Voyage autour
de ma Bibliothèque

Liste 68 : Histoire mondiale contemporaine (première partie du XXème siècle)

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Grammaire des Civilisations


N° 1887 Fernand Braudel :  Grammaire des Civilisations , préface de Marcel Aymard, Arthaud/Flammarion, 1987 (relié toile)

Voilà un livre bien difficile à classer. Il s’agit pourtant d’Histoire. Et beaucoup d’Histoire contemporaine. Et de toute façon voilà un livre plutôt génial. Et qui parle bien plus de civilisations mondiales que de la civilisation européenne.


Amérique du Nord

Socialisme américain

N° 1596 et 1597 Donald Drew Egbert and Stow Persons :  Socialism and American Life , deux volumes, Princeton University Press, New-Jersey, 1952 (hard cover et dust jacket)

C’est l’œuvre d’un groupe d’auteurs sous la direction d’Egbert et Persons. Egbert était Professeur d’Art et Archéologie à Princeton. Persons Professeur d’Histoire à l’Université d’Iowa.


N° 1563 B. O. Flower :  Progressive Men, Women and Movements of the past 25 years , The New Arena, Boston, 1914 (hard cover)

Flower était le fondateur de la Revu et Maison d’éditions socialiste Arena.

 

N° 2282 Ralph Chaplin :  Woobly - The rough and tumble story of an American Radical , University of Chicago Press, Chicago, 1948 (hard cover)

C’est l’autobiographie d’un Wobbly authentique. Un Wobbly est un membre de la IWW (Industrial Workers of the World). C’est un mouvement qui s’est séparé du syndicat socialiste American Federation of Labor (en 1907 je crois) et est devenu beaucoup plus radical (grèves dures, manifestations violentes, sabotages, etc.). Il faut dire qu’ils avaient en face d’eux un capitalisme encore plus violent (répressions très dures, tueries, les fameux Pinkerton, etc.). Personne ne connaît l’origine exacte du terme Wobbly. La légende veut qu’un restaurateur chinois lors d’un congrès de la IWW à Vancouver et qui devait nourrir les délégués gratuitement demandait à chacun s’il était de la Aye Wobby Wobby. Et que les délégués, amusés, ont adopté le mot. 


N° 2020 Philip S. Foner :  History of the Labor Movement in the United States, Vol. I , International Publishers, New-York, 1947 (hard cover et dust jacket)

Sous-titre :  From colonial Times to the founding of the American Federation of Labor  (le grand syndicat américain). Foner est le grand historien du socialisme américain et le biographe de Jack London. Il était Professeur d’Histoire au College of the City of New-York et Membre du History Department de la Jefferson School of Social Sciences à New-York.


N° 2577 Philip S. Foner :  History of the Labour Movement in the United States, Vol. II : 1880-1900 , International Publishers, 1955  (hard cover)

Sous-titre :  From the founding of the AFL to the emergence of American Imperialism .


N° 2395 Philip S. Foner :  History of the Labour Movement in the States, Vol. VII :   Labour and World War I -  1914-1918 , International Publishers, New-York, 1987 (hard cover)  

N° 2414 Philip S. Foner :  Business and Slavery , University of North Carolina Press, Chapel Hill/Londres, 1941 (hard cover)

Sous-titre :  The New-York Merchants and the irrepressible conflict . Thèse universitaire à Columbia.


N° 2513 Philip S. Foner :  Jews in the American History – 1654 – 1865 , International Publishers, New-York, 1945 

N° 2019 Ray Ginger :  The Bending Cross ,  a Biography of Eugene Victor Debs , Rutgers University Press, New-Brunswick, USA, 1949 (hard cover)

Thèse de l’Université du Michigan. Excellente biographie de Debs


N° 2077 David Karsner :  Debs, his authorized Life and Letters , Boni and Liveright, New-York, 1919 (1 ère  édition) (hard cover)

Biographie autorisée par Debs en prison. 


N° 2076 E. V. Debs :  Walls and Bars , Socialist Party, Chicago, 1927 (1 ère  édition)

Publication dédiée de manière touchante par Theodore Debs à son frère mort.  Et aussi à toutes « les victimes d’un système cruel et inhumain »


E. V. Debs, le Président du Parti socialiste américain qui s’était présenté plusieurs fois aux élections présidentielles, était descendant d’Alsaciens. Ses parents étaient originaires du Haut-Rhin, étaient partis après la Révolution de 1848 et c’est le père d’E. V. Debs, grand admirateur de Victor Hugo et d’Eugène Sue (qui était considéré à l’époque comme un écrivain socialiste), qui a donné ces deux prénoms de Victor et d’Eugène à son fils. Jack London a écrit  Le Rêve de Debs  (voir N° 2095 Jack London :  The Dream of Debs, A story of industrial revolt , édit. Charles  H. Kerr & Company, Cooperative, Chicago, s. d., probablement 1909. Voir Liste 41  Littérature anglophone et d’aventures : Jack London ) et qui décrit une grève générale, totale, qui paralyse tout le pays et met à genoux le capitalisme américain ! C’est en 1905 que Debs a remplacé De Leon à la présidence du parti. C’est un leader qui a beaucoup de magnétisme, est un brillant orateur et d’une infatigable énergie. C’est l’époque lors de laquelle le parti socialiste américain commence à obtenir une certaine résonance. C’est aussi l’époque de l’engagement de Jack London dans la bataille (avec  War of the Classes  pour commencer, voir Liste 41). Debs s’est opposé à l’entrée en guerre des Etats-Unis lors de la première guerre mondiale ce qui fait que le Président de l’époque le fait mettre en prison (d’où le titre :  Walls and Bars  de ses écrits de prison)


Pour Jack London socialiste, E. V. Debs et le socialisme américain voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : Ecrivains rebelles : Jack London.


N° 2829 Carey McWilliams :  Ill fares the Land – Migrants and Migratory Labor in the United States , Little Brown & Cy, Boston, 1942 (1ère édition. Review Copy. Hard cover et dust jacket)

Travailleurs agricoles migrants  


Europe

Bagnes français

N° 2551 Georges Darien :  Biribi , Jérôme Martineau, Paris, 1966

Par l’auteur du  Voleur 


N° 3018 Albert Londres :  Au Bagne , Albin Michel, 1932 (nouvelle édition) (demie-percaline à coins)

Par le grand journaliste Albert Londres qui a obtenu la suppression du bagne


Histoire globale européenne du XXème siècle

N° 3702 Geert Mak :  Voyage d’un Européen à travers le XXème siècle , Gallimard, 2007

Geert Mak est un journaliste et écrivain hollandais. Son livre a été publié aux Pays-Bas en 2004 et a tout de suite connu un succès considérable. Il raconte toute l’histoire européenne depuis l’exposition de Paris de 1900 jusqu’aux ruines de Sarajevo. Il le fait tout en voyageant à travers l’Europe d’aujourd’hui. C’est vivant, bien plus agréable à lire qu’une étude d’historien, d’autant plus qu’il émaille son récit d’interviews de gens qui se souviennent. Mais en bon journaliste il a tendance à chercher quelquefois le sensationnel et à exagérer certains chiffres. Ce qui est aussi appréciable chez Mak ce sont ses nombreuses références bibliographiques qu’il mentionne et commente dans son texte, comme le récit du tonnelier Louis Barthas, la fameuse étude sur Pie XII et les compromissions de l’Eglise catholique avec le fascisme de l’Américain Cornwell, le récit de « l’étrange défaite » (de la France en 40) de Marc Bloch, suivi par « l’étrange victoire» » (de Hitler) d’Ernest May et les carnets passionnants tenus au jour le jour par cet intellectuel juif, professeur d’université, marié à une non-juive, Victor Klemperer, et qui est resté en Allemagne pendant toute la période hitlérienne de 1933 à 1945 et puis encore sous le régime stalinien de l’Allemagne de l’Est jusqu’en 1959 (Victor Klemperer est surtout connu pour son étude toute philologique de la langue du IIIème Reich).


N° 3437 Eric J. Hobsbawm :  L’Âge des extrêmes - Histoire du court XXème siècle 1914 - 1991 , Editions Complexe, Paris, 2003 (l’édition originale anglaise date de 1994).

N° 3438 Mark Mazower :  Le Continent des Ténèbres – Une Histoire de l’Europe au XXème siècle , Editions Complexe, Paris, 2005

Les deux Anglais n’ont pas du tout la même vision de cette histoire. Pour Mazower le fil rouge du XXème siècle européen a été la rivalité entre trois idéologies : la démocratie libérale, le communisme et le fascisme. Alors que pour Hobsbawm, dit Mazower dans une interview accordée au Monde lors de la parution de son livre en français, « le moteur du siècle a été la lutte entre communisme et capitalisme ». Car, dit-il encore, « il tend à considérer l’extrême-droite comme une déviation du capitalisme ».

C’est que Hobsbawm est ce que l’on appelle un historien marxiste. Hobsbawm n’oublie pas le fascisme, dit Mazower. Comment le pourrait-il, lui qui a connu l’Europe centrale entre les deux guerres ? Et c’est vrai : Hobsbawm raconte comment, à l’âge de 15 ans, sortant de l’Ecole, à Berlin, accompagné de sa petite soeur, il est tombé sur la une des journaux annonçant le 30 janvier 1933 la nomination de Hitler au poste de chancelier. Mais s’il est vrai que le fascisme s’est facilement accommodé du capitalisme, dit encore Mazower, il n’en est pas moins une idéologie spécifique. Sur ce point c’est bien sûr Mazower qui a raison. Il n’y a rien d’étonnant que le capitalisme allemand se soit arrangé avec le nazisme. Le capital, la bourgeoisie, en un mot les riches, ont toujours eu un faible pour les régimes autoritaires qui leur permettaient d’asseoir leur emprise sur ceux qu’ils exploitaient. Et le fascisme était un régime autoritaire par excellence puisqu’il était même totalitaire. Mais il n’empêche qu’il s’agissait là d’une idéologie tellement spécifique que de vrais spécialistes comme Robert Paxton considèrent que seuls les systèmes de Mussolini et de Hitler pouvaient être appelés fascistes. Et que pour beaucoup de ceux qui y ont adhéré il s’agissait d’un idéal. Un faux idéal, comme on peut parler d’une fausse religion, d’une fausse croyance, mais un idéal quand même. « Le fort pouvoir d’attraction du fascisme, dans les années 30 », dit Mazower, « s’explique par son idéal d’une communauté nationale galvanisée par le militarisme et l’égalitarisme ». Et il insiste sur le nationalisme. C’est lui qui a joué un rôle majeur, dit-il encore. Capable d’intégrer ceux qui s’identifient avec la vraie Nation dans un Etat-Providence, de plus en plus centralisé et finalement totalitaire ; et d’exclure ceux que l’on considère comme un corps étranger, les discriminer, les interner, les expulser, et finalement les éliminer physiquement. Dans mon esprit, et dans ce que je retiens de l’expérience européenne du XXème siècle, nationalisme et racisme sont liés.


Première guerre mondiale

N° 3722 Louis Barthas :  Les Carnets de Guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914 – 1918 , La Découverte, Paris, 2003

Barthas commence par évoquer ce roulement du tambour qui rompt le silence de l’après-midi du 2 août 1914 sur la place de son village, et la voix tonitruante de l’appariteur qui annonce « le plus effroyable cataclysme qui eût jamais affligé l’humanité, après le déluge, le plus grand des fléaux, celui qui engendre tous les maux: il annonçait la mobilisation générale, prélude de la guerre, la guerre maudite, la guerre infâme, déshonorante pour notre siècle, flétrissante pour notre civilisation dont nous étions si orgueilleux ». Mais cette annonce, dit-il encore, «à ma grande stupeur, souleva plus d’enthousiasme que de désolation».

Il faut dire que Barthas était naturellement antimilitariste et pacifiste. Qui était-il ? Un simple ouvrier agricole, devenu tonnelier et propriétaire de quelques lopins de vigne (dans l’Aude), complètement autodidacte, ayant énormément lu, syndicaliste et socialiste, et déjà âgé de 35 ans en 14. Il reste sous les drapeaux du 4 août 1914 jusqu’au 14 février 1919 et passe pratiquement toute la guerre sur le front, comme simple caporal dans l’infanterie. Dès le premier jour il prend des notes, n’importe comment, sur n’importe quel support (ses camarades  le savent: « il va témoigner de notre calvaire »), des notes qu’il exploite à son retour, en rédigeant, le soir, à la veillée, 19 carnets qui témoignent. Témoignent de la vie dans la boue, parmi les rats et les poux, des attaques criminelles de 1915 (haine de Joffre) face aux mitrailleuses, des fraternisations, des mutineries de 1917, et du mépris total des officiers supérieurs et de beaucoup de médecins militaires pour toute cette chair à canons à deux pattes. Un témoignage vrai, authentique, rare, écrit dans un français impeccable, dont ni l’humour ni la culture ne sont absents.


N° 3736 Rémy Pech et Jules Maurin :  1907 – Les Mutins de la République – La révolte du midi agricole , Privat, Toulouse, 2007

Cette révolte est importante car elle inclut la mutinerie d'un régiment, le 17ème d'infanterie de Béziers qu’on retrouve dans le récit de la 1ère guerre mondiale du tonnelier Louis Barthas.


Pour Geert Mak, Mazower, Hobsbawn et Louis Barthas voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : 1914-1945 : Les trente honteuses.


N° 4091 John Horne et Alan Kramer :  1914. Les Atrocités allemandes. La vérité sur les crimes de guerre en France et en Belgique , Tallandier, Paris, 2011

L’incroyable comportement de l’Armée allemande lors de l’invasion de la Belgique, puis de la Lorraine en août 1914 : plus de 5000 civils tués, plus de 14000 édifices brûlés. Les mythes des francs-tireurs et des mutilations.Ce sont deux historiens, professeurs au Trinity College de Dublin, John Horne et Alan Kramer, qui ont conduit une longue étude transnationale en fouillant les archives et les bibliothèques de 8 pays et en s’appuyant sur les institutions et historiens de tous les pays concernés. Elle a paru en anglais en 2001, en allemand en 2004 et en français en 2005. Les résultats de cette étude sont aujourd’hui indiscutables et indiscutés. Mais tout simplement effarants.

A propos de ces crimes de guerre voir mon Bloc-notes 2012Mythes et crimes de guerre. Aoüt 1914.


N° 3615 Wilfrid Trotter :  Instincts of the Heard in Peace and War, 1916 – 1919 , Oxford University Press, Londres, 1953 (hard cover et dust jacket)

Etude psychologique concernant l'instinct grégaire, écrite par un toubib renommé en 1919 et revue ultérieurement. Cité par Canetti dans sa  Masse und Macht . Trotter connaît et critique Freud. Très intéressant : l'instinct grégaire, d’après lui, est notre quatrième instinct après les trois instincts primaires : conservation, alimentation, sexe


N° 4129 Gustave Le Bon :  Premières Conséquences de la Guerre – Transformation mentale des peuples , Ernest Flammarion, 1916 (Reliure plein maroquin marron, plats à encadrements à fleurs, dos 5 nerfs orné, un des 10 ex. sur papier Japon, reliure attribuée à Lortic, envoi de Le Bon à Jacques Mariani)

Réflexions du Docteur philosophe Gustave Le Bon, théoricien de la psychologie des foules, sur la transformation des mentalités suite à la guerre de 14. Sous-titre : La perte des illusions – Changements de mentalité créés par la guerre – Formation de personnalités nouvelles – Evolution psychologique des divers pays – Le nouveau droit international – l’Europe pourra-t-elle éviter le militarisme ? – L’interdépendance des peuples facteur de paix.


Pacifisme

N° 2672 Louis Lecoin :  De Prison en Prison , édité par l’auteur, Antony, 1947

Anarchiste et objecteur de conscience célèbre. Journaliste au Canard Enchaîné après la deuxième guerre mondiale 


Bund 

N° 3789 Henri Minczeles :  Histoire générale du Bund, un mouvement révolutionnaire juif , Denoël, 1999

Henri Minczeles est un spécialiste des communautés juives d'Europe orientale et animateur de la bibliothèque Medem (du nom du principal théoricien du Bund). En 1897, au moment de la création du Bund, les juifs de la zone de résidence (ils appelaient cela le Rayon) à laquelle le gouvernement russe les avait cantonnés (et qui incluait la Pologne, la Lituanie et l’Ukraine) étaient au nombre de 5 millions. C’était alors la communauté juive la plus importante dans le monde. Avec les communautés de Galicie et de Bukovine qui faisaient partie de l’Empire austro-hongrois ils représentaient même 6 millions. Et 97% de cette population parlait le yiddish.Le Bund se voulait laïque, socialiste, mais aussi, dans une certaine mesure au moins, nationaliste. Ce nationalisme, tel que Medem le définit en 1904, exige la pleine égalité des droits civils et politiques, le droit d’utiliser sa langue, le yiddish, dans la justice et l’administration, et une autonomie locale et culturelle. Le Bund veut développer l’éducation et la culture au sein de ses membres. Et ce développement passe par le yiddish. Et la définition même du nationalisme passe par cette langue, selon le Bund. Le Bund considère que la communauté juive constitue une nation, une nation pas seulement définie par son histoire et sa religion mais aussi par ses particularités culturelles en général et sa langue. Une nation qui a le droit de vivre, en parfaite égalité de droits avec les autres nationalités, sur la terre où elle vit depuis des siècles et où elle a travaillé et pris sa part dans son développement économique. C’est encore un terme yiddish amusant qui définit cette conception d’enracinement : la Do-i-kayt (ou do-isme, do signifie en yiddish comme en alsacien : ici, ici et pas ailleurs, surtout pas en Palestine). Ce qui fait que le Bund est tout de suite antisioniste.

Le Bund se développe très rapidement, participe en 1898 à la création du parti ouvrier social-démocrate russe, crée des caisses de solidarité et de soutien (pour les grévistes), des bibliothèques pour les ouvriers (pour leur éducation), mène un véritable combat culturel en se basant sur la langue yiddish, défend une morale laïque (ainsi « le juif n’est plus écrasé par la volonté divine mais prend conscience de sa propre valeur », dit Minczeles), prône l’égalité des sexes, participe aussi à la création de cercles d’autodéfense contre les pogromes (qui avaient recommencé au cours des années 1902 et 1903, surtout en Bessarabie) et dès 1903 le Bund qui s’appelle maintenant Union des ouvriers juifs de Russie, Pologne et Lituanie, compte 30000 membres !

En 1917-18 le Bund participe à la Révolution russe. Mais après la Révolution d’octobre Lénine et Staline abolissent tous les privilèges nationaux et religieux (ce qui va être le début de la liquidation de la religion, de la culture et de la langue juives). Le Bund survit alors en Pologne, malgré le régime de plus en plus autocritique et antisémite des Colonels. Il gagne les élections municipales avec le Parti socialiste polonais en 1938. Puis c’est l’invasion allemande. Il participera au soulèvement du ghetto de Varsovie. Après la guerre, en 1948 la Pologne, devenue communiste, l’interdit. C’est la fin… 

Pour l'histoire du Bund voir mon Bloc-notes 2008Le Bund et le yiddish.


La Naissance du XXème siècle (Vienne, Modernité, etc.)


N° 1901 Carl E. Schorske :  Vienne, fin de siècle - Politique et Culture , édit. Seuil, Paris, 1983.

N° 3031 Carl E. Schorske :  De Vienne et d’ailleurs – Figures culturelles de la Modernité , Fayard, 2000

Carl Schorske est professeur émérite à l’Université de Princeton. Son  Vienne fin de siècle  est devenu un must pour tous ceux qui étudient ce moment de notre histoire. L’éditeur, en présentant cet ouvrage, affirme que Vienne, à la fin du 19ème siècle, « a enfanté dans l’affranchissement de la morale et de la tradition, dans la dissolution des valeurs bourgeoises, quelque chose de radicalement nouveau : rien moins que le monde contemporain » ! Et dans son deuxième ouvrage consacré à Vienne Schorske revient encore une fois sur ce thème dans les chapitres intitulés :  La grâce et le mot, les deux cultures de l’Autriche et leur destin moderne  et  Tension entre générations et changement culturel . Le passage à la modernité à Vienne n’était pas une simple opposition des fils contre les pères, dit-il, mais une véritable rupture. On voulait tourner définitivement le dos au passé. S’affranchir de l’histoire. Cauchemar pour l’historien qu’il est.

Il faut relativiser tout cela. En fait la véritable nouveauté qui va marquer le siècle commençant c’est la place faite au psychisme, à l’inconscient, à l’irrationnel. La véritable rupture elle est chez Freud. On la retrouve en politique, dans la manifestation et la manipulation des masses et aussi dans la littérature.


N° 2008 Claudio Magris :  Le Mythe et l’Empire dans la littérature autrichienne moderne , L’Arpenteur/Gallimard, 1991

C’était à l’origine une thèse datant de 1963 écrite par Claudio Magris à l’âge de 24 ans. Magris est un de ces Triestins qui ont illustré la littérature italienne. Et c’est étrange de voir un Triestin célébrer le mythe des Habsbourg alors que Trieste a été à son tour un mythe pour les Italiens. Pour Magris l’ancienne civilisation de l’Empire - du moins sous sa forme mythique - a trois facettes : supranationalité - bureaucratie - joie de vivre. Mais son premier caractère est son immobilisme.« C’était l’âge d’or de la sécurité », écrivait Zweig. Tout est immobile : la dynastie des Habsbourg, la plus ancienne d’Europe, est millénaire. La ville de Vienne avait deux mille ans. Elle avait vu passer les Nibelungen, avait arrêté les Turcs, avait recueilli tous les génies de la musique classique. « Tout semblait fondé sur la durée », dit Zweig encore, « et l’Etat lui-même paraissait le suprême garant de cette pérennité ». Or c’est l’immobilisme politique qui est à la base de cette mentalité bureaucratique, dit Magris.


N° 1900 Istvàn Bibo :  Misère des petits Etats d’Europe de l’Est , Albin Michel, 1993

Cet ouvrage est en fait constitué de 4 études :  Les raisons et l’histoire de l’hystérie allemande  -  Misère des petits Etats de l’Europe de l’Est  (c’est une étude des trois Etats historiques: Pologne, Bohème et Hongrie) -  La question juive en Hongrie après 1944  -  La déformation du caractère hongrois et les impasses de l’histoire de la Hongrie . Bibo a écrit ces études entre 1942 et 49 avant la prise du pouvoir en Hongrie par les Staliniens.

Dans son étude sur le drame des Etats de l’Europe de l’Est Bibo revient d’abord sur la naissance des nations. Il montre que celles-ci ne sont pas nées avec la Révolution française. Mais c’est bien au moment de la Révolution que les nations qui étaient auparavant essentiellement représentées par les aristocraties deviennent la propriété des bourgeois et du peuple. Et c’est ainsi que le sentiment national devient un sentiment de masse.Bibo montre qu’il y avait trois Etats historiques dont l’origine était déjà ancienne : Pologne, Bohème et Hongrie. Le problème avec ces Etats c’est qu’ils n’existaient plus au début du XXème siècle : ils sont tous fondus partiellement ou totalement dans l’Empire des Habsbourg. Ils ont été souvent démembrés au cours de l’histoire par les grands: Tsar de Russie, Sultan ottoman, Empereur d’Autriche. Le pire était le cas de la Pologne, dépecée au moins 4 ou 5 fois. Bibo dit qu’elle était en fait composée de deux parties, l’une entièrement peuplée de Polonais, l’autre russo-lithuanienne où seuls les grands propriétaires étaient polonais. La Bohème a connu depuis fort longtemps la présence de colons allemands et la concurrence entre les deux ethnies s’était transposée sur le plan culturel.Bibo qui voit tous ces problèmes en philosophe de l’histoire trouve un dénominateur commun entre Polonais, Tchèques et Hongrois. Privés d’un Etat autonome ils veulent retrouver leur Etat tel qu’il existait dans l’histoire. Leur nationalisme politique devient nationalisme linguistique pour ne pas dire ethnique. Ils veulent récupérer les territoires extérieurs qui parlent leur langue mais en même temps ils veulent conserver les territoires intérieurs où vivent des ethnies qui parlent d’autres langues. En plus les idées démocratiques d’Europe de l’Ouest n’ont que faiblement pénétré ces pays. Quant à la paysannerie elle vit encore dans une situation de quasi-servage. Enfin sur le plan culturel seuls les Tchèques sont au même niveau que l’Occident.

Bibo n’est pas seulement historien mais aussi un philosophe de l’Histoire. Et c’est là qu’il est fascinant. Quand il parle de l’Allemagne. Et développe ses idées sur « l’hystérie communautaire ». Pour Bibo il n’y a aucun doute qu’il existe chez les Allemands une attitude « hystérique » à l’égard de la communauté européenne (rappelons qu’il écrit à un moment où Hitler est encore au pouvoir) et qui d’après lui a existé d’une manière presque continue depuis 1871 jusqu’à la deuxième guerre mondiale. Mais cette mentalité politique n’est pas d’origine biologique mais historique. Et ces antécédents historiques, toujours d’après Bibo, remontent bien au-delà de Versailles : elles commencent même plusieurs siècles plus tôt.Que dit Bibo ? C’est à la fin du XVIIIème siècle que l’on assiste en Europe à une démocratisation des sentiments communautaires. Des états d’âme apparentés à ce qu’on appelle névroses ou hystéries apparaissent alors dans la vie de nations entières. Mais on ne peut vraiment parler d’hystérie politique ou communautaire que lorsqu’un état durable de peur collective s’est emparé des masses à la suite d’un grand traumatisme historique (écroulement de prestiges politiques, défaite militaire, occupation étrangère, révolution, etc.) et que cette peur conduit à l’irréalisme tant dans la perception de soi-même que du monde extérieur et à une impasse, une incapacité de résoudre les problèmes politiques qui se posent.

Premier traumatisme : 1806. Napoléon déclare ne plus reconnaître l’Empire et réunit à Paris les princes-électeurs de Bavière et de Wurtemberg - auxquels il confère le titre de rois - et quatorze autres princes qui créent la Fédération du Rhin, se détachent du dit Empire et se mettent sous la protection de la France. Et François II qui avait déjà pris le titre d’Empereur d’Autriche en 1804 renonce à son titre d’Empereur d’Allemagne et prononce solennellement la dissolution du Saint Empire romain et germanique. Le deuxième traumatisme est l’échec de 1848. L’Allemagne va chercher la solution dans la puissance militaire. L’Allemagne va se prussifier. C’est la Prusse qui va faire l’Allemagne. Par la guerre si possible. La catastrophe de 1870 est prévisible. Prévisible aussi que la Prusse qui n’a toujours pas digéré l’humiliation napoléonienne, ni le fait qu’elle n’a pas pu se venger de la France en 1814 (les autres alliés ne voulaient pas que l’on enlève des territoires à la France ni qu’on lui impose des compensations financières trop lourdes et le brillant Blücher rongeant son frein n’a réussi qu’à récupérer au Louvre les oeuvres d’art que Napoléon avait ramenées de Berlin), ne raterait pas la prochaine occasion.


Pour Schorske, Magris, Bibo et la Cacanie, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : Vienne, capitale de la Cacanie. Et à propos des idées de Bibo sur l'hystérie communautaire de l'Allemagne, voir aussi mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Quelques éléments d'Histoire alsacienne.


N° 2628 et 2629 Oswald Spengler :  Der Untergang des Abendlandes - Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte , édit. C. H. Beck, Munich, 1927 (Belle édition sur grand papier, reliure demi-maroquin vert. La première édition date de 1917)

Livre célèbre ( le déclin de l’Occident ) qui a servi à beaucoup d’interprétations différentes.




Socialistes allemands


N° 2524 à 2526 August Bebel :  Aus meinem Leben , trois tomes, Verlag J. H. W. Dietz Nachf. Stuttgart, 1910 (ex-libris de la Bibliothèque d’Auguste Lambiotte)

Autobiographie (malheureusement arrêtée en 1910 avant la guerre de 14 et la suite) d’un grand leader socialiste allemand. Voir aussi son essai sur  la Femme et le socialisme .


N° 2840  Die Russische Revolution, eine kritische Würdigung  - aus dem Nachlass von Rosa Luxemburg, herausgegeben und eingeleitet von Paul Levi, édit. Verlag Gesellschaft und Erziehung, Berlin-Fichtenau, 1922

N° 4546 Rosa Luxemburg :  Briefe aus dem Gefängniss , Verlag der Jugendinternationale, Berlin/Schönberg, 1922 (avec portrait et fac-simile d’un extrait de lettre)

C’est grâce à la guerre, grâce aux soldats révoltés et démoralisés que la Révolution de 1917 a pu établir cette fameuse dictature du prolétariat. Une dictature du prolétariat dans un pays où ce prolétariat ne représentait rien par rapport à la population totale. Une dictature du prolétariat qui était la cause originelle de tous les malheurs à venir, des koulaks jusqu’au goulag. Une dictature du prolétariat que Rosa Luxembourg, de sa geôle, peu de temps avant sa mort, condamnait avec amertume et lucidité.


Communisme soviétique

N° 2656 Ferdinand Ossendowski :  Lenin , Sieben-Stäge Verlag, Berlin,1930 (1 ère  édition)

N° 2790 F. A. Ossendowski :  Lénine , Albin Michel, 1932 (relié toile)

Traduction de l’édition allemande


N° 2911 Trotsky :  The Defense of Terrorism , The Labour Publication Cy/George Allen & Unwin, Londres, 1921


N° 2728 Leon Trotsky :  Stalin , traduit, complété et annoté par Charles Malamuth, Hollis & Carter Ltd., Londres, 1947

Livre inachevé au moment de l’assassinat de Trotsky le 20 août 1940


Pour la vie et les écrits de Trotski, voir mon Bloc-notes 2019Leonardo Padura, Trotski et Ramon Mercader.


N° 1570 John Steinbeck :  A Russian Journal , Viking Press, New-York, 1948 (Avec photo de Steinbeck par Robert Capa).



Fascisme italien

N° 3674 Jean Alazard :  Communisme et « Fascio » en Italie , introduction de Jean Bourdeau, Bossard, 1922

Etat de la confrontation entre communisme et fascisme en Italie juste avant l'avènement de Mussolini. On ne sait qui est Jean Alazard. Certainement un bon connaisseur de l’Italie, il est de toute façon intéressant de découvrir ce qu’en dit un témoin de l’époque plutôt que de toujours suivre le discours des historiens. Alazard relate l’histoire politique depuis la fin de la guerre jusqu’à la fin de l’année 1921. On voit les gouvernements se succéder, dirigés en général par un bourgeois libéral, et on voit la violence, les combats de rues, souvent meurtriers, et pourtant on espère encore que les choses vont s’arranger. « Il suffirait que les deux partis antagonistes (c. à d. fascistes et communistes) missent fin à leurs combats meurtriers pour que l’Italie reprît son essor d’avant la guerre », dit-il en conclusion. Il trouve d’ailleurs que sur le plan économique les choses vont déjà beaucoup mieux. On vit déjà mieux qu’en 18 et 19. « Il n’y a guère que ce point noir : le duel fasciste-communiste ». Et Jean Bourdeau conclut son introduction avec ce vœu : « que le gouvernement ait l’énergie de mettre à la raison ses extrémistes de gauche et ses forcenés de droite... et de soustraire l’opinion publique à l’influence des fascistes, afin qu’elle cesse de rendre la France responsable des déceptions de notre soeur latine et d’en faire une soeur ennemie ». Vœu pieux !


N° 2939 Pierre Milza :  Mussolini , Fayard, 1999

Le fascisme est né en Italie. Le mot et la chose. Mais on ne peut pas dire que Mussolini soit un pur produit de la guerre de 14. Il avait déjà eu une carrière de dirigeant politique avant la guerre: militant socialiste, Directeur du journal du Parti socialiste, l’Avanti, et même membre du comité directeur du Parti. Il avait déjà été séduit par les théories de Georges Sorel dont les  Réflexions sur la violence  avaient paru en Italie en 1909 et qu’il commente dans son journal. Ce Georges Sorel qui aura également influencé Maurras en France. Or les idées de Sorel vont influencer le fascisme naissant. Milza les rappelle : « haine du capitalisme financier (mais non industriel), goût de l’action et de la violence, exaltation de la morale des producteurs, rejet de la démocratie parlementaire et mépris pour le socialisme timoré des réformistes ». Il ne reste plus qu’à ajouter le nationalisme. Sorel aurait confié à un ami, toujours d’après Milza, qu’il considérait Mussolini comme un homme politique d’exception. « Ce n’est pas un socialiste à la sauce bourgeoise », dit-il en 1921. « Il n’a jamais cru au socialisme parlementaire; il a une extraordinaire capacité de comprendre le peuple italien, et il a inventé quelque chose qui n’est pas dans mes livres: l’union du nationalisme et du social ».

Comme Hitler plus tard Mussolini aura pris le pouvoir le plus légalement du monde. Et comme pour Hitler les partis démocratiques portent une lourde responsabilité dans cette histoire. On notera que la prise de pouvoir par Mussolini a été beaucoup plus rapide que celle de Hitler. Elle aura été aussi beaucoup plus sanglante. Milza donne la liste de toutes les maisons du peuple, les imprimeries, les bourses de travail, les coopératives, les ligues agraires et les sections socialistes détruites et parle de plusieurs centaines de victimes. Une fois arrivé au pouvoir par contre le régime est bien moins sanglant que celui de Hitler. Et même si le terme totalitaire a été inventé par un opposant italien Mussolini n’a pas besoin d’instaurer un régime aussi totalitaire que Hitler ou Staline. Car il peut compter, au moins pendant un certain temps, sur la collaboration de la société italienne, dit Paxton, le spécialiste américain du fascisme, « une société dans laquelle la famille, l’Eglise, la monarchie et le notable de village détenaient des pouvoirs à peu près inamovibles ». Finalement ce qui a perdu Mussolini c’est sa mégalomanie, ses expéditions coloniales aventureuses (et vraiment racistes), et puis la perte complète de sa vista dans sa politique extérieure et sa fascination pour Hitler.

Pierre Milza est un historien remarquable. Il a d’ailleurs publié bien d’autres études qui concernent l’Italie et ses relations avec la France ainsi que des ouvrages consacrés au fascisme en général. L’intérêt de son  Mussolini  est de montrer - ce que l’on avait un peu tendance à négliger sous l’influence des théories marxistes et déterministes - l’importance des hommes dans la genèse des événements historiques. Et on s’aperçoit que l’on pourrait appliquer à Mussolini le même qualificatif que celui que Kershaw attribue à Hitler : le charisme. D’ailleurs Paxton considère que c’est la meilleure biographie de Mussolini parue en français : « ouvrage bien informé, équilibré et profond », dit-il.


Pour Mussolini et le fascisme italien voir également mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : 1914-1945. Les trente honteuses.



Nazisme et Avènement d’Hitler

N° 3657 George L. Mosse :  Les Racines intellectuelles du IIIème Reich. La Crise de l’Idéologie allemande , Calmann-Lévy, Paris, 2006

L’historien américain George Mosse, professeur d’histoire à l’université de Wisconsin, explique le véritable mysticisme nationaliste - qui pour lui a préparé le chemin au nazisme - par le développement de l’idéologie völkisch (de Volk, le Peuple).Cette pensée völkischthéorisée par des penseurs obscurs et fumeux (Julius Langbehn, Paul de Lagarde) contenait effectivement quelque chose de nocif : le mysticisme des racines, de la terre, du sang allemands, l’importance prise par la race et l’antisémitisme qui y est lié. J’ai d’abord été sceptique et ai eu du mal à suivre Mosse tellement cette « pensée » paraît utopique et chimérique, détachée de toute réalité sociale, humaine, économique. Et puis j’ai découvert que Fritz Stern (voir plus loin) était du même avis que Mosse. « Dans l’Allemagne républicaine un millier d’enseignants qui dans leur jeunesse avait voué un culte à Lagarde et Langbehn furent aussi importants dans le triangle du nazisme que les milliers de marks putatifs que Hitler aurait recueillis auprès des magnats allemands », dit Stern. Il faut dire que Stern avait consacré une étude à ces deux personnages, Paul de Lagarde (1827 - 1891) et Julius Langbehn (1851 - 1907) ainsi qu’à un troisième, tout aussi douteux, Arthur Moeller van den Bruck (1876 - 1924), inventeur du terme 3ème Empire ( Das dritte Reich , paru en 1923). Son étude publiée en 1961 était intitulée :  The Politics of Cultural Despair, a Study in the Rise of German Ideology . Ces trois hommes, dit-il, détestaient l’Allemagne de leur époque. Ce qu’ils décrivaient était une  forme particulière de pessimisme culturel. Leur ennemi était le libéralisme démocratique. « J’éprouvais à l’égard de ces trois personnages, une véritable et profonde répulsion ».


N° 2306 Ian Kershaw :  Hitler, Essai sur le charisme politique , NRF, 1995

Les études qui retracent l’histoire d’Hitler et de l’hitlérisme sont innombrables. J’aime beaucoup la façon dont l’historien anglais Ian Kershaw traite le sujet et je le trouve particulièrement convaincant. Il rappelle d’abord que cette histoire reste une énigme. Certains historiens de formation marxiste cherchent à l’expliquer par des raisons économiques (forme extrême du capitalisme), d’autres l’incluent dans l’histoire plus générale du totalitarisme (mais comment expliquer cet aspect raciste si important dans le dogme nazi ?), d’autres, les libéraux, rejetant toute argumentation marxiste, expliquent tout par la personnalité de Hitler, seul responsable de tout, de la guerre comme du génocide. Mais comment concilier une telle assertion avec ce que l’on a dit de l’individu en question : un petit caporal minable, artiste raté, déclassé social, tribun de brasserie ? 

Ce pouvoir Hitler n’a pu l’acquérir que parce que les Allemands avaient vu quelque chose de spécial dans cet homme. Pour l’expliquer Ian Kershaw fait appel à une notion qu’il emprunte à Max Weber, le pouvoir charismatique. L’autorité charismatique selon Weber, dit Kershaw, n’est pas stricto sensu liée aux qualités inhérentes à un individu, mais « caractérise une forme de domination politique fondée sur les perceptions d’un groupe de partisans convaincus de l’héroïsme, de la grandeur et de la mission d’un chef proclamé ». Pour que le chef soit crédible il faut d’ailleurs que lui-même soit intimement persuadé qu’il est destiné à remplir une mission, ce qui est évident dans le cas de Hitler. Mais son pouvoir émane des espoirs placés en lui.L’autorité charismatique selon Weber est instable. Elle est détruite soit parce que les attentes que l’on a placées en elle ne sont pas remplies, soit tout simplement qu’elle perd en dynamique, qu’elle s’installe dans la routine. Alors, comment échapper à la routine, une fois au sommet de l’Etat ? En faisant la guerre…


N° 1903 Adolf Hitler :  Mein Kampf , édition non expurgée à l’usage des Français, édit. « France », Alger, 1943.

 

N° 1904 Marlis Steinert :  Hitler , Fayard, 1991

Ce qui est intéressant chez Marlis Steinert c’est qu’elle décrit l’influence importante qu’ont eue sur l’Autrichien Hitler deux politiciens de la défunte Cacanie : le chevalier Georg von Schönerer et le maire de Vienne Karl Lueger. Hitler avait déjà lu les écrits de Schönerer quand il se trouvait encore à Linz. Or « Schönerer fut l’antisémite le plus violent et le plus conséquent que l’Autriche eût jamais produit » dit Schorske. Schönerer était issu du parti libéral mais a créé en 1881 une association nationaliste austro-allemande qui va s’opposer violemment à son ancien parti. Il ne s’oppose d’ailleurs pas seulement au libéralisme et au socialisme mais aussi au capitalisme, au catholicisme et aux Habsbourg. Aujourd’hui on appellerait cela du populisme. Le ciment de tout cela ? L’antisémitisme. Avec une agressivité que l’on n’avait jamais connue auparavant dans ce pays. Il séduit les artisans frustrés en attaquant leurs concurrents les colporteurs juifs. Il attire de la même façon les paysans : le juif est « le vampire suceur de sang qui frappe à la lucarne du paysan et de l’artisan allemands ». Et il séduit les étudiants par son pangermanisme, un pangermanisme qui n’était plus démocratique comme en 1848, mais de plus en plus de droite et même d’extrême-droite et opposé à l’Empire des Habsbourg. Car le nationalisme jusqu’auboutiste de Schönerer ne pouvait se satisfaire du régime impérial. Schönerer a été le premier des fossoyeurs de l’Empire austro-hongrois. Mais l’influence qu’il a exercée sur Hitler tant par son programme que par son  ton agressif est évidente. Il suffit de changer anti-Habsbourg en anti-Weimar, dit Marlis Steinert, pour retrouver le « programme » hitlérien de 1920. D’ailleurs Hitler reconnaît la filiation.

Marlis Steinert reprend une longue citation extraite de  Mein Kampf  qui concerne Schönerer et Lueger. Hitler considère que « Schönerer était un penseur meilleur et plus profond que Lueger »; qu’il « prévint mieux et plus clairement que tout autre la fin inévitable de l’Etat autrichien ». « Tout ce que le pangermaniste pensait était juste en théorie. Mais », dit-il encore, « si Schönerer pénétrait le sens profond des problèmes, il se trompait d’autant plus en ce qui concerne les hommes. C’était là la force du Dr. Lueger ». Celui-ci était « un rare connaisseur d’hommes ». « Cette connaissance profonde des hommes lui permit de porter un jugement exact sur les différentes forces, elle le préserva aussi de sous-estimer les institutions existantes, ce fut cette même qualité qui lui permit d’utiliser ces institutions comme moyen pour parvenir à ses fins ». En disant cela Hitler pense surtout à l’Eglise catholique. « Son attitude infiniment rusée à l’égard de l’Eglise catholique lui gagna en peu de temps le jeune clergé, au point que le vieux parti clérical se vit forcé de quitter le champ de bataille, ou bien, décision plus sage, de s’unir au nouveau parti pour regagner peu à peu ses anciennes positions ».

Tout est dit…


Pour l'idéologie völkisch et une tentative d'explication d'Hitler (influences, charisme, ascension, anti-sémitisme), voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : Vienne, Hitler et les Juifs.


N° 3721 John Cornwell :  Hitler's Pope - The secret History of Pius XII , Penguin Books, Londres/New-York, 2000 (le copyright est de 1999)

Pacelli avait déjà été nommé Nonce en Allemagne avant la fin de la grande guerre, en 1917. Le Vatican est alors persuadé que le meilleur moyen de sauver l’Eglise de toutes les idées modernes, républicaines, socialistes, etc., est de renforcer le pouvoir central. D’où le Code de lois canons (auquel Pacelli a travaillé pendant 13 ans), l’infaillibilité du Pape, l’affirmation de la suprématie du Pape sur les évêques  et... la signature de Concordats avec les Etats. Car un tel Concordat a plusieurs avantages aux yeux du Vatican : il traite directement avec les gouvernements par-dessus la tête des Eglises locales, les gouvernements reconnaissent implicitement qu’en matière de religion c’est le Code canonique qui s’applique et le Vatican peut étouffer dans l’oeuf toute tentative  des Eglises locales de s’aventurer sur le plan politique et de flirter - si l’on peut utiliser ce terme en matière d’Eglises - avec les idées socialistes. Bismarck n’en voulait pas, d’un tel Concordat. C’est le Kulturkampf ! Mais Hitler comprend tout l’avantage qu’il peut en tirer : le Concordat interdit strictement aux membres de l’Eglise de se mêler de politique ! Pacelli, une fois nommé Secrétaire d’Etat, va continuer de s’occuper directement des affaires allemandes, aidé en cela par Ludwig Kaas, un prêtre, élu chef du Parti catholique, le Zentrum, en 1928. Après les élections de mars 1933 Hitler, déjà Chancelier, veut une loi d’exception qui lui donne tous les pouvoirs. Or sans les voix du Zentrum Hitler n’aurait jamais pu obtenir son pouvoir dictatorial de manière constitutionnelle ! Et il n’aurait jamais eu ces voix sans l’intervention directe de Pacelli ! Hitler, grâce à ce vote, est arrivé au pouvoir de manière légale. Et on sait ce que cela veut dire pour une mentalité allemande! Cet aspect des choses va durablement handicaper la résistance allemande, que ce soit dans les milieux chrétiens ou dans l’armée.Dans la foulée du vote Pacelli et Kaas travaillent sur un texte de Concordat. Le 28 juin von Papen retourne à Rome pour finaliser le texte avec le paragraphe sur la « dépolitisation » rédigé par Hitler en personne. Cette fameuse clause, la clause 31 du traité, déclare que « étant donné les garanties offertes par le présent traité et la législation protégeant la liberté et les droits de l’Eglise catholique, le Saint Siège interdira à tous les membres du clergé et des congrégations religieuses toute activité politique partisane ». Le 2 juillet Kaas engueule au téléphone l’un des membres de l’aile gauche du Zentrum et exige la dissolution immédiate du Parti. Et le 4 juillet Brüning, le Président du Parti catholique, la mort dans l’âme, prononce sa dissolution. Le traité est formellement signé le 20 juillet au Vatican par von Papen et Pacelli.La signature de ce Concordat a eu une énorme répercussion non seulement en Allemagne mais en Europe.D’autant plus que dans la foulée eut lieu à Trèves une manifestation catholique monstre pour l’exposition publique de la « tunique du Christ ». Alors, se disent les catholiques de l’autre côté du Rhin, finalement, ce Hitler, il n’est pas si mauvais que cela. Il reconnaît la religion et l’Eglise le reconnaît ! Alors que Pacelli connaissait parfaitement les théories nazies exposées dans Mein Kampf ! Quant aux catholiques allemands on leur enlevait tous leurs moyens de lutte. Les associations catholiques étaient dissoutes (et c’était Hitler qui décidait ce qui était purement religieux et ce qui ne l’était pas). Quant aux évêques allemands ils étaient déresponsabilisés. C’était au Pape et à son Secrétaire d’Etat de mener la lutte si lutte devait être menée. Et pour les catholiques voilà qu’après être oint de la légalité constitutionnelle, Hitler reçoit encore la bénédiction de l’Eglise.

Plus tard, bien sûr, quand Pacelli est devenu Pie XII, le Vatican est parfaitement informé de l’extermination des Juifs dans les camps. Il ne réagira jamais.Même quand cela se passe sous son nez. En Octobre 1944c’est toute la communauté juive de Rome, la plus ancienne diaspora juive d’Europe (plus de 2000 ans), qui est arrêtée par les SS. Des camions remplis de femmes et d’enfants passent devant St. Pierre. Les Juifs de Rome sont 1060 à être embarqués sur un train le 18. Le Vatican est régulièrement informé de l’état des occupants du train (l’évêque de Padoue, la communauté catholique de Vienne). Le consul d’Allemagne à Rome, Albrecht von Kessel, ainsi que très discrètement, l’Ambassadeur allemand auprès du Saint Siège, le baron Ernst von Weizsäcker, pressent le Pape de protester officiellement. Ils craignent la réaction populaire. L’armée allemande doit faire face à l’invasion des alliés au sud et craint un renforcement des partisans. Mais le Pape ne bougera pas. Jusqu’au bout il souhaite garder de bonnes relations avec Hitler. Car celui-ci lui a promis de ne pas mettre la main sur le Vatican. Alors, hein ! 

Voilà l’homme qu’un autre Pape a jugé digne d’être béatifié !

Ah, une dernière chose, j’oubliais : John Cornwell n’est pas juif comme tant de chercheurs de la Shoah. Il est lui-même catholique...


Voir encore mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : 1914-1945 : Les trente honteuses.



Fascisme français

N° 3986 Robert O. Paxton :  L'Armée de Vichy , Tallandier, 2004

Sous-titre :  Le corps des officiers français 1940 - 1944 . Par l'auteur de  Fascisme en action .


N° 3439 Robert Soucy :  Fascismes français ? – Mouvements antidémocratiques , préface d’Antoine Prost,  Editions Autrement, Paris, 2004

L’historien américain Robert Soucy a jeté un pavé dans la mare avec son  French Fascism - Second wave, 1933-39  publié en 1995. Le titre de la traduction française apparaît avec un point d’interrogation après fascisme. C’est qu’en France traditionnellement on reconnaissait qu’il y avait des groupuscules fascistes dans les années 30 (Georges Valois, l’ami de Sorel, Jacques Doriot, etc.) mais que le mouvement de loin le plus important, celui du Colonel de La Rocque, les Croix-de-Feu, ne l’était pas. Antoine Prost, professeur émérite d’histoire à la Sorbonne, dit encore, dans sa préface à l’ouvrage de Soucy, son désaccord avec la thèse américaine.Les Croix-de-Feu (mouvement devenu Parti Social Français après l’interdiction des milices armées par le Font Populaire) étaient antiparlementaires et antilibéraux, admettaient le recours à la force dans certaines circonstances (voir les événements du 6 février 1934) mais, dit Prost, ils n’étaient pas fascistes. Pour lui il s’agissait simplement d’un mouvement d’extrême-droite du type conservateur autoritaire. L’autre grand historien français, Michel Wincock, spécialiste du fascisme et de l’antisémitisme, défend lui aussi le Colonel. Soucy n’est pas d’accord.


N° 4181 Grard Chauvy :  Histoire sombre de la Milice , Ixelles Editions, Bruxelles, 2012


Totalitarisme

N° 2735 Hannah Arendt :  The Origins of Totalitarism , Harcourt, Brace and Cy, New-York, 1951 (1 ère  édition. Hard cover et dust jacket)

Dans ce fameux livre Hanna Arendt fait un parallèle entre la position des juifs dans les états-nations classiques et celle qu’ils avaient dans l’empire austro-hongrois. De même, dit-elle, que les juifs de par leur position historique particulière, étaient exclus, dans les états-nations, des classes qui en étaient les éléments constitutifs et n’avaient pas non plus réussi à créer une classe à part, de même, dans l’empire des Habsbourg, ils n’ont pas pu fusionner avec les différentes nationalités qui composaient l’empire, ni devenir une nationalité propre. Et c’est ainsi, toujours d’après Arendt, de même que dans les états-nations, chaque classe qui entrait en conflit avec l’état devenait également antisémite, ainsi dans l’empire austro-hongrois, chaque nationalité qui s’opposait au gouvernement, devenait antisémite. Je ne suis pas tout à fait convaincu par ces explications. Par contre sa conclusion rejoint celle de Schorske et vaut la peine d’être citée : « in Austria these conflicts were not only sharper, but at the outbreak of the first world war every single nationality, and that meant every stratum of society, was in opposition to the state, so that more than anywhere else in Western or Central Europe the population was imbued with active antisemitism ».


Extermination juive

N° 3654 à 3656 Paul Hilberg :  La Destruction des Juifs d’Europe , trois tomes, Gallimard, 2006

C’est une véritable somme qu’a réalisée Hilberg, un travail continuellement mis à jour jusqu’à cette dernière édition en français parue en 2006. L’éditeur indiquait : « édition définitive ». Mais en réalité « c’est un travail sans fin...», dit Hilberg dans l’interview qu’il avait accordé au Monde en octobre 2006.  Et puis il est décédé en juillet 2007 à l’âge de 81 ans. Quant à son étude elle continue à être considérée comme la base de toute recherche sur le génocide.

Paul Hilberg est né à Vienne. Sa famille a fui l’Autriche pour se réfugier aux Etats-Unis où il arrive en 1939. Il revient en Europe aux derniers jours de la guerre sous l’uniforme américain, assiste à l’effondrement allemand en Bavière et est chargé de contrôler les locaux du parti nazi à Munich où il découvre la bibliothèque d’Adolf Hitler. Très vite il commence à s’intéresser à l’extermination des juifs par les nazis en se basant d’abord sur les documents des procès de Nuremberg, puis après son retour aux Etats-Unis, décide d’en faire une thèse de doctorat, commence à éplucher tous les documents disponibles et a la chance de tomber sur les dossiers de tous les Allemands capturés pendant la guerre. A partir de ce moment il va en faire l’oeuvre de sa vie, se retirant à Burlington, au bord du Lac Champlain, gagnant sa vie comme professeur de sciences politiques à l’Université du Vermont.

Or c’est justement parce qu’il a étudié ces sources écrites, et en particulier les nombreuses notes échangées entre les diverses administrations, qu’il est arrivé à la conclusion que le génocide n’aurait jamais pu être réalisé avec une telle efficacité et une telle amplitude s’il n’y avait pas eu une bureaucratie qui s’était mise au service de la sinistre tâche à accomplir. Les réflexions que Hilberg place au milieu de son troisième tome (voir Réflexions) et qui s’étendent sur plus de 120 pages sont particulièrement intéressantes à lire à ce sujet.« Le massacre ne s’organisa pas dans le vide », dit Hilberg. « Il avait une signification pour ceux qui en furent les agents ». C’était une véritable entreprise. Et les bureaucrates allemands mirent leur compétence au service de cette entreprise, dit-il. C’est peut-être ce qu’il y a de plus effrayant dans toute cette histoire : la manière froide et objective dont un grand nombre de fonctionnaires règlent les problèmes que leur pose cette entreprise.C’est dans le chapitre  Réflexions  que Hilberg esquisse une explication psychologique de l’attitude du bureaucrate allemand. Il commence par une remarque qui me paraît importante. « Nous savons que dans un Etat totalitaire la formation d’un mouvement d’opposition extérieur à la bureaucratie est pratiquement impossible. Néanmoins, s’il se manifeste une sérieuse opposition dans la population, s’il existe des obstacles psychologiques impossibles à surmonter, ces freins se révèlent au sein de l’appareil bureaucratique ». Et il cite l’exemple de l’Italie où de nombreux généraux et des consuls ont refusé de collaborer aux déportations. Le bureaucrate allemand avait lui aussi ses interdits moraux. Mais il a composé avec. Par des mécanismes de refoulement et par un système de rationalisations, dit Hilberg.

Première méthode de refoulement: tout est fait pour que le processus de destruction soit dissimulé. Il faut le cacher aux juifs, aux partenaires de l’Axe, aux alliés, et aussi - Hilberg ne le dit pas explicitement, mais il ne me semble pas tout à fait objectif sur ce plan-là - à l’opinion publique allemande. Et ce faisant « on le dissimule aussi à la censure qu’aurait pu exercer sa propre conscience », ajoute Hilberg. On ferme toute source d’information à ceux qui n’ont pas à être au courant. On mouille tous ceux qui savent. Ensuite on interdit toute critique, en tout cas toute critique qui mettrait en cause le processus de destruction lui-même. Le sujet est strictement interdit dans les conversations mondaines. Et enfin on invente un vocabulaire spécial comme le régime sait si bien le faire et comme Victor Klemperer l’analyse dans son LTI : solution finale, traitement spécial, évacuation, délocalisation, installations spéciales, etc. Maisen fin de compte, on ne pouvait faire l’économie d’une argumentation, une argumentation permettant de justifier les activités de la bureaucratie. Et la meilleure justification était bien sûr de montrer que tout n’était que représailles et mesures défensives. Et là la propagande nazie a déployé tout son savoir-faire. « Le juif est nuisible » était le slogan le plus simple et donc le plus efficace qui n’a pas cessé d’être enfoncé dans les cerveaux allemands. Et puis, dit Hilberg, il y avait encore des « rationalisations concoctées pour permettre au bureaucrate de justifier sa participation personnelle au processus de destruction ». Première rationalisation : il y a des ordres de nature supérieure. Il y a le devoir. Un ordre doit être respecté. Deuxième rationalisation d’après Hilberg: devoir et sentiments personnels sont deux domaines bien séparés. Le bureaucrate n’agit pas par vindicte personnelle. Comment pourrait-il alors être tenu moralement responsable ? Troisième rationalisation, toujours d’après Hilberg, encore plus vaseuse : celui qui signe un document n’est pas celui qui tire sur la détente. Quatrième rationalisation, typique elle aussi de la culture allemande : on n’est de toute façon qu’un chaînon. Un élément d’une grande machine, d’un grand projet comme celui de construire un pont. On est remplaçable à tout moment. On n’arrête pas la machine.

J’arrête là. Et ne suis pas convaincu. Et ne comprends toujours pas…


N° 3416 Richard Breitmann :  Secrets officiels – Ce que les Nazis planifiaient – Ce que les Britanniques et les Américains savaient , Calman-Lévy, 2005

La connaissance par les Alliés de la Solution finale. Breitman est un spécialiste de la question puisqu’il est rédacteur en chef d’une publication entièrement consacrée aux études de l’holocauste (Holocaust and Genocide Studies). Breitman estime que tant Churchill que Roosevelt ont compris assez tôt (fin 41, courant 42 ?) qu’une opération majeure d’extermination était en cours. Puis les rapports des services secrets polonais commencent à être extrêmement précis entre la fin 42 et mars 43. Et un industriel allemand (aujourd’hui on sait qu’il s’appelait Edouard Schulte, qu’il était de Breslau et qu’il possédait des mines dans la région d’Auschwitz) se rend en Suisse, rencontre le 30 juillet 1942 un collègue suisse en qui il a confiance, lui fait des révélations sur ce qu’il sait des plans de Hitler et lui demande de les communiquer à Churchill et à Roosevelt. D’après lui Hitler veut concentrer tous les juifs à l’Est, puis les exterminer avec de l’acide prussique et brûler les cadavres dans d’immenses crématoires. Il parle de l’assassinat de 3,5 à 4 Millions de juifs. A la fin de l’année 1942 Churchill et Roosevelt ne peuvent donc plus ignorer l’amplitude de l’extermination en cours. Ils se décident finalement à faire une déclaration commune le 17 décembre 1942, menaçant ceux qui participent à cette action de devoir rendre compte de leurs crimes après la guerre. La BBC, toujours d’après Breitman, aurait fait encore plusieurs émissions en langue allemande sur ce sujet entre décembre 42 et janvier 43. Et puis c’est tout. Même silence en ce qui concerne les émissions en français de Radio-Londres. Des raisons pour ce silence criminel ont été avancées. Aucune n’est vraiment convaincante…


Voir toujours mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : 1914-1945. Les trente honteuses.


N° 3587 Elie A. Cohen :  Human Behaviour in the Concentration Camp , Jonathan Cape, Londres, 1954 (hard cover et dust jacket)

L'auteur est un médecin hollandais qui a passé trois ans dans divers camps de concentration nazis et qui a perdu toute sa famille à Auschwitz. Essaye d'interpréter son expérience en termes de psycho-analyse freudienne.Le surmoi, dit-il, est l’intériorisation des règles d’autorité auxquelles enfant il était soumis : personnifiées par les parents, les maîtres, plus tard la société. Au fond : ses règles morales. Au point que le sentiment de culpabilité ne peut apparaître que s’il y a conflit entre le moi et le surmoi. Or dans le cas des SS du camp ce surmoi avait été modifié. Par la propagande à laquelle ils avaient été soumis, la race supérieure, la race pure, celle qui doit dominer le monde, celle par laquelle le salut va arriver, le devoir d’éliminer les races inférieures, pour sauver l’Allemagne, etc. Et ce n’étaient pas seulement leurs chefs qui leur tenaient ce discours. C’était le discours officiel du parti, du Führer, de la société. Je ne suis pas le Dr. Cohen quand il explique que tout proviendrait d’une culture spécifiquement allemande de l’autorité au sein de la famille, en particulier de l’autorité du père. Et l’Allemagne se démarquerait sur ce plan-là d’autres peuples germaniques tels que les Suisses ou les Hollandais. Je ne crois pas trop à ce genre d’explications. Par contre ce que Cohen montre, c’est que le surmoi - toujours si on accepte les théories de Freud - peut être modifié (et là on pense évidemment à tous ceux qui, aujourd’hui, se laissent endoctriner par l’islamisme fanatique). Ces gens agissent – c’est horrible à dire – selon une morale…


N° 4161 Hanna Arendt :  Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal , Gallimard, 1966

Important reportage sur le procès d'Eichmann par la philosophe Hanna Arendt. Très controversé.


N° 3775 Victor Klemperer :  LTI – Notizbuch eines Philologen , Reclam, Leipzig, 1996 (reliure lin éditeur)

Etude du langage nazi par l'auteur du fameux  Journal   

N° 3709 Victor Klemperer :  Mes soldats de papier - Journal 1933 - 1941 , édit. Seuil, Paris, 2000.

N° 3710 Victor Klemperer :  Je veux témoigner jusqu’au bout - Journal 1942 - 1945 , édit. Seuil, Paris, 2000. (Les deux tomes sont emboîtés dans un cartonnage)

C’est un document tout à fait unique. Voilà un grand intellectuel, professeur d’université, spécialiste de littérature française et de philologie, qui vit (qui survit à) toute la période nazie, à l’intérieur de l’Allemagne, jusqu’au bout, qui témoigne d’une autre sorte de persécution, une persécution qui ne se cache pas à l’intérieur d’un camp, qu’il soit de concentration ou d’extermination, mais qui s’affiche brutalement au beau milieu de la population de Dresde et qui s’acharne sur ces malheureux porteurs d’étoiles avec un sadisme horrible, moyen-âgeux et totalement inimaginable en plein 20ème siècle d’autant plus qu’il est exercé au nom d’une nation de haute culture. Klemperer échappe à la déportation parce que son épouse est aryenne (dans l’introduction à la version allemande de son LTI, il rend un formidable hommage à toutes ces épouses aryennes qui ont résisté à toutes les pressions pour se séparer de leurs maris juifs. Voilà le véritable héroïsme de l’époque hitlérienne, dit-il.). Et lorsque, pour finir, il doit quand même être envoyé à Theresienstadt, il est sauvé par ce que certains ont appelé un crime de guerre, la destruction totale, en une nuit, de sa bien-aimée ville de Dresde. Mais son Journal est bien plus qu’un témoignage, une somme de réflexions sur la nature humaine, celle de ses concitoyens, celle des Juifs, leur histoire, leurs réactions diverses devant ce qui leur tombe dessus et sur le langage des oppresseurs. Une langue qui sert de propagande, d’endoctrinement, qui contamine toute une population en lui instillant son venin sans qu’elle s’en aperçoive.


N° 4308 Marie Jalowicz-Simon :  Clandestine , Flammarion, 2015

Récit d'une juive allemande ayant réussi à survivre à Berlin pendant toute la durée de la guerre de manière souterraine 


N° 3739 Fritz Stern :  Fünf Deutschland und ein Leben – Erinnerungen , C. H. Beck, Munich, 2007 (reliure lin de l’éditeur dans dust jacket)

Professeur émérite d'Histoire à l'Université Columbia. Prix de la paix du Livre allemand. Né à Breslau en 1926, exil en 1938. Grand ami de Helmut Schmidt et de la Comtesse Dönhoff (Zeit).Fritz Stern est quelqu’un qui demande constamment aux Allemands de ne jamais oublier ce qui s’est passé car c’est une tâche qui restera à jamais attachée à leur histoire, mais c’est aussi quelqu’un qui a fait la paix avec son ancien pays, qui regarde vers l’avenir et qui est heureux d’avoir retrouvé l’Europe à laquelle il est toujours resté attaché. C’est un démocrate, un humaniste. Quand je l’ai vu à la télé, il m’avait étonné en donnant comme une des trois raisons principales qui avaient fait que les Allemands ne se sont pas plus opposés au nazisme et que beaucoup avaient sympathisé avec lui était l’espoir (les deux autres raisons étant la pression et le peu d’attirance pour les droits fondamentaux). Et lors d’un exposé fait à l’Université de Tübingen en 1980 Stern est probablement le premier à employer un autre mot : tentation. Le national-socialisme était une tentation. C’était même le titre de son exposé. Tentation dans le sens religieux, précise-t-il : attirance par le mal. Le national-socialisme avait une très grande force d’attraction psychologique, dit-il. « Un élément important était sa forme extérieure pseudo-religieuse qui promettait une renaissance nationale, une communauté populaire sous la direction d’un sauveur autoproclamé et qui sauverait le pays en éliminant les empoisonneurs, - les marxistes, les juifs - et leur influence empoisonnée sur la vie allemande ». « Et le peuple humilié et apeuré était apparemment prêt à croire que le sauvetage espéré exigeait forcément l’utilisation de moyens terribles et violents ». Car il était évident, dit-il encore, que le national-socialisme mélangeait un « idéalisme » (voir les explications freudiennes de Cohen sur la modification du surmoi, et ce que j’ai appelé une autre « morale ») dont les adeptes fulminaient contre le matérialisme et l’égoïsme, avec un nihilisme abject qui noyait de haine juifs et marxistes et réservait tout son mépris aux libéraux de Weimar.


N° 4115 Thomas Mann :  L’Appel aux Allemands , introduction Edmond Vermeil, Flinker, Paris, 1948

Intéressant recueil d'allocutions radiophoniques de Th. Mann pendant la guerre dont le célèbre discours du 14 janvier 1945 où il dénonce les chambres à gaz. Intéressante introduction d'Edmond Vermeil Professeur à la Sorbonne et à Sciences Po qui retrace le chemin intellectuel de Th. Mann depuis avant la guerre de 14 jusqu'à son exil.

Le discours du 14 janvier 1945 a dû secouer les Allemands tout particulièrement. Le titre est constitué par une phrase extraite du discours :  L'Horreur, la Honte et le Repentir, voilà ce qui est, en premier lieu, nécessaire .Il y parle du « caractère inexpiable de ce qu’une Allemagne, dressée à la bestialité par des maîtres infâmes, a commis contre l’humanité ». Et il veut que les Allemands en prennent conscience, de ces « crimes épouvantables dont… vous ne connaissez aujourd’hui encore que la moindre partie, soit parce qu’on vous a isolés, qu’on vous a relégués de vive force dans l’abrutissement et dans l’apathie, soit parce que l’instinct, qui vous a fait vous ménager vous-mêmes, a écarté de votre conscience la connaissance de ces horreurs ».Il évoque d’abord le camp de Maidenek, près de Lublin, en Pologne. Et puis il parle de la découverte du Secours Suisse à Auschwitz et à Birkenau. « Ils ont vu ce qu’aucun homme doué de sentiment n’est prêt à croire, s’il ne l’a vu de ses propres yeux : les ossements humains, les tonneaux de chaux, les canalisations du gaz de chlore et les installations pour l’incinération ; en outre, les monceaux de vêtements et de chaussures qu’on retirait aux victimes, beaucoup de chaussures de petite taille, beaucoup de chaussures d’enfants… Du 15 avril 1942 au 15 avril 1944, dans ces deux seuls établissements allemands, on a assassiné 1.715.000 Juifs ». D’où vient ce chiffre, demande-t-il. De leur propre comptabilité, le sens allemand de l’ordre. Ils ont même tenu « une comptabilité de la poudre d’os, de cet engrais artificiel produit par cette industrie. Les restes des victimes incinérées sont broyés et pulvérisés, empaquetés et expédiés en Allemagne pour fertiliser le sol allemand, le sol sacré ! » « Ils ont fait du nom d’Allemand une abomination devant Dieu et devant le monde entier ».


Deuxième guerre mondiale

N° 1906 Dr. Paul Schmidt :  Statist auf diplomatischer Bühne, 1923 – 1945 , Arthenäum Verlag, Bonn, 1950

Paul Schmit était interprète en chef au Ministère des Affaires étrangères du Reich.


N° 3711 Marc Bloch :  L’étrange Défaite , Gallimard, 1999

Témoignage sur la défaite-éclair de 40 d'un historien résistant et mort en camp. L'Université de Strasbourg des sciences humaines porte son nom.

N° 3723 Ernest R. May :  Strange Victory - Hitler's Conquest of France , Hill & Wang, New-York, 2000

C'est le pendant en beaucoup plus fouillé de  l'Etrange Défaite  de Marc Bloch

Marc Bloch était un historien, Normalien, professeur à l’Université de Strasbourg (et plus tard à la Sorbonne), qui avait déjà fait la guerre de 14 et qui avait à nouveau été mobilisé sur sa demande en 40. Capitaine d’Etat-major il avait été profondément choqué par la rapidité de la défaite et avait rassemblé ses réflexions à chaud (entre juillet et septembre 1940), essayant de comprendre ce qui s’était passé. Plus tard il entrera dans la résistance et sera arrêté et torturé par la Gestapo avant d’être fusillé dans un champ.

Quant au livre d’Ernest May c’est un véritable monument. Une documentation époustouflante. Il publie son étude en 2000 et il a accès à tout, même aux carnets de tous les protagonistes, et en particulier de ceux des généraux allemands. Il est professeur d’histoire à Harvard. Son livre est typique de ces grandes études faites par des universitaires américains auxquels aucun détail n’échappe.

L’incroyable rapidité de la défaite franco-anglaise en 1940qu’on ne peut que qualifier de honteuse a eu de nombreuses conséquences. En France un pouvoir particulièrement réactionnaire est arrivé au pouvoir. Ce pouvoir a immédiatement mis en place une législation antisémite répugnante. L’opinion publique a été prise d’un sentiment complexe de stupeur, de honte et d’admiration pour le vainqueur. Ce sentiment a certainement favorisé la collaboration ultérieure avec l’ennemi. Roosevelt considère la France comme un pays mineur dont la gloire est passée et qui ne peut plus jouer de rôle à l’avenir sur l’échiquier mondial. En Allemagne les généraux sont éblouis par le « génie militaire » du Führer. L’opinion publique allemande l’admire et lui est reconnaissant d’avoir vengé Versailles. Et Hitler, convaincu lui aussi de son génie, va développer sa mégalomanie jusqu’à Stalingrad. Il y a donc suffisamment de raisons pour essayer de comprendre ce qui s’est passé.

Pour Marc Bloch la première raison de cette défaite est l’incapacité du commandement. Il y a eu une véritable carence intellectuelle. On n’a pas su penser cette guerre. On n’a jamais appréhendé la notion de vitesse (inhérente à la motorisation) et à la notion de distance qui va avec. Une fois la percée allemande connue on n’a jamais reculé suffisamment pour reconstituer une ligne de défense plus en profondeur. C’était un commandement de vieillards.

Ernest May n’est pas d’accord avec les explications habituelles. Aujourd’hui, dit-il, on sait que la France et ses alliés avaient plus de soldats bien entraînés, plus de canons, plus de chars, et de meilleurs chars, et plus d’avions, aussi bien bombardiers qu’avions de chasse.Et les soldats français et anglais se sont bien battus. Même gagné des batailles. Pour lui la victoire de Hitler est contraire à la logique. Elle tient essentiellement à deux raisons : la faiblesse du renseignement français - et accessoirement de ses liaisons - et la chance.

L'étrange défaite (ainsi d'ailleurs que Klemperer et Fritz Stern) est également évoquée dans mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : 1914-1945. Les trente honteuses.


N° 4164 Catherrine Merridale :  Les Guerriers du Froid, Vie et Mort des soldats de l'Armée rouge, 1939-1945 , Fayard, 2012

27 millions de morts soviétiques ! Les terribles erreurs de Staline qu’il compense par une incroyable cruauté dans l’utilisation de ses troupes.


N° 3610 Aurélie Luneau :  Radio Londres 1940 – 44 – Les Voix de la Liberté , Perrin, Paris, 2005

Histoire des émissions de Londres en langue française


N° 1920 et 1921 William Manchester :  Winston Churchill , deux tomes, Robert Laffont, 1985

Tome 1 :  Rêves de gloire, 1874 – 1932 , Tome 2 :  L’Epreuve de la Solitude, 1932 – 1940 


N° 1929 à 1931 Jean Lacouture : De  Gaulle , trois tomes, Seuil, 1984

Tome 1 :  Le Rebelle, 1890 – 1944 , Tome 2 :  Le Politique, 1944 – 1959 , Tome 3 :  Le Souverain, 1959 – 1970 

N° 1926 Ch. De Gaulle :  La France et son Armée , Les Lettres françaises, Beyrouth, 1943

N° 1927 Ch. De Gaulle :  Vers l’Armée de métier , Les Lettres françaises, Beyrouth, 1943

N° 1928 J. R. Tournoux :  La Tragédie du Général , Plon, 1967


N° 1925 Pierre Laval :  Laval parle , Constant Bourquin/Editions du Cheval ailé, Genève, 1947


N° 1935 Joseph Kessel :  L’Armée des Ombres , Charlot, Alger, 1943

N° 4007  Collaboration :   Nazification ? Le cas du Luxembourg , Archives Nationales Luxembourg,  2006

Actes d'un Colloque international. Sous-Titre :  Le cas du Luxembourg à la lumière des situations française, belge et néerlandaise 

N° 3989 Tomi Ungerer :  Propaganda , La Nuée bleue, Strasbourg, 2008

Collection personnelle de Tomi Ungerer. Propagande et caricature de l'époque nazie


N° 1905 Fabian von Schlabrendorff :  Offiziere gegen Hitler , Europa Verlag, Zurich, 1946

C’est un livre qui raconte l’histoire du mouvement de résistance dans l’Armée et qui a paru dans l’immédiat après-guerre. Et qui sauve un peu, si peu, l’honneur de cette Armée.Schlabrendorff n’était pas un militaire professionnel. Il avait fait des études de droit mais avait été un opposant politique dès l’origine, avait noué des liens avec d’autres opposants (entre autres le fameux Goerdeler, maire de Leipzig et chef de la résistance civile) s’était lié d’amitié dès 1939 avec un des moteurs de la résistance dans l’armée, le Lieutenant-Colonel Henning von Tresckow, avait rejoint celui-ci, après son incorporation, à l’Etat Major du groupe d’Armée Centre et était devenu son officier d’ordonnance. Or Tresckow avait un rôle clé dans cet Etat Major puisqu’il en était devenu le premier officier. Tresckow et Schlabrendorff n’ont pas cessé d’essayer de convaincre des officiers généraux de participer à la conjuration contre Hitler ni de planifier des attentats contre lui. Mais ils n’eurent aucune chance avec le premier commandant du Groupe d’armées Centre, Fedor von Bock («Je ne permets pas que l’on attaque le Führer ! Je me mettrai devant le Führer et je le défendrai contre quiconque ose l’attaquer!», hurla-t-il lorsque Tresckow l’entreprit au sujet de la responsabilité de Hitler.). Et pas beaucoup plus de réussite avec celui qui lui succède en décembre 1941, Gunther von Kluge, qui n’arrête pas de changer d’avis. Et qui va se dégonfler complètement plus tard au moment de l’attentat du 20 juillet 1944 lorsqu’il est commandant en chef du groupe d’Armée de l’Ouest. Tresckow et Schlabrendorff avaient d’ailleurs fait une première tentative contre Hitler  le 13 mars 1943 mais le détonateur n’avait malheureusement pas fonctionné.

Schlabrendorff est un des rares survivants, quasi miraculé, du réseau de résistance militaire avec Philipp von Boeselager qui vient de décéder (voir Le Monde du 8 mai 2008). C’est d’autant plus surprenant que la répression après l’attentat fut impitoyable. Schlabrendorff donne à la fin de son récit une liste de 126 conjurés qui ont été fusillés ou pendus ou ont été amenés à se suicider. On y trouve de nombreux généraux (tels que le général de division von Stülpnagel, le général d’Armée von Witzleben, etc.) et des officiers supérieurs, même un chef SS, Arthur Nebe, un ancien policier, qui a commencé à essayer de protéger les juifs dans la zone du groupe d’Armée centre et a fini de coopérer avec le réseau, des représentants de la société civile, sociaux-démocrates, communistes, syndicalistes, catholiques, protestants (comme le fameux résistant protestant Dietrich Bonhoeffer) et bien sûr les deux chefs de la résistance : le général de corps d’armée Ludwig Beck, ancien chef d’Etat-major de l’Armée allemande avant la guerre, qui avait démissionné au moment de la crise des Sudètes par opposition à la politique expansionniste de Hitler et qui avait pris le commandement militaire général après l’attentat, et du côté civil l’ancien maire de Leipzig, Dr. Karl Goerdeler.On trouve également dans la liste l’amiral Canaris, le chef des renseignements et son adjoint le général de brigade Hans Oster qui a joué un rôle important dans la conspiration. La plupart des officiers qui l’entouraient étaient opposés au national-socialisme. Et Canaris était continuellement tenu au courant de l’évolution du complot.

Mais tout ceci n’excuse pas l’Armée allemande dans son ensemble et surtout ses chefs. Schlabrendorff raconte comment il a été déçu de la réaction du haut commandement militaire face aux instructions que leur donne Hitler avant les invasions polonaise et russe.

Pour l'attentat contre Hitler voir également mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : 1914-1945. Les trente honteuses.


N° 4054 Anonyme :  Eine Frau in Berlin , Postface Kurt W. Marek, Eichborn, Francfort, 2003

N° 4053 Anonyme :  Une Femme à Berlin, Journal 20 avril – 22 juin 1945 , présentation de Hans Magnus Enzensberger, postface de Ceram alias Marek, Gallimard, 2006

Version française. Histoire vécue de l'arrivée des Russes à Berlin en 45 et viols massifs des femmes. Un document extraordinaire. Pas seulement parce qu’il s’agit d’un témoignage historique unique : les derniers jours de l’Allemagne nazie à Berlin et l’arrivée de l’armée russe, ces Russes qui, pendant quinze jours, violent en masse. 100 000 femmes, dit-on. Mais c’est surtout à cause de celle qui en est le témoin et la victime que ce document est tellement exceptionnel. La façon qu’elle a de raconter l’horreur, sa façon de se recroqueviller sur elle-même, de se mettre en quelque sorte en hibernation, de faire une croix sur son avenir – pas seulement sentimental – et même dans une certaine mesure, de vivre ces épreuves comme quelque chose qui est dû, une punition collective imposée à tout un peuple et dont les responsables ne sont pas à chercher chez l’ennemi mais parmi ses propres chefs. C’est le journal d’une femme jeune (la trentaine) cultivée (journaliste qui a voyagé) et qui parle de tout cela, au jour le jour, d’une manière presque détachée, sans rien cacher de ce qu’elle subit, mais en gelant ses sentiments comme elle gèle les réactions de son corps. On est complètement plongé dans un monde de femmes, toutes soudées et solidaires. Face à, d’un côté, des guerriers frustes et frustrés, fiers d’avoir gagné, et libérant leurs pulsions sexuelles, et, d’autre part, à leurs propres hommes, leurs maris, leurs protecteurs naturels qui se cachent, ont peur pour leur vie, et qui, tout à coup, ne comptent plus, ne sont plus rien. D’ailleurs un homme est-il capable de se mettre à la place d’une femme qui subit l’intrusion forcée d’un sexe étranger ?

Voir, à ce propos, mon Bloc-notes 2011Une Femme à Berlin.


Epuration

N° 1922 à 1924 Robert Aron :  Histoire de l’épuration , trois volumes, Fayard, 1970

Tome 1 :  De l’indulgence aux massacres, Nov. 1942 – sept. 1944 , Tome 2 :  Des prisons clandestines aux tribunaux d’exception, Sept. 1944 – Juin 1949 , Tome 3, vol. 1 manque, Tome 3, vol. 2 :  Le Monde de la Presse, des arts et des Lettres, 1944 - 1953 


Parti Communiste français

N° 1941 André Harris et Alain de Sédary :  Voyage à l’intérieur du Parti communiste , Seuil, 1974

N° 1939 Nina et Jean Kéhayan :  Rue du Prolétaire rouge , Seuil, 1978


Afrique

Afrique noire

N° 2470 Albert Londres :  Terre d’ébène (la traite des Noirs) , Albin Michel, 1929 (reliure toile)

Violent réquisitoire anti-colonial du grand journaliste Albert Londres.


Madagascar

N° 3305 Raharimanana :  Nour , Le Serpent à Plumes, Paris, 2003

Récit très poétique de l'insurrection de Madagascar de 1947 et de sa sanglante répression.


N° 2841 H. Casseville :  L’Île ansanglantée (Madagascar 1946 – 47) , Fasquelle, 1948 (relié toile)

Histoire du massacre



Moyen-Orient/Proche-Orient


N° 3588T. E. Lawrence :  Oriental Assembly , Williams and Norgate, Londres, 1939

Edité par A. W. Lawrence. Contient tous les écrits non publiés de T. E. Lawrence. Ainsi que l'introduction aux  Sept Piliers  qui avait été supprimée. Et 100 photographies de l'auteur.


N° 2504 Edward Saïd :  L'Orientalisme - L'Orient créé par l'Occident , Seuil, 1980 (relié toile)

Le Libanais américain Edward Saïd trouve le regard que jette l’Occident sur l’Orient bien déformant et dégradant. 


Génocide arménien


N° 1948 Gérars Chaliand et Yves Ternon :  Le Génocide des Arméniens , Editions Complexes, Bruxelles, 1984



Chine

N° 3011 Marie-Claire Bergère :  Sun Yat-Sen , Stanford University Press, Stanford, USA, 1998

Traduit du français. L’original a été publié chez Fayard en 1994


N° 1938 Edgar Snow :  La longue Révolution , Stock, 1973

Celle de Mao Tsetung.