « Le ney avait été détaché d’un roseau, c’est pour cela qu’il gémissait, comme gémit l’homme détaché de Dieu. Tous deux brûlent du désir de retourner à leurs origines, de les rejoindre, de se fondre en elles, de s’y abolir, de disparaître dans l’être véritable »
Mais c’est là aussi où Mevlana a vécu son grand amour avec Şems de Tabriz. Un saint homme pourtant, un derviche itinérant. Un amour fulgurant. Les deux s’enfermaient dans une chambre, simplement pour se regarder, se parler. Et quand Şems quitte Konya, Mevlana ne le supporte pas, lui envoie son fils pour le ramener et quand il est revenu, il chante :
Mon soleil, ma lune sont revenus
Mon œil, mon oreille sont revenus
Mon corps d’argent est revenu
Mon métal, mon or est revenu
L’ivresse de ma tête est revenue
La lumière de mes yeux est revenue
…
L’Israélien Benny Ziffer raconte cette histoire de manière plus crue. Il rappelle que Rûmî et celui qu’il appelle Shams seraient restés cloîtrés, selon la légende, dans une cellule sans en sortir pendant six mois. Et quand il revient du spectacle des derviches en extase, il se pose la question : comment expliquer qu’un mythe homosexuel amène ici des dizaines de milliers de pèlerins musulmans pour « voir les adeptes de ce pédé danser en l’honneur de leur guide monté au ciel il y a sept cent trente ans ». Je trouve cet Israélien bien irrespectueux pour les Turcs qui l’hébergent et aussi pour la caste des homosexuels dont lui, Ziffer, fait d’ailleurs partie !
N° 3566 Pierre May : L'Alaouite, ses croyances, ses mœurs, les cheikhs, les lois de la tribu et les chefs , May, Beyrouth
Un peu succinct
N° 1984 Marie Dupont : Les Druzes , Editions Brepols, Belgique, 1994
Les Druzes ont été longtemps considérés comme une secte très mystérieuse et dangereuse. Cela vient du fait qu’ils font partie de la mouvance ismaëliste, des gens qui croient à Ali et Hussein comme les Chiites, mais qui à cause des croyances en des imams cachés ont pris un caractère un peu ésotérique. D’ailleurs comme nos anciens Cathares ils ont des initiés (20% de la secte seulement le sont) et les initiés n’ont le droit de révéler quoique ce soit de la doctrine (qui n’est d’ailleurs révélée que progressivement puisqu’il y a des degrés dans l’initiation) ni aux incroyants ni aux non-initiés. On racontait d’ailleurs que le livre accessible au dernier degré ne contenait que cette phrase : « il n’y a rien, tout est permis ». En réalité, nous dit Marie Dupont, c’est une religion d’une haute valeur spirituelle et les Druzes, s’ils peuvent être sanguinaires, ont aussi la réputation d’être très hospitaliers et charitables.
Chamanisme
N° 3287 Mircea Eliade : Le Chamanisme et les Techniques archaïques de l'extase , Payot, 1981
Chamanisme et psychopathologie. Chamanisme dans toutes les régions du monde. Mircea Eliade, grand connaisseur des mythes et religions, a été Professeur à l'Université de Bucarest.
Sectes
N° 2749 à 2754 M. Grégoire : Histoire des Sectes religieuses , qui sont nées, se sont modifiées, se sont éteintes dans les différentes contrées du globe, depuis le commencement du siècle dernier jusqu’à l’époque actuelle, six volumes, Baudouin Frères, Paris, 1828-1848
Le tome VI, rare, comporte une notice biographique de M. Carnot sur l’auteur, Henri Grégoire, ancien Evêque de Blois. Grégoire était un Républicain convaincu qui a pris une part décisive à l’abolition des privilèges le 4 août 1789. Il a demandé l'abolition de la royauté sans voter sa mort puisqu’il avait demandé l’abolition de la peine de mort. Il fut un membre éminent du comité d’Instruction publique, a joué un rôle dans la création du Bureau des longitudes et du Conservatoire des Arts et Métiers. Son rôle dans la persécution des patois et langues minoritaires de France est plus discutable. Il a défendu l’introduction des Juifs dans la vie civile et politique, s’est battu pour la suppression de l’esclavage. Et il s’est tout de suite opposé à Napoléon. La Restauration l’a persécuté. Il est mort en 1831.
Son Histoire des Sectes étudie : Temples et Fêtes de la Raison (lui-même a gardé sa foi et l’a proclamé face aux Révolutionnaires les plus violents), Histoire de la Théophilanthropie, Culte théophilanthropique, Illuminés, Sectes établies ou fomentées par des femmes, Antoinette Bourignon, Convulsionnaires, Amis de la Vérité, Théosophes, boehmistes, martinistes, mesméristes, magnétistes, Francs-Maçons, Bons cousins, charbonniers en France, carbonari en Italie, Templiers, etc.
N° 3560 Richard F. Burton : The City of the Saints and across the Rocky Mountains to California , with an introduction and notes by Fawn M. Brodie, Frontier Library/ Eyre and Spottiswoode, 1962
Burton, le grand explorateur et traducteur en anglais des Mille et une Nuits s’est intéressé aux Mormons et lors de son seul voyage aux Etats-Unis s’est déplacé jusqu’en Utah pour leur rendre visite. Il a passé le mois de septembre 1860 dans la Cité des Mormons à une époque où ils pratiquaient encore librement et publiquement la polygamie. Ce qui l’émoustille bien sûr, lui qui s’est toujours passionné pour les choses du sexe. Il rencontre aussi le prophète Brigham Young et les deux hommes s’apprécient.
Fawn Brodie a découvert Burton lorsque l’éditeur lui a demandé d’introduire son livre sur les Mormons. Il faut dire qu’ancienne Mormonne elle-même, elle a écrit un livre remarquable sur son fondateur : No man knows my history : the life of Joseph Smith, the Mormon Prophet , Alfred Knopf, New-York, 1995 (pour la dernière edition. La première date de 1945). Elle a été tellement éblouie par Burton qu’elle lui a également consacré une bio : Un diable d’homme : sir Richard Burton ou le démon de l’aventure , avec une préface de Michel Le Bris, Phébus, 1992 (l’édition originale anglaise date de 1967).
N° 4266 Jon Krakauer : Sur ordre de Dieu - Double meurtre au pays des Mormons , Presses de la Cité, 2018
Une histoire de Mormons. Réflexion sur la crédulité humaine.En principe le sujet principal du livre de Krakauer est un horrible fait divers, l’égorgement au couteau de boucher par deux frères de la femme du plus jeune de leurs frères et de son bébé de 15 mois. Le père du clan, Watson Lafferty, et sa femme Claudine avaient élevé leurs six garçons et leurs deux filles dans la religion mormone la plus stricte. Krakauer essaye de comprendre leur psychologie et étudie plusieurs groupes de Mormons fondamentalistes.
Voir mon Bloc-notes 2018 : Les Mormons, les religions et l'Amérique.
N° 3614 Cyril Vesper : The Mind Benders , Neville Spearman, Londres, 1971
Etude de la scientologie par un insider qui y passé 14 ans de sa vie. Les méthodes de brainwashing. Avec photographies.