Liste 52 : Religions et mythes – 2 : Mythes et Légendes
N° 1724 à 1735 Sir James George Frazer : The Golden Bough, a Study in Magic and Religion , en 11 volumes (le douzième manquant), Macmillan and Co. Limited, Londres, 1917 – (troisième édition) (Grands volumes cartonnés, ornés et dorés)
Part I : The Magic Art and the evolution of Kings , volumes 1 et 2 (1917)
Part II : Taboo and the perils of soul vol. 3 (1919)
Part III : The dying God , vol. 4 (1919)
On y trouve un chapitre intitulé : Sacrifice of the King’s son qui décrit, entre autres, la coutume sémite de sacrifier le fils aîné (voir Carthage où on les jette dans un grand fourneau) et les correspondances bibliques avec cette coutume (Abraham-Isaac et le Passover, la Pâque juive, qui, à l’origine, nous dit Frazer, était la nuit du massacre de ces innocents)
Part IV : Attonis Attis Osiris, Studies in the History of oriental religions , volumes 5 et 6 (1914)
Attonis est le correspondant phrygien d’Adonis
Part V : Spirits of the Corn and of the Wild , volumes 7 et 8 (1914)
C’est là qu’on nous parle de Dionysus, de Demeter et de Perséphone et qu’on apprend qu’il y a une Mère du Maïs en Amérique et une Mère du Riz dans les Indes orientales. Et un curieux chapitre intitulé : Killing the divine Animal (bélier sacré, tortue sacrée, ours sacré, etc.)
Part VI : The Scapegoat , volume 9 (1914)
Certains sont humains : c’est la signification, pense Frazer, des sacrifices humains des Aztecs.
Part VII : Balder the Beautiful, the Fire-Festivals of Europe and the doctrine of the external soul , volumes 10 et 11 (1914)
A priori on est un peu étonné du lien que Frazer fait entre la mort de Balder qu’il évoque d’ailleurs très brièvement, et les feux des solstices d’été et d’hiver, ainsi que les âmes enfermées dans des plantes ou des animaux. On sait que Balder, un fils d’Odin, le dieu souverain, était le symbole de la beauté et de la bonté à la fois. Se sentant menacé, il avait demandé aux dieux de faire en sorte que tous les animaux, les végétaux, les pierres ne puissent le blesser. Or on avait oublié le gui. L’ingénieux et totalement amoral Loki va le savoir grâce à une ruse. Et lorsque les dieux s’amusent à jeter toutes sortes d’objets sur Balder qui est devenu invulnérable, il donne une branche de gui à l’aveugle Hodr, autre fils d’Odin, et guide son tir. Balder est tué. Avec lui l’âge d’or. Voir ci-dessous le Loki de Georges Dumézil.
Le volume 12 manquant comportait une bibliographie et un index.
L'ouvrage de Frazer est un ouvrage essentiel pour l'histoire des mythes de l'humanité.
N° 1735 Georges Dumézil : Loki , Flammarion, 1996
Loki est une figure tout à fait singulière dans la mythologie scandinave et qui n’a pas d’équivalent, au moins direct, dans la mythologie grecque. On sait que les trois grands du ciel scandinave sont Odin qui n’a qu’un oeil, mais voit tout, qui est la sagesse même et qui est le souverain, Thor au marteau et au tonnerre, qui est dieu de la force et du combat, et enfin Freyr, le dieu de l’abondance qu’il ne faut pas confondre avec Freya, l’épouse d’Odin. C’est la trilogie chère à G. Dumézil qui a trouvé que la caractéristique des peuples indo-européens était la division en trois catégories : les prêtres-rois, les soldats et les paysans. Loki, lui est à part. Loki est ingénieux, inventif, outrecuidant, vantard, curieux, menteur, totalement amoral, méchante langue. Il n’arrête pas de jouer des tours, des mauvais tours, le plus souvent aux dieux mais aussi, sous leur menace, à leurs ennemis. Il peut se métamorphoser en n’importe quel animal, en femme aussi car il n’a pas le sens de sa virilité, ni de sa dignité d’ailleurs. Il montre enfin qu’il est foncièrement mauvais en causant la mort de Balder. Il a des points communs avec le trickster des Indiens d’Amérique du Nord (voir ci-après)
Après son crime Loki est puni sévèrement par les dieux, attaché à des pierres par les intestins de ses fils tués, avec un serpent qui déverse son venin sur sa tête. Le jour où il arrivera à se libérer, lui et toutes les forces du mal vont exterminer tous les bons et provoqueront la fin du monde. Dumézil voit dans Loki le symbole de l’intelligence impulsive. C’est un marginal, car il est un dieu inférieur. Mais sa forme d’intelligence, qui est brillante, intuitive, brise tous les carcans sociaux, sexuels, moraux, tout ce qui est tradition. C’est l’intelligence qui détruit comme elle est capable de créer.
A propos de Loki et de la comparaison avec le trickster amérindien (voir plus loin), voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1 : Littérature scandinave.
N° 2300 à 2302 Sir James George Frazer : Folklore in the Old Testament , Studies in comparative Religion, Legend and Law, trois volumes, McMillan and Co, Londres, 1919 (grands volumes cartonnés, ornés et dorés)
L’étude est divisée en 4 grandes parties : Part I : The early Ages of the World – Part II : the patriarchal Age – Part III : The Times of the Judges and the Kings – Part IV : The Law
Cette grande étude de Frazer est particulièrement intéressante. Parce qu’elle est iconoclaste. Et a dû choquer les croyants à l’époque. Même si on pouvait se douter que la Genèse étant une sorte de préhistoire, d’explication du monde, elle reprenait forcément des mythes connus ailleurs : ainsi Frazer donne de multiples exemples de créations de l’homme à partir de la boue dans toutes les parties du monde et l’on sait que le récit du déluge se retrouve pratiquement dans les mêmes termes chez les Babyloniens qui l’ont pris à Sumer (on la retrouve même dans l’épopée de Gilgamesh). Là où cela devient plus amusant c’est quand on rapproche le fameux : « Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère » (chapitre XXIII de l’Exode) de l’interdiction de mélanger lait et viande chez des peuples pastoraux africains qui s’explique par des croyances magiques. Les Massaï, les Washamba, les Nandi ne cuisent pas le lait de peur de faire mal à la vache qui l’a donné. Ils ne mangent pas lait et viande ensemble, cela ferait tort au bétail. Les Massaï jeûnent et utilisent des vomitifs quand ils passent d’une nourriture à l’autre ; il ne faut pas non plus que le mélange se fasse dans l’estomac.
Et voilà que cette ancienne pratique issue de la magie est transposée dans notre monde moderne : je me souviens qu’en allant dîner avec notre agent israélien à l’Hôtel du Mont Carmel à Haïfa, je voyais de drôles de figures tout habillées en noir rôder entre les tables avant de se diriger vers la cuisine. Alors mon hôte m’expliquait que c’était la police religieuse qui vérifiait que tout était casher, et surtout que l’on ne place pas de beurre sur les tables de peur que l’on mange ensemble viandes et laitages ! Et plus tard encore j’ai vu un film américain dans lequel un Goÿ était tombé amoureux de la fille d’une famille juive orthodoxe à New York et découvrait avec stupeur qu’il y avait deux frigidaires dans la cuisine, l’un pour les viandes et légumes et l’autre pour les laitages.
Voir aussi les deux récits de la création de l'Homme et de la Femme dans la Genèse (et de la Faute), dont le deuxième est nettement anti-féministe, dans mon Bloc-notes 2021 : Monothéisme et sexualité.
James George Frazer (1854 – 1941) a été un géant. Le premier à avoir dressé un inventaire planétaire des mythes. Il a véritablement fondé la mythologie comparée. Et a été un Révolutionnaire en fondant en même temps une anthropologie religieuse. Au fond on pourrait le comparer à Darwin. Un autre Britannique (Frazer était Ecossais) qui a révolutionné la vision de l’Homme. Devenu un simple animal. En pleine période victorienne. Quand Frazer a publié son Rameau d’Or la Reine Victoria était morte…
N° 2066 à 2068 Jakob Grimm : Deutsche Mythologie , éditée par Elard Hugo Meyer (4ème édition), en trois volumes, Ferd. Dümmlers Verlagsbuchhandlung, Berlin, 1875, 1876 et 1878 (reliure cuir fauve dos et coins, dorures, titres sur aplats rouges)
Le frère aîné des Grimm, Jakob, plus sévère, plus strict que son frère, a commencé à abandonner l’oeuvre commune des Contes vers les années 1830. Il s’est d’abord consacré à l’étude de la langue, est l’auteur de la première grande grammaire allemande : la Deutsche Grammatik paraît en quatre volumes entre 1819 et 1837. « Il ne voulait pas seulement maîtriser sa langue maternelle », dit Friedrich Kluge, l’auteur d’une histoire célèbre de la langue allemande (voir N° 2666 Friedrich Kluge : Deutsche Sprachgeschichte, Werden und Wachsen unserer Muttersprache von ihren Anfängen bis zur Gegenwart , édit. Quelle & Meyer, Leipzig, 1920), « mais comprendre son histoire, son évolution et la comparer avec les langues voisines ». Il a également participé à la création d’un grand dictionnaire de la langue allemande. Et puis il s’est lancé dans l’étude des mythes. Normal quand on sait leur relation avec les Contes. Sa Mythologie allemande est une œuvre novatrice magistrale pour le domaine germanique et scandinave.
N° 2338 E. T. C. Werner : Myths and Legends of China , with thirty-two illustrations in colour by Chinese artists, George G. Harrap & Co. Ltd., Londres/Bombay/Sydney, 1928 (Hard cover orné de l’éditeur)
Edward Theodore Chalmers Werner a été Consul à Fuzhou et Membre du Bureau d’Histoire du Gouvernement chinois à Pékin. Très complet avec les mythes de création, la cosmogonie, les huit Immortels, les Légendes de renards, etc.
N° 1565 Paul Radin : The Trickster, a study in American Indian Mythology , Routledge and Paul Kegan, Londres, 1956
N° 3038 Barry Holstun Lopez : Giving Birth to Thunder, Sleeping with his Daughter, Coyote builds North America , Sheed Andrews and McMeel, Kansas City, 1977.
On trouve dans la mythologie et le folklore des Indiens d’Amérique une figure assez particulière qui est celle du trickster. Il est totalement amoral, menteur, paillard, capable de métamorphoses (capable de se transformer en femme aussi). Il représente le côté irrationnel de l’homme, qui est comme chacun sait, également à l’origine de l’imagination et de la création. D’ailleurs le trickster nord-américain est souvent aussi un culture-hero, c. à d. un héros qui participe à la création du monde et qui apporte la civilisation à l’homme. Ainsi dans les histoires de Coyote rapportées par Barry Holstun Lopez on en trouve plusieurs du type explication des origines ( Coyote creates the Earth , Coyote makes the Human Being , the Creation of the Shoshone , Coyote places the Stars ). Il y en a également une qui rappelle l’histoire de Prométhée, la récupération du feu ( How Coyote brought fire to the people ). Il y a une autre histoire étrange : Coyote visits the Land of the Dead . Dans cette histoire qui rappelle celle d’Eurydice, Coyote récupère sa femme d’entre les morts, mais doit traverser 5 montagnes avant de la toucher. Au départ elle est presque invisible (a ghost) puis devient de plus en plus réelle. Avant la 5ème montagne, Coyote se jette sur elle. Elle retourne chez les morts. Si cette histoire est vraiment originelle, elle prouve une fois de plus que l’esprit de l’homme fonctionne de la même manière partout et, confronté aux mêmes problèmes (ici la mort), invente les mêmes mythes.
Le Coyote n’est qu’un avatar du trickster parmi d’autres. Le grand linguiste, folkloriste et anthropologue Franz Boas, dans Mythology and Folktales of the North-American Indians , montre que le trickster peut être représenté par le corbeau, le vison, le geai (Bluegay), le coyote (chez les Indiens des plateaux) ou le « Old Man ».
Paul Radin estime que le culture-hero correspond à un mythe différent, souvent représenté par un lièvre (comme en Amérique du Sud) et que le trickster pur correspond à un mythe très ancien. Car la figure du trickster est connue par l’ensemble des tribus indiennes de l’Amérique du Nord. Ce qui est d’autant plus remarquable qu’elles diffèrent énormément entre elles par leurs cultures et surtout par leurs langues. A l’état pur le trickster est une personne vorace, qui ne reste jamais en place, à la sexualité encombrante. Il peut représenter l’homme primitif, l’enfant et son éveil à la conscience par la sexualité, l’irrationnel et l’amoral dans l’homme. Il peut aussi être une simple satire de l’homme et de la société.
Le livre de Radin contient également une étude de Karl Kerenyi cherchant des parallèles entre le trickster et la mythologie grecque. Sans intérêt. Plus intéressante est la contribution de C. G. Jung ( On the Psychology of the trickster figure ). Il était normal que la psychanalyse s’intéresse au trickster et y reconnaisse les aspects cachés du subconscient, qu’il le lie aux phénomènes de notre propre histoire, les vieux contes italiens, le roman picaresque, Rabelais, le carnaval et tout ce qui secoue notre civilisation rationnelle et morale. Feuerbach avait dit que ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme à son image mais que c’est l’homme qui a créé Dieu à son image à lui. Ses dieux et ses mythes, pourrait-on ajouter.
Pour Paul Radin, Barry Holstun Lopez et le trickster, voir mon Bloc-notes 2023 : Les Indiens dans ma Bibliothèque. Et, également, pour la comparaison entre le Loki scandinave et le trickster amérindien, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1 : Littérature scandinave.
N° 3352 Alice Werner : Myths and Legends of the Bantu , with thirty-two illustrations from photographs, George G. Harrap & Co, Londres/Bombay et Sydney, 1933
N° 2421 My Dark Companions and their Strange Stories by Henry M. Stanley, édit. Sampson Low, Marston & Company, Londres, 1893,
Le grand explorateur Stanley rapporte des contes recueillis au cours de veillées dont une très étrange Création de l’Homme par la Lune . On y trouve aussi une de ces fameuses legends censées fournir une explication sur le fait que l’homme est mortel. Ce scandale que l’animal conscient que nous sommes devenus a beaucoup de mal à admettre. N’importe où dans le monde.
N° 2816 Das wahre Gesicht des Buschmannes, in seinen Mythen und Märchen , aus den Sammlungen von Dr. W. H. I. Bleek und Lucy C. Lloyd, übersetzt von K. Woldmann, édit. Kommissionsverlag Zbinden & Hügin, Bâle, 1938.
Le Dr. Bleek est un ethnologue et linguiste célèbre. Il a recueilli entre 1870 et 1884 de nombreux mythes et coutumes dans une tribu de Bushmen, les Ikham, qui vivaient alors au sud de la rivière Orange. Les contes et les mythes ont été publiés par sa belle-soeur Mlle Lloyd sous le titre Specimens of Bushmen Folklore . La fille du Dr. Bleek qui préface la traduction allemande de cet ouvrage, dit : « Quand on ne vit que de chasse et de cueillette chaque famille a besoin de beaucoup plus d’espace. Ainsi on n’aura peut-être que 10 à 20 hommes armés sur une certaine zone alors que sur le même espace des éleveurs et agriculteurs pourront nourrir une centaine de familles et disposer de 100 guerriers. Le peuple chasseur ne peut survivre dans ces conditions. Dans le meilleur des cas il pourra être absorbé par ses vainqueurs. Cela est dommage mais inévitable. La tribu Ikham étudiée par le Dr. Bleek n’existe plus aujourd’hui (1938) ».
N° 3180 Laurens van der Post : A Mantis Carol , édit. The Hogarth Press, Londres, 1975.
N° 3130 Laurens van der Post : Flamingo Feather , édit. The Hogarth Press, Londres, 1955.
Le Colonel van der Post, lui, a énormément de tendresse pour ce petit people (voir N° 3116 Laurens van der Post: Le Monde perdu du Kalahari , édit. Albin Michel, Paris, 1962). Et c’est d’autant plus étonnant que c’est un militaire. Il a fait la guerre en Extrême-Orient, a été prisonnier des Japonais et je crois bien qu’il a été attaché militaire de son pays en Russie. Je trouve cela d’autant plus admirable que je crois que ni les Blancs ni les Noirs au pouvoir aujourd’hui aient beaucoup de considération pour les Bushmen (ou Boshimans).
Dans A Mantis Carol , Laurens van der Post revient aux Bushmen avec une histoire pleine de magie et de rêve où apparaît la Mante Religieuse, un des mythes des Bushmen, un esprit de la chasse, un protecteur. Elle met en scène un Bushman complètement perdu quelque part en Amérique du Nord et qui enchante pourtant tout son entourage.
Flamingo Feather est un roman d’aventure africain à la Haggard qui met en scène deux chasseurs blancs qui suspectent qu’un grand malheur se prépare et qui suivent la seule trace dont ils disposent. Une plume de flamant rose qui annonce un rêve dans la tribu des ‘Takwena. Et voilà qu’on revient à une vieille histoire pratiquement identique à celle racontée par Elias Canetti dans Masse und Macht . Chez van der Post l’histoire se passe dans une tribu qu’il appelle ‘Takwena (peut-être les baKwena qui est le nom d’un des groupes de Bantous Nguni, c. à d. Xhosa-Zoulous). Cela se passe début juin 1848. Et c’est un rêve, le rêve d’une jeune fille, un rêve qui se répète trois nuits de suite. Dans ce rêve lui apparaît un vieux chef mythique de la tribu qui lui demande de dire au roi qu’il doit faire tuer tout le bétail de la tribu, qu’ils doivent manger toute la viande. Et lorsque tout le bétail sera mangé, il renaîtra comme avant et de plus tous les guerriers morts dans les batailles du passé ressusciteront, leurs blessures guéries, et le grand chef, Xilixowe, reviendra lui aussi et tous ensemble ils rejetteront les envahisseurs blancs dans la mer qui les a amenés. La tribu est d’abord sceptique. Puis lorsque le grand sorcier annonce qu’il a lui-même vérifié que le rêve était correct, l’excitation monte et les ‘Takwena commencent à massacrer leurs bêtes. La fin est identique à celle racontée par Canetti. La tribu est décimée. Les deux tiers des ‘Takwena meurent de faim. Et l’histoire est vraie : on trouve dans un livre historique sur l’Afrique du Sud la mention d’un abattement massif de bétail qui aurait eu lieu en 1856-57 et qui aurait été organisé par le chef des Gcalekas, un certain Kreli (également mentionné par Canetti) et qui aurait envoyé à Sir George Grey le message suivant : « Il y a une chose qui parle dans mon pays et qui me commande à moi et à mon peuple de tuer notre bétail, manger notre maïs et de jeter tout notre bois de sorcellerie, et de ne plus planter et de reporter tout cela aux chefs de notre pays » (Voir : N° 1897 R. E. Gordon - C. J. Talbot : From Dias to Vorster, source material on South African history , Nasionale Opvoedkundige Uitgewery Beperk, Goodwood, 1983).
Pourquoi Canetti raconte-t-il cette histoire? Canetti cherche à déceler ce qui caractérise les masses et les chefs. Toute masse veut devenir plus importante, se multiplier. Ce désir de se multiplier est transféré au bétail et au maïs, puis aux morts. La foule des morts augmente la masse des vivants. La croyance à la véracité des morts est renforcée par ceux des morts que l’on connaît. Personne ne peut résister à l’ordre des morts car il s’opposerait à la masse, détruirait son unité. A la fin ce sont les morts qui gagnent car ils restent les plus nombreux. Et parmi eux il y avait tous les anciens chefs décédés. Qui participent à l’ordre donné de tuer. Tuer les bêtes à la place des ennemis. Un ordre qui ne peut se passer d’intermédiaire : c’est le chef Kreli. Et qui se termine par la mort des vivants. Car le désir d’échapper à la mort, de la contourner fait partie de la plus vieille et de la plus forte des tendances de tout homme de pouvoir. Un désir que l’on peut satisfaire au moins pour un moment en tuant ses sujets. Et comme par hasard le chef Kreli a survécu aux événements...
Pour Elias Canetti, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : Vienne, capitale de la Cacanie et pour van der Post et les Bushmen, voir ce même Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : Peuples d'Afrique du Sud.
N° 3314 Paul Gauguin : L’ancien culte mahorie : Fac-simile, Présentation de l’ancien culte mahorie par René Huyghe, La clef de Noa-Noa , édit. Hermann, Paris, 2001 (la première édition date de 1951).
N° 3821 Paul Gauguin : Noa-Noa , avec une introduction de W. Somerset Maugham, mise en page de John Miller, édit. Abbeville, New-York/Paris/Londres, 1995 (Reproduction des planches originales de Noa-Noa ainsi que de certaines planches de l'Ancien culte maorie )
Première édition en anglais par Chronicle Books , San Francisco. Cette édition est conforme à la première édition de Noa-Noa de 1897 rééditée en 1901 sans les poèmes de Charles Morice
Gauguin qui était arrivé en juin 1891 à Tahiti, quitte bientôt Papeete pour s’installer sur la côte, à Mataeia. « Je pressentais qu’en vivant tout à fait de la vie des naturels, avec eux, dans la brousse, je parviendrai à force de patience à vaincre la défiance de ces gens-là et que je saurais ». Il saurait quoi ? Il saurait tout ce qui a disparu, avec la colonisation et la christianisation, les traditions sacrées, les explications des origines, la vraie nature des Maoris. Et c’est cette même quête qui le fera partir plus tard aux Marquises. Et c’est dès septembre/octobre 1892 qu’il rédige ce premier cahier : L’ancien culte mahorie . Plus tard il en tirera un texte plus littéraire, Noa-Noa , où il reprendra toute la cosmogonie maorie en prétendant que c’est sa jeune et gracieuse épouse Teura qui la lui apprend. Or la belle enfant a 13 ans. Et à part quelques belles légendes elle n’y connaît strictement rien. En réalitéGauguin, au moment de partir s’installer à Mataeia, fauché comme toujours, vend son fusil de chasse à l’avocat Goupil (bien nommé) et c’est dans sa bibliothèque qu’il découvre les deux volumes des Voyages aux îles du Grand Océan de Jacques-Antoine Moerenhout. Or, comme le démontre René Huyghe dans la présentation de l’ancien culte mahorie , tout, absolument tout, dans le texte de Gauguin, est emprunté à Moerenhout, soit en copie mot à mot, soit en résumé.
N° 3853 J.-A. Moerenhout : Voyages aux Iles du Grand Océan , Reproduction de l'édition princeps par Adrien Maisonneuve, Paris, 1959
C’est un Reprint de l'édition originale de 1837, parue à la Librairie d'Amérique et d'Orient. Sous-titre : contenant des documents nouveaux sue la géographie, la langue, la littérature, la religion, les moeurs, les usages et les coutumes de leurs habitants
Qui est ce Moerenhout ? Encore un personnage assez extraordinaire. Il avait écrit et publié son ouvrage à Paris en 1837 entre deux séjours en Océanie. En 1837 Moerenhout était consul des Etats-Unis en Océanie et venait de rentrer d’un séjour de 6 ans à Tahiti. Il avait créé un très important établissement de commerce aux Iles de la Société et possédait même plusieurs navires. Il intervient dans le conflit créé par les missionnaires catholiques et protestants entre la France et l’Angleterre, obtient l’acceptation par 5 grands chefs du protectorat français et est nommé consul de France. Mais son plus grand mérite est l’intérêt qu’il porte à la défense des indigènes et à la mémoire de leurs dogmes ancestraux.C’est en 1831 qu’il rencontrele dernier des harepos, ces prêtres qui récitaient les chants sacrés de la tradition lors de certaines festivités, au plus profond de la nuit (on les appelait promeneurs de la nuit). Le harepo lui envoie une feuille de bananier couvert de caractères : c’était le Taaroa , le récit de la création. C’est le début du texte de Gauguin : « Il était : Taaroa était son nom ; il se tenait dans le vide. Point de terre, point de ciel, point d’hommes. Taaroa appelle ; mais rien ne lui répond, et seul existant il se change en l’Univers ».
C’est ce que Leconte de Lisle dans ses Poèmes barbares rend ainsi ( Genèse polynésienne ) :
« Dans le vide éternel interrompant son rêve
L’Etre unique, le grand Taaroa se lève
Il se lève et regarde: il est seul, rien ne luit.
...
Alors Taaroa se change en univers;
Car il est la clarté, la chaleur et le germe »
(Les Poèmes barbares ont été publiés en 1862 et la Genèse polynésienne date de 1858. La source est donc forcément Moerenhout.)
René Huyghe raconte : « en pleine nuit... Moerenhout, fébrile, oblige ses gens à lui préparer une pirogue et, malgré leur terreur des apparitions nocturnes, à partir avec lui, au clair de lune, pour l’île de Raïatea, où vivait le vieux grand-prêtre ». Il arrive à 4 heures, éveille le vieillard et, (texte de Moerenhout) : « Sa figure n’était pas belle; mais une haute stature, un front élevé, un regard de feu, une démarche noble, malgré son âge, un air d’autorité, qui se manifestait, en lui, dès l’abord, sans altérer en rien sa bonté et sa bienveillance », tout révélait qu’il appartenait à cette classe d’où jadis, sortaient les rois. Touché par le respect que lui témoigne Moerenhout, le vieillard se lamente (texte de Moerenhout) : « Mon ami ! quelle plaie vous avez rouverte ! Dans quel état mon pays est-il tombé ! O o-taïti ! » Alors il emmène Moerenhout jusqu’aux restes d’un vieux temple et « entame le chant de la tradition ». Chaque fois que Moerenhout devait l’arrêter parce qu’il n’arrivait pas à le suivre avec ses notes, il fallait tout recommencer dès le début, l’interruption du rythme du chant coupant en même temps la mémoire du récitant. « Ainsi, reprend René Huyghe, notant, repartant, Moerenhout consigne, en un travail de plusieurs jours, le dernier souffle de la vieille Tahiti, recueilli sur des lèvres presque expirantes ».
Je parle de Gauguin (et de son Ancien culte maori) ainsi que de Moerenhout dans mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 : Victor Segalen, les Maoris, la Chine et l'exotisme. Et aussi sur mon site Carnets d'un dilettante : Segalen, Gauguin et les Maoris (et Moerenhout, Melville det Max Radiguet).
N° 1271 Paul Regnaud : Comment naissent les mythes , Les sources védiques du Petit Poucet – La Légende hindoue du Déluge – Purûravas et Urvaçî, Félix Alcan, Paris, 1897 (relié toile)
Paul Regnaud était Professeur de sanscrit et de grammaire comparée à la Faculté des Lettres de Lyon
N° 2675 Encyclopédie des Symboles , édition française établie sous la direction de Michel Cazenave, Librairie Générale française/Pochothèque, 1996
Le texte original est dû à Hans Biedermann et a été publié par la Droemersche Verlagsanstalt Th. Knaur Nachf., Munich, 1989. Les textes complémentaires et le réaménagement des articles est dû à Michel Cazenave, en collaboration avec Pascale Lismonde, l’iconographie est celle rassemblée pour l’édition italienne de Knaurs.
C’est un travail passionnant que nous livrent l’Allemand Biedermann et le Français Cazenave. Le sous-titre : Astrologie/Cabale/Mythes/Nombres/Alchimie/Divinités et Croyances/Héros et Légendes, caractérise bien l’objet de cette Encyclopédie
N° 2919 A. t’Serstevens : La Légende de Don Juan , nouvelle édition revue et corrigée par l’auteur, ornée de compositions originales de Louis Ferrand, Jean Gonet, Paris, 1946 (relié toile, dédicacé de la main de t’Ser à l’écrivain Frédéric Lefèvre)
Pour ce livre et pour le mythe de Don Juan voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1 : Cendrars et ses amis.
N° 2809 P. Saintyves : La Légende du Docteur Faust , L’Edition d’Art H. Piazza, Paris, 1926 (relié toile)
Saintyves s’est aussi beaucoup intéressé aux Contes. Il est l’auteur de cette étude sur les Contes de Perrault où il ramène tout à des rites liturgiques (voir N° 2065 P. Saintyves : Les Contes de Perrault et les récits parallèles. Leurs origines (coutumes primitives et liturgies populaires) , avec la préface de Perrault à l’édition de 1695 aux Contes en vers, édit. Libr. Critique Emile Nourry, Paris, 1923). Il les classe en contes d’origine saisonnière, contes d’origine initiatique et en Fabliaux ou Apologues. Pour lui Belle au Bois, Cendrillon, Peau d’Ane et Chaperon Rouge sont d’anciennes reines ou prêtresses, officiants d’antiques cérémonies saisonnières du nouvel an et du printemps. D’autres contes rappellent d’anciens rites d’initiation : rite de passage (Petit Poucet), formation des femmes à leur rôle d’épouse (Barbe Bleue), enseigner les lois du mariage à l’homme et à la femme (Riquet à la Houppe), initiation du futur chef (le Chat Botté). Or ces rites comportaient épreuves, tentations, simulacres de mise à mort, déguisements en animaux etc. D’où ogres cannibales, magie, métamorphoses, bêtes qui parlent, etc. Le grand spécialiste allemand Friedrich von der Leyen, qui a consacré sa vie à l’étude du conte merveilleux, regrette que Saintyves soit aussi superficiel car certaines de ses remarques sont souvent intéressantes. Ce qui parait évident pour von der Leyen c’est qu’un lien étroit existe entre conte et mythe. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut lui chercher des origines liturgiques.
On parle aussi beaucoup de magie dans son livre sur le Dr. Faust. Pas très convaincant.
Pour ses vues sur les Contes de fées, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tomeb 2 : Contes merveilleux et populaires d'Europe.
N° 2715 George K. Anderson : The Legend of the wandering Jew , Brown University Press, Providence, Rhode Island, 1965 (grand hard cover avec dust jacket)
Intéressant travail de synthèse sur le mythe du juif errant réalisé par ce Professeur d’anglais de l’université de Providence dans l’Etat de Rhode Island où il a pu faire usage de la collection rassemblée par W. Easton Louttit Jr. sur le sujet.
N° 1743 Jean Libis : Le Mythe de l’Androgyne , Berg International, Paris, 1980
Le fameux mythe apparu pour la première fois chez un philosophe dans le Banquet de Platon.