Voyage autour
de ma Bibliothèque

Liste 63 : Histoire : Inde, Asie du Sud-Est, Chine, Japon

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Inde


N° 2631 Bernard Sergent :  Genèse de l’Inde , Payot, 1997 (relié toile)

Sergent, Agrégé d’Histoire, Docteur en Histoire ancienne et archéologie, chercheur au CNRS. Excellent ouvrage, très bien écrit. Analyse l’arrivée des Indo-Européens en Inde, mais aussi l’origine d’autres peuplades, les Dravidiens entre autres.


N° 3203 Le Comte F. A. de Noer :  L’Empereur Akbar (un chapitre de l’histoire de l’Inde au XVIème siècle) , deux volumes reliés ensemble, traduit de l’allemand par G. Bon et Maury, introduction par Alfred Maury de l’Institut de France, E. J. Brill, Leiden/Ernest Roux, Paris, 1883/87 (Reliure toile)

N° 2865 Charles Marie René Leconte de Lisle :  L’Inde française , Grand Océan, Saint Denis, La Réunion, 1999

N° 2623 Peter Hopkirk :  The great Game – The struggle for Empire in Central Asia , Kodansha International, New-York/Tokyo/Londres, 1994

(voir aussi : N° 2605 Peter Hopkirk:  Quest for Kim, in search of Kipling’s Great Game , illustrations by Janina Slater, John Murray, Londres, 1996, livre déjà cite sur la Liste 42 :  Littérature anglophone et d’aventures : Rudyard Kipling )

N° 3188 Michael Barry :  Le Royaume de l’Insolence, l’Afghanistan (1504-2001) , édit. Flammarion, Paris, 2002.

Peter Hopkirk avait découvert  Kim  de Kipling à l’âge de treize ans, l’âge de Kim lui-même. Et cette lecture l’a inspiré pour le reste de sa vie : il a même voulu faire Sandhurst pour entrer dans le Secret Service de sa Majesté (mais ne l’a pas fait quand il s’est rendu compte que le Raj avait vécu et le Grand Jeu avec lui), puis s’est mis à voyager dans tous ces pays : Inde, Asie Centrale, Chine, Russie, Pakistan et Moyen-Orient en tant que journaliste du Times et est devenu le grand spécialiste du Grand Jeu. C’est Mahboub Ali, le marchand de chevaux à la barbe rousse, l’un des deux grands amis de Kim (l’autre étant le vieux Lama du Tibet de la secte des Chapeaux Rouges à la recherche de sources sacrées) qui joue au Grand Jeu. C’est quoi, au fait, ce Grand Jeu ? Qui a inventé le mot ? Hopkirk prétend que c’est un certain Capitaine Conolly, celui-là même qui, un matin de juin 1842, était agenouillé sur la place centrale de Bokhara, après avoir été obligé de creuser sa propre tombe et avant d’être proprement décapité par l’Emir de la principauté. D’après Michael Barry, l’érudit américain qui a traduit Nizami et étudié la vieille poésie persane avec Massoud, c’est lord Curzon, vice-roi britannique des Indes, qui est l’inventeur de la formule : « Turkestan, Afghanistan, Transcaspienne, Perse ne sont que les pièces d’un échiquier sur lequel se dispute la partie pour la domination du monde ». Pour le dire plus simplement : le mot symbolise la lutte de cent ans que vont se livrer l’Angleterre victorienne et la Russie tsariste. L’Angleterre n’a qu’un seul but : défendre le joyau de sa couronne, le Raj. La Russie, depuis Catherine, a pour ambition de s’étendre vers l’Est et le Sud : d’abord vers Constantinople, la vieille cité sainte de l’Orthodoxie, et le détroit des Dardanelles, mais l’Angleterre ne le permet pas. La Russie libère pourtant la Bulgarie de l’emprise turque. Vers le Caucase et la Perse, ensuite.Troisième axe d’expansion russe: l’Asie Centrale et l’Afghanistan. Là l’Angleterre se sent directement menacée. Pourquoi ? Parce que pour envahir l’Inde il faut forcément passer par l’Afghanistan. Tout le monde a dégringolé les fameux cols du Nord-est : les Aryens il y a près de 3000 ans déjà, les Perses, Alexandre le Grand bien sûr, de nombreux conquérants musulmans après lui comme le fameux Babour qui fonde l’Empire Moghol, les Perses et les Afghans à nouveau, jusqu’à ce qu’une grande puissance maritime, l’Angleterre, finisse par envahir l’Inde par le sud, par la mer. On peut dire que le véritable déclenchement du Grand Jeu a lieu lorsque Napoléon propose une alliance au Tsar Alexandre pour envahir l’Inde par la terre. France et Russie, deux grandes nations terriennes contre une grande nation maritime.Heureusement pour l’Angleterre l’accord franco-russe ne dure guère. Il faut encore des années avant que la Russie s’enfonce dans les steppes Kazakhs et annexe les oasis du sud, celles de la Route de la Soie : Khiva, Bokhara, Khokand et Samarcande. Mais auparavant la Russie avait fait pression sur la Perse et c’est la Perse qui envahit l’Afghanistan. Ce qui aura pour conséquence l’intervention directe de l’Angleterre en Afghanistan et la terrible déroute de 1842 qu’on n’arrêtera pas de rappeler aux Américains lorsqu’ils planifient leur guerre contre les talibans.

Ce n’est qu’avec la défaite des Russes contre les Japonais et l’entente anglo-russe de 1907 que le Grand Jeu se termine définitivement. Mais pas pour Barry. Et c’est là où cela devient intéressant : le Grand Jeu, dit Barry, recommence de plus belle après la deuxième guerre mondiale. La Russie est toujours là. Mais une autre grande puissance maritime, c. à d. mondiale, a remplacé l’Angleterre, c’est l’Amérique.

A propos du Grand Jeu, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 2 : Haggard et Kipling.


N° 2718 G. A. Oddie et alia :  Religious traditions in South Asia ,  Interaction and Change , Curzon Press, Richmond, USA, 1998

Oddie était Professeur d’Histoire à l’Université de Sydney.


N° 3121 Sir Francis Younghusband :  Kashmir , A. C. Black Ltd., Londres, 1933 (avec 32 illustrations en couleur par le Major E. Molyneux. Hard cover avec dust-jacket illustré)

Younghusband était Résident à Srinagar de 1906 à 1909. Les illustrations sont de très belles aquarelles des paysages du Cashemire.


Asie du Sud-Est

N° 2547 Abbé de Choisy :  Journal de Voyage de Siam fait en 1685 et 1686 , préface de Maître Maurice Papon, Duchartre et Van Buggenhoudt, Paris, 1930 (relié toile)

C’est le fameux Abbé qui aimait se déguiser en femme ! La préface de Maître Papon est une étude à la fois du Siam et sur Choisy, « l’un des hommes les plus singuliers de son temps ».


N° 1599 G. Coedès :  Les Etats hindouisés d’Indochine et d’Indonésie , E. de Boccard, Paris, 1948 (relié toile)

Coedès était Directeur honoraire de l’Ecole française d’Extrême-Orient.


N° 2465 Georges Maspero :  Le Royaume de Champa , G. van Oest, Paris/Bruxelles, 1928

N° 2138 Le même livre en photocopie acheté à Saïgon

Georges Maspero était Résident Supérieur en Indochine (à ne pas confondre avec H. Maspero)


N° 4037 Bernard Dorléans :  Les Français et l’Indonésie ,  du XVIème au XXème siècle , Kaïlash, Paris/Pondichéry, 2001

Bernard Dorléans est décédé en 2011. Dans l’un de ses chapitres,  la crémation du Roi de Den Pasar et de ses femmes encore vivantes , il rapporte le témoignage d’un des homonymes de notre abbé Pierre J. A. Dubois qui avait décrit un horrible suttie en Inde, un autre Dubois, Français ou Belge, fonctionnaire de l’administration hollandaise en place à Bali de 1827 à 1831, et qui a assisté en 1829 à un tel suttie à Bali : Dans la scène qu’il décrit les veuves, les Bela, sont volontaires (mais sont-elles vraiment libres ? Et la scène est-elle moins horrible pour cela ?). Le père de la première Bela lui donne un kriss avec lequel elle s’entaille les bras et les épaules (pour montrer qu’elle n’a pas peur de la mort), recouvre son front avec son sang, puis rend le kriss à son père et se jette dans les flammes du bûcher qu’une demi-douzaine de brahmanes armés de torches avaient allumé auparavant. Et puis la deuxième Bela suit et agit de la même façon. Je crois que Vicky Baum écrit quelque part qu’elle regrettait que les Hollandais aient détruit beaucoup de coutumes locales. Mais il y a coutume et coutume. Et si on ne peut excuser la façon cruelle avec laquelle les Hollandais ont conquis ce qu'il restait d'indépendant à Bali, on ne peut que se féliciter, je crois, du fait que leur occupation ait en même temps supprimé une coutume qui ne peut que nous paraître bien barbare.

A propos de la crémation à Bali, voir aussi mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 6 : Bali, île bénie ou île salie ? Et aussi mon Bloc-notes 2011Bernard Dorléans et la sati.


N° 3987 Steven Runciman :  The white Rajahs , Cambridge University Press, 1960

Par l'auteur de  la chute de Constantinople  et des  Vêpres siciliennes.  Les Rajahs blancs c’est l’histoire de ce James Brooke qui s’est taillé un royaume à sa mesure dans le nord de Bornéo, un royaume qu’il a transmis à son neveu Charles, et que la dynastie des Brooke a réussi à conserver pendant plus d’un siècle.  Cette histoire réelle rappelle une des plus belles histoires de Kipling,  The Man who would be King , qu’on trouve dans le volume intitulé  The Phantom Rickshaw and other Eerie Stories  (voir Liste 42). Le héros de Kipling, Daniel Dravot, dit : « Partout où un homme sait ce que c’est la manœuvre, il peut devenir roi ».« On ira là-bas et on dira au premier roi qu’on rencontrera : est-ce que vous voulez vaincre vos ennemis ? Et on lui apprendra à faire manœuvrer ses hommes. Parce que c’est ce qu’on connaît le mieux. Ensuite on renversera ce roi, on montera sur son trône et on fondera une dynastie. » Or c’est exactement ce que fait James Brooke : il offre au vieux Rajah qui gouverne Sarawak sous l’égide du Sultan de Bornéo de mater la rébellion d’une tribu de Dyaks de l’intérieur, collectionneurs de têtes coupées, si à son retour il le nomme son successeur au trône. Facile…

Gabrielle Wittkop raconte cette histoire à son tour (voir : Gabrielle Wittkop :  Les Rajahs blancs , édit. Gallimard/Les Verticales, 2009 dans la Liste 7 :  Littérature francophone après 1800 ). Elle l’a un peu romancée, dans son style superbe, mais suit finalement la réalité d’assez près.


N° 0340 Roundevelle Wildman :  Tales of the Malayan Coast (From Benang to the Philippines) , Books for Librairies Press, Freeport, New-York, 1969

C’est un bouquin de souvenirs publié en 1899 par un officiel américain qui a résidé sur la côte malaise pendant une longue période de neuf années. Lui aussi nous raconte l’épopée des Brooke dans le chapitre intitulé :  the White Rajah of Borneo, the Founding of Sarawak .


A propos des Rajahs blancs voir mon Bloc-notes 2009Gabrielle Wittkop.


N° 4655 Gabriel Ferrand :  L’Empire sumatranais de Çrîvijaya , Libr. orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1922

Histoire de cet Empire de Sumatra indianisé qui a duré depuis la deuxième partie du VIIème siècle jusqu'au XVème siècle. Et qui est à la base de Borobudur érigé avant la fin du IXème.


N° 2394 Clive J. Christie :  A Modern History of South East Asia , Tauris Publishers, Londres/New-York, 1996

Sous-titre :  Decolonization, Nationalism and Separatism 

Christie était lecturer en Southeast Asian Studies à la Hull University.

  

N° 4027 Adrian Vickers :  A History of modern Indonesia , Cambridge University Press, 2010

Vickers est Professeur à l'Université de Sydney (South-East Asia Studies). Excellent ouvrage. Il s’appuie entre autres sur les écrits de Pramoedya Ananta Toer. 


N° 4033 Romain Bertrand :  Etat colonial, noblesse et nationalisme à Java – la Tradition parfaite , Karthala, Paris, 2005

Bertrand est chercheur à la Fondation nationale des Sciences politiques (au CERI, Centre d’Etudes et de Recherches Internationales). Il y revient à la formation de l’Etat de Java intimement liée à celle de la noblesse de robe des priyayi. Et son évolution du XVIIème au XXème siècle.


N° 4092 Romain Bertrand :  L’Histoire à parts égales , Seuil, 2011

La rencontre Pays-Bas-Indonésie vue des eux côtés. Et les premiers contacts entre Hollandais, Malais et Javanais au XVIIème siècle.

  

N° 4026 Multatuli :  Max Havelaar , Actes Sud, 1991

Nom de plume d’Eduard Douwes Dekker. Roman anticolonialiste (Indes néerlandaises) de 1860. C’est une œuvre tout à fait étonnante. Cela commence d’une manière burlesque par les commentaires d’un bourgeois hollandais clownesque, hypocrite en diable, affreusement égoïste et complètement béotien, puis c’est un jeune Allemand romantique qui tient la plume avant que Max Havelaar, qui est le double de l’auteur Eduard Douwes Dekker, raconte avec beaucoup de sérieux ce qu’il a vécu quand il était résident aux Indes et dresse un sévère acte d’accusation. Le livre a été publié à Bruxelles où Dekker qui était criblé de dettes (il avait été pris par le vice du jeu), s’était retiré après avoir été renvoyé de l’Administration coloniale. Il a d’ailleurs eu beaucoup de mal à trouver un éditeur. Et pourtant, chose étonnante, le livre a eu immédiatement un immense succès populaire et a exercé une influence certaine sur la politique coloniale des Pays-Bas : abolition au moins théorique et partielle du travail forcé et inspiration d’une « politique éthique ». D'après Anton Aropp, c'est le Gouverneur général van den Bosch qui, de retour des Antilles, « avait une très bonne expérience de l'esclavage », a institué l'agriculture forcée en 1830 (voir N° 4030 Anton Aropp :  Dissidence – Pramoedya Ananta Toer, itinéraire d’un écrivain révolutionnaire indonésien , Editions Kailash, Pondicherry/Paris, 2004, livre cité dans la Liste 32 :  Littératures du Sud-Est asiatique ). Elle consistait dans la confiscation d'un cinquième des terres des paysans (et souvent les meilleures, et souvent bien plus que le cinquième) et l'obligation de travailler gratuitement pendant soixante jours par an sur ces terres. D. H. Lawrence, après avoir lu la version anglaise de  Max Havelaar  (qu’il va d’ailleurs préfacer) au cours des années 20, fait le parallèle avec le livre de Harriet Beecher-Stowe, pensant que le livre de Multatuli a eu, lui aussi, pour conséquences l’amélioration des conditions de vie des Indigènes qu’il décrit. Multatuli cite d’ailleurs lui-même  la Case de l’Oncle Tom  à la fin de son fameux chapitre XII qui contient l’histoire de  Saïdjah et d’Adinda , voulant démontrer par là que l’on est parfaitement en droit de se servir de la fiction pour dénoncer des faits réels. Et Pramoedya Toer dit : «  Les ouvrages de Multatuli, et tout particulièrement Max Havelaar, ont donné aux intellectuels indonésiens le courage de s’opposer aux colonialistes, surtout aux colonialistes corrompus ».

Si on lit attentivement ce livre, on s’aperçoit que sa critique est d’abord dirigée contre les régents, c. à d. les aristocrates javanais auxquels on a confié l’autorité sur une certaine entité territoriale, même si cette autorité était toute relative puisque chaque régent était « assisté » ou contrôlé par un résident, représentant l’administration coloniale, c. à d. dépendant directement ou indirectement du Gouverneur général.Ce que  Max Havelaar  dénonce ce sont essentiellement le travail forcé et la confiscation (en fait le vol) des buffles appartenant aux paysans. Les régents forcent les paysans sous leur juridiction à travailler pour eux gratuitement (et les résidents hollandais en profitent également). Et, en plus, ils leur volent leurs buffles ! Mais la critique de Multatuli est également dirigée, bien évidemment, contre ceux qui sont les agents européens du système colonial hollandais. D’abord les résidents profitent eux aussi du travail forcé. Ensuite ils couvrent les abus des régents. Max Havelaar, c. à d. Douwes Dekker, quand il a dénoncé son régent, a été désavoué par son supérieur hiérarchique, a dû démissionner quand il a persévéré dans ses accusations, et le Gouverneur a refusé de le recevoir malgré ses nombreuses années de service. Et comme les paysans savent que les Hollandais couvrent le régent ils n’osent pas porter plainte. Ils se rendent la nuit, en cachette, chez le résident Max Havelaar et payent leur audace très souvent par la perte de leur vie ou par l’obligation de s’exiler. Max Havelaar est d’ailleurs persuadé que son propre prédécesseur a été empoisonné. Et puis, ensuite, ce que Multatuli ne dit pas, ce sont bien les Hollandais qui ont institué ce système qui semble être particulier aux Indes néerlandaises.

Vickers montre que tous ces aristocrates de Java qui ont collaboré avec les colonisateurs étaient tous liés entre eux et formaient un véritable réseau. Ils appartenaient à des clans différents mais étaient tous cousins des 4 clans royaux qui tenaient leurs cours dans les deux palais de Surakarta et de Jogjakarta où régnait encore le Roi ou Sultan de Java. D’ailleurs ils se considéraient comme faisant partie de la caste ksatrya, la caste des guerriers, souvenir de l’ancienne civilisation hindoue qui avait régné sur les Indes néerlandaises avant la conquête musulmane, un souvenir qui était maintenu grâce au wayang et au Mahabharata.

Pour tout ce qui concerne la colonisation hollandaise de l'Indonésie, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 6 : Le Quatuor de Buru de Pramoedya Ananta Toer.



Océan Indien


N° 2445 Stefan Zweig :  Magellan , Grasset, 1968


N° 1884-85 The Voyage of François Leguat of Bresse to Rodriguez, Mauritius, Java, and the Cape of good Hope, transcribed from the first English edition, 1708, edited and annotated by Captain Pasfield Oliver, late Royal Artillery, en deux volumes, edit. The Hakluyt Society, Londres, 1891

(Reliure d'origine avec titres et illustrations dorés, dont la frégate Queen Victoria sur page de couverture, naufragée à Rodrigues en 1847)

Nombreux commentaires, ainsi que plusieurs annexes au tome 2, dont les plus intéressantes sont : Appendix B - Relation de l'Ile Rodrigue (un manuscrit retrouvé dans les Archives de la Marine qui date à peu près de 1730 et qui décrit à nouveau la faune et la flore décrites par Leguat, dont les tortues terrestres et l'oiseau nommé Solitaire; Appendix C : The Fauna of the Mascarene Islands; Appendix D : On extinct birds of the Mascarene Islands; Appendix E : The gigantic Mascazrene Tortoises; ainsi qu'une note sur le lamentin de Leguat qui est un dugong)

François Leguat, émigré en tant que protestant, en 1689, après la révocation de l'édit de Nantes, débarque à Rodrigues en mai 1691, y reste deux ans, puis retourne, en passant par Maurice et Java, en Hollande avant de s'installer en Angleterre en 1699 et publie le récit de son voyage et de ses observations de naturaliste amateur en 1708. A découvert deux oiseaux remarquables, le Solitaire à Rodrigues et le Géant à Maurice, depuis longtemps disparus comme le Dodo.

Voir mon Bloc-notes 2024 : Le Dodo, le Solitaire et François Leguat.


N° 3406 William Mc Ateer :  Rivals in Eden - The History of Seychelles 1742 – 1827 , Pristine Books, Mahé, Seychelles, 2002

Histoire de la rivalité anglo-française dans l'Océan Indien  

N° 3407 William Mc Ateer :  Hard Times in Paradise - The History of Seychelles 1827 – 1919 , Pristine Books, Mahé, Seychelles, 2002

Suite de l’Histoire




Chine



N° 1132 Marco Polo :  Le Devisement du Monde (le Livre des Merveilles) , traduction et présentation t’Serstevens,  Le Club français du Livre, 1953 (exemplaire numéroté)

Ce livre est déjà cité et longuement commenté dans la Liste 5 :  Littérature francophone – Albert t’Serstevens 

  

N° 2148  Les Précurseurs de Marco Polo , textes traduits et commentés par A. t’Serstevens, Les Amis du Livre, Strasbourg, 1960 (Broché. Ex. numéroté hors commerce)

Ce livre est également déjà cité et commenté dans la Liste 5 :  Littérature francophone : Albert t’Serstevens 

  

N° 2686 Morris Rossabi :  Khubilaï-Khan, his Life and Times , University of California Press, Berkeley/Los Angeles/Londres, 1988

Rossabi était Professeur d’Histoire au Queens College.


N° 2125 René Grousset :  Histoire de la Chine , Payot et Rivages, Paris, 1994 (relié toile)

Réédition de l'édition de 1942. René Grousset était professeur aux langues O' et conservateur du Musée Cernuschi.Pour lui le règne mongol aura eu des conséquences importantes pour la Chine : unification définitive du nord au sud, réouverture de la route de la soie et de celle du pèlerinage bouddhiste et d’une façon générale rapprochement entre Orient et Occident, mais malheureusement aussi une réaction en sens inverse avec les Ming c. à d. retour encore plus rigide aux anciennes traditions, assèchement de la créativité, fermeture à l’étranger.

 

N° 2272 et 2273 Georges Maspero :  La Chine , deux volumes, préface d’A. Dubosq, Libr. Delagrave, Paris, 1925 (relié toile)

Georges Maspero était Résident supérieur en Indochine


N° 2336 Elisée et Onésime Reclus :  L’Empire du Milieu , Hachette, 1902 (Edition originale avec 25 cartes en noir et 3 cartes en couleurs).

Par les fameux frères Reclus, géographes et communards


N° 1846 et 47 Etiemble :  L’Europe Chinoise , tomes 1 et 2, édit. Gallimard, Paris, 1988

Etiemble consacre trois chapitres aux Polo. Et ironise sur le fait que notre grand Strasbourgeois - d’adoption, il est vrai - Gutenberg ne pouvait ignorer la technique chinoise des caractères mobiles dont les débuts remontent au IXème siècle !  

N° 2420 Etienne Ducornet :  Matteo Ricci, le Lettré d’Occident , édit. Les Editions du Cerf, Paris, 1992 (relié toile)

N° 2768  China in the Sixteenth Century : the Journals of Matthew Ricci: 1583 - 1610 , trad. du latin par Louis J. Gallagher, avec une préface de l’archevêque de Boston, édit. Random House, New-York, 1953. (Hard cover et dust jacket)

Le père Matteo Ricci est arrivé en Chine en 1583. Pétri de l’esprit de la Renaissance, curieux, véritable lettré parmi les lettrés, il est non seulement le père de la sinologie occidentale mais, ayant complètement assimilé la mentalité, les coutumes, la pensée et l’éthique chinoise, il esquisse une présentation du christianisme ajustée à la culture des Chinois. C’est un véritable travail interculturel qu’il entreprend à l’aide des lettrés chinois. Les carnets du père Ricci sont d’une importance capitale. Ils couvrent les 20 ans de sa vie en Chine. Ils étaient écrits en italien et destinés au Général de la Compagnie des Jésuites. Son compagnon Nicolas Trigault, natif de Douai, les traduit en latin et les publie en 1615 (je n’ai pas trouvé de traduction française). On connaît l’importance qu’a eue Ricci pour la connaissance des caractères chinois (voir Liste 54 :  Naissance de l’écriture et systèmes d’écriture )


N° 2389 Mme Yves de Thomaz de Bossierre :  Jean-François Gerbillon, S.J. (1654-1707), un des cinq mathématiciens envoyés en Chine par Louis XIV , édit. Ferdinand Verbiest Foundation, K. U. Leuven, 1994

La mission jésuite fondée par Ricci reste à la Cour de l’Empereur de Chine pendant près de deux siècles. L’un de leurs membres, le père Gerbillon, un grand mathématicien, y est envoyé par Louis XIV. Il effectue 8 voyages en Tartarie et reste 10 ans à Pékin. C’est lors de son séjour en Chine que l’Empereur Kangxi, une espèce de Louis XIV chinois, octroie son édit de tolérance (en 1692) qui autorise officiellement l’oeuvre missionnaire. Tout ce beau travail des Jésuites sera détruit comme on sait à cause de la querelle des rites. Une histoire de jalousie de la part d’autres ordres. De toute façon les Jésuites avaient beaucoup d’ennemis, en particulier en France. On considérait que la manière d’enseigner le christianisme inauguré par Ricci était hérétique. Le culte des ancêtres était particulièrement visé. En 1705 un légat du Pape Clément XI informe l’Empereur Kangxi, qui se vexe bien sûr, que les rites sont interdits. Celui-ci annule l’édit de tolérance en 1706 et l’Eglise est plus ou moins mise à la porte de la Chine. C’est un autre Clément : XIVème du nom, qui va finir par supprimer la Compagnie de Jésus. Et la Chine ne sera jamais catholique.


N° 2385 Jacqueline Thévenet :  le Lama d’Occident : Evariste Huc, 1813-1860 , édit. Seghers, Paris,1989 (relié toile)

N° 2010-11 Evariste Huc :  l’Empire Chinois , deux tomes, édit. Kimé, Paris, 1992 (reliés toile)

N° 2490 à 93 Evariste Huc :  Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet pendant les années 1844, 1845 et 1846 et l’Empire Chinois , quatre volumes, édit. de Gaume frères, Paris, 1857 (Demi-basane, pièces de titres noirs).

Les  Souvenirs de Voyage  sont contenus dans les deux premiers tomes,  l’Empire chinois  dans les tomes 3 et 4. Si de nombreux Jésuites ont continué l’œuvre du père Ricci en Chine, Evariste Huc, arrivé dans l’Empire du Milieu au XIXème siècle, était un Lazariste.


N° 2401 Père Léon s. j. Wieger :  La Chine à travers les Ages , Editions Vieux Livres du Passé, Hong-Kong, 1991 (relié toile)

Reprint. Ecrit en 1919 - Edité en 1924 à Tien Tsing. Et voilà encore un Jésuite, un Alsacien en plus : le père Léon Wieger qui se donne beaucoup de mal pour former à la culture et à l’écriture chinoises les missionnaires qui débarquent en Chine. Lui aussi a beaucoup fait pour une meilleure compréhension de l’écriture chinoise (voir là aussi la Liste 54 :  Naissance de l’écriture et systèmes d’écriture )


Pour Marco Polo, Ricci, Gerbillon, Huc et Wieger, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 1 : Cendrars et ses amis (t'Serstevens). Et pour l'écriture chinoise, voir également mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 4 Les caractères chinois.


N° 3965 Arthur Waley :  The Opium war through Chinese Eyes , George Allen & Unwin, Londres, 1958 (hard cover et dust jacket)

C’est le même Waley qui est le grand spécialiste de poésie chinoise et traducteur du Roman de Genji.


N° 2084 Jean Chesneaux :  Secret Societies in China in the 19th and 20th Centuries , traduit du français par Gillian Nettle, Heinemann, Londres, 1971

Quand on lit l’ouvrage très complet compilé à ce sujet par Jean Chesneaux, qui était Professeur à la Sorbonne et historien spécialisé de l’époque contemporaine chinoise (XIXème et XXème siècles) on comprend que ces sociétés sont loin d’être de simples sociétés maffieuses.Pratiquement toutes les sociétés secrètes chinoises étaient à l’origine avant tout des expressions de l’opposition de la population Han au trône mandchou. La société secrète la plus célèbre, la Triade, a été créée à la fin du XVIIème siècle et avait pour but de contrer la dynastie usurpatrice, celle des Mandchous, et de restaurer les Ming. Et le fameux slogan « à bas les Ch’ing, vive les Ming » était probablement partagé par la plupart de ces sociétés. Et de là il n’y avait qu’un pas à faire pour défendre également la Chine contre les autres étrangers. Le mouvement Tai Ping (1850) était lié à la Triade. Les Boxers dont la fameuse révolte (1900) a peut-être échoué mais a quand même eu pour conséquence de freiner les Occidentaux dans leur volonté de continuer à tailler dans la chair du dragon chinois, ces Boxers étaient liés à une autre société secrète, le Lotus blanc.Et il est donc tout à fait logique que ces sociétés secrètes aient aussi soutenu Sun Yat-sen et les autres nationalistes dans leur combat contre la dynastie mandchoue et leur critique de l’emprise étrangère sur la Chine.  D’ailleurs, même s’il était gênant pour quelqu’un comme Sun Yat-sen de l’avouer, certains de ses compagnons étaient d’anciens de la Triade, lui-même a pu, à certains moments, profiter de leur aide et plusieurs officiers nationalistes étaient affiliés à la Société des Frères aînés. Ceci étant, ces sociétés n’étaient pas spécialement ouvertes à la modernité. Sun Yat-sen, quand il fait un voyage de propagande en Californie en 1896, trouve les sections de la Triade apathiques et arriérées et ridicule cette idée de vouloir réinstaurer les Mings. Et puis, bien sûr, les sociétés secrètes ont eu, également, des activités criminelles genre Maffia.

Le Lotus blanc (Chesneaux l’écrit : Pai Lien Hui) est la plus ancienne de ces Sociétés : sa création remonte à la révolte contre les Mongols et au début des Mings (1368). Les Petites Epées (Hsiao Tao Hui) était une branche de la Triade et a participé à la révolte de Tai Ping dans la ville de Shanghai. Les Frères aînés (Ko Lao Hui) est une société secrète créée dans l’Armée après l’échec du Tai Ping. Quant à la rébellion manquée des Boxers elle avait plusieurs noms : I Ho Chuan (les Poings de l’Harmonie juste) ou I Ho Tuan (le Corps – au sens militaire – de l’Harmonie juste).

On évoque également les Sociétés secrètes chinoises (aussi présentes dans les Indes orientales) dans une digression dans mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 6 : Le Quatuor de Buru de Pramoedya Ananta Toer.


N° 4334 Pierre Loti :  Les derniers Jours de Pékin , Kaïlash, Paris/Pondichéry, 2006

Séjours de Loti dans la Cité impériale entre l'automne 1899 et le printemps 1900, à l'époque de la révolte des Boxers




Japon

N° 2921 C. Melvin Aikens and Higuchi Takayasu :  Prehistory of Japan , Academic Press, San Diego, USA, 1982

Livre déjà cité dans la Liste 53 :  Langues et linguistique  car il s’agit là d’une étude à la fois ethnologique, linguistique et archéologique faite par l’anthropologue Aikens de l’Université de l’Oregon et par l’archéologue Higuchi de l’Université de Kyoto.


 N° 2592 Luis Frois :  Traité sur les Contradictions de Mœurs entre Européens et Japonais , traduction Xavier de Castro et Robert Schrimpf,  Chandeigne, Paris, 1994

Un Jésuite au Japon en 1585.


N° 2390 à 2392 Engelbert Kaempfer :  The History of Japan, together with a description of the Kingdom of Siam, 1690 - 1692,  trad. J.G. Schleuchzer, trois tomes, édit. Curzon Press Ltd., Richmond, UK, 1993

C’est un reprint de l'édition de 1906, elle-même reprise de l'édition originale de 1727. Ce Dr. Kaempfer est quelqu’un de tout-à-fait exceptionnel. Né en 1651, établi d’abord à la cour du roi de Suède, puis voyageant pour les Suédois en Russie et en Perse, il va trouver un job à la Compagnie des Indes Orientales néerlandaises avant de devenir, en 1690, le médecin de la factorerie de Dejima. Alors que les Japonais, rendus méfiants par leur expérience portugaise, interdisent aux Hollandais d’avoir le moindre contact avec les habitants du pays, sauf ce qui est strictement nécessaire pour le commerce et la subsistance de la station, Kaempfer arrive à rassembler une somme de connaissances absolument époustouflante qui est publiée après sa mort, grâce à un mécène anglais, grand connaisseur de l’Orient, Sir Hans Sloane, qui rachète l’ensemble de ses manuscrits et sa documentation et les publie en 1727. Le Suisse Schleuchzer qui assure la traduction du haut-allemand en anglais est lui-même un érudit. Kaempfer s’intéresse à tout : géographie, langue, écriture, état social et religieux, médecine. Il dessine des armes, des plans de villes, des animaux, des plantes (un certain Joseph Banks publie après sa mort 59 superbes dessins de plantes japonaises). Il en rapporte aussi, des plantes, et je suppose que c’est à lui que nous devons le très bel Iris mauve du Japon que l’on désigne sous le nom d’Iris Kaempferi. Il agit en vrai scientifique. Un de ses biographes l’appelle le Humboldt du 17ème siècle et Diderot le cite dans son  Encyclopédie . Pourtant il meurt avant que son oeuvre ne soit publiée et il semble bien qu’elle n’ait pas beaucoup attiré l’attention de ses contemporains (comme ce fut déjà le cas pour le  Livre des Merveilles  de Marco Polo).


N° 2896 Paul Akamatsu :  Meiji 1868 Revolution and Counter-Revolution in Japan , édit. Harper & Row, New-York, 1972. (Hard cover)

N° 2554 Yoshiie Yoda :  The Foundation of Japan's Modernization, a comparaison with China's path towards modernization , traduction Kurt W. Radtke,  E. J. Brill, Leyden, 1996 (hard cover et dust jacket)

Quand on lit l’étude de Paul Akamatsu (qui a d’ailleurs paru d’abord en français en 1968) on se dit que c’était un véritable miracle que les Japonais aient réussi à éviter le chaos et l’intervention des Puissances occidentales. Car tout semblait annoncer la catastrophe : le pouvoir du shogoun affaibli, une lutte pour sa succession quand le shogoun Iesada meurt en 1858, un Empereur xénophobe et qui en plus se mêle des affaires de gouvernement, son entourage de nobles civils qui, à Osaka, sont si loin des réalités politiques qu’ils s’imaginent qu’on peut encore jeter les Occidentaux dehors, les féodaux (les daimyos) des grands domaines qui se révoltent contre le shogoun, se disent également xénophobes pour contrer le shogoun tout en nouant eux-mêmes des contacts avec les Puissances, la guerre civile qui se déclenche à deux reprises, sans compter les mouvements de révolte de paysans, les assassinats politiques, les attaques d’Européens et les ripostes armées de ceux-ci, etc. Et pourtant les Japonais s’en sortent.

Et non seulement s’en sortent, mais réussissent à s’adapter aux nouvelles donnes, aux techniques occidentales, et en un temps record créent une industrie, une armée, une marine, ainsi que les fondements d’un Etat moderne.Il n’y a pas d’explication évidente à ce phénomène. La fierté japonaise y est certainement pour beaucoup. Quand ils ont vraiment compris qu’ils étaient en position de faiblesse par rapport aux Occidentaux ils ont tout fait pour les rattraper. Pour les empêcher de débarquer d’abord. Pour plus tard traiter d’égal à égal et renégocier les traités qu’on leur avait imposés.Mais il ne suffisait pas de vouloir. Il fallait encore pouvoir. Le Japonais est un intellectuel. Peut-être pas un créateur. On l’a déjà dit. Mais un formidable étudiant qui est capable d’absorber et d’adapter. Il fallait aussi être en mesure de réaliser la révolution capitalistique. Et là on voit des phénomènes qui caractérisent encore le Japon d’aujourd’hui : une relation des plus étroites entre l’Etat et le privé et la formidable capacité de survie et de mainmise sur l’économie des grands groupes capitalistes.

Yoshiie Yoda est actuellement Professeur de sociologie à l’Université Waseda de Tokyo et son traducteur, Kurt W. Radtke est lui-même Professeur d’histoire japonaise moderne à l’Université de Leiden. Yoda essaye de comparer les voies prises respectivement par la Chine et par le Japon pour moderniser leur société et leur économie. Il est un peu nationaliste, le Professeur Yoda. Il faut donc faire son tri parmi les idées qu’il avance pour expliquer le retard pris par la Chine dans cette course à l’occidentalisation.D’abord il y a des raisons qui tiennent à l’histoire et à la géographie.Mais Yoda mentionne également des différences de mentalité et de culture entre les deux peuples. D’abord la solidarité chinoise est avant tout une solidarité familiale, ce que Yoda traduit par une solidarité de sang et de clans.Au Japon au contraire s’est développée depuis l’époque des Seigneurs une fidélité des samouraïs à leur Seigneur qui est devenue peu à peu une marque essentielle de la culture japonaise : et en étant fidèle à un Seigneur, on est en même temps fidèle à un groupe ou à une entité (c’est le phénomène moderne de fidélité à une entité économique, l’Entreprise). Autre différence entre Chine et Japon, toujours d’après Yoda : la façon d’accueillir le savoir étranger. On l’a déjà vu au sixième siècle. Le Japon a assimilé le tout : écriture, vocabulaire, bouddhisme, confucianisme (avec quelques réserves), expression artistique, etc. Et, plus tard, tout en tenant Portugais et Hollandais à distance, les élites japonaises n’ont jamais cessé de pomper leur savoir.Alors qu’en Chine le mot d’ordre était : « Western utilities for a Chinese body », sous-entendu : on prend à l’ouest ce qui est utile à la Chine, et seulement ce qui lui est utile ou qui paraît utile aux élites. Et là on rencontre une autre grande différence entre Chine et Japon : le vieux système des examens, c. à d. des Mandarins, de ces élites trop imbues d’elles-mêmes pour accepter que le savoir puisse venir d’ailleurs, trop déformées par le formalisme des matières sur lequel elles sont jugées dans les concours pour penser par elles-mêmes, pour innover, pour créer, ce système n’a jamais existé au Japon.

Pour ce qui est de l'ère Meiji et de la modernisation du Japon, voir mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : La Révolution de Meiji.


N° 3259 Lionel Babicz :  Le Japon face à la Corée à l’époque Meiji , préface de Michel Vié, édit. Maisonneuve et Larose, Paris, 2002

Michel Vié était Professeur émérite à l'Institut National des Langues et Civilisations orientales.L’étude de Babicz est d’abord une véritable histoire de l’évolution de l’image que l’on se fait des Coréens au Japon, l’évolution des mentalités et des visions du monde, depuis le début de la révolution Meiji jusqu’à l’annexion définitive de la Corée en 1910. On en a déjà parlé à propos de la façon dont les Coréens sont encore perçus aujourd’hui au Japon (voir Liste 60 :  Ethnologie et sociologie : 3 – Etudes régionales : Asie (Proche et Moyen-Orient, Asie du Sud-Est, Chine, Inde, Japon, Océanie et Sud Pacifique) ). Mais Babicz retrace également toute l’histoire des relations entre les deux pays. Quels sont les faits historiques qui ont précédé Meiji ? D’abord une expédition en Corée d’une impératrice japonaise au troisième siècle. Tout est un peu mythique dans cette histoire, l’impératrice comme l’expédition. Et puis il y a les tentatives d’invasion du Japon par Koubilaï Khan au 13ème siècle. Dont la dernière échoue grâce à ce fameux « vent divin », le « kamikaze ». Est-il passé par la Corée ?  Pas sûr, mais ce qui est certain c’est qu’il s’est fait accompagner de bateaux et de soldats coréens. Et puis vient l’expédition sanglante de Hideyoshi à la fin du 16ème. Hideyoshi était celui qui avait réussi à refaire l’unité du Japon après un siècle de royaumes combattants. Cela a fini par lui monter à la tête. Et à lui donner l’idée de d’abord conquérir la Corée, puis la Chine, puis le monde. Il va ravager littéralement la péninsule coréenne jusqu’à Séoul, massacrer les populations, détruire les palais, jusqu’à ce que la Chine intervienne et que les Japonais, prenant prétexte de la mort de Hideyoshi, se retirent. Après cela c’est le long règne plus ou moins pacifique des Tokugawa. Il n’empêche, le raid de Hideyoshi a laissé d’amers souvenirs en Corée et va nourrir une haine séculaire contre les Japonais. 

Quelle est la situation au début de l’ère Meiji ? Les Américains avaient imposé leur volonté au Japon, tout de suite suivis par les Russes, les Anglais, les Hollandais, les Français et tous les autres. Les Occidentaux continuaient à se partager la Chine. La Corée se ferme. Grâce à un incident militaire provoqué le Japon réussit à en obtenir l’ouverture en 1876. Notez que le Japon a quelques excuses. Il a quelques raisons de craindre l’Occident. D’ailleurs après 1876 la menace russe va se préciser et le Japon va considérer la Corée comme sa première ligne de défense: la Corée devient « la muraille du Japon ». La suite est trop longue à raconter ici. Nouvel incident en 1882. Intervention contrée par les Chinois. En 1884 des réformateurs coréens pro-japonais font un coup d’état immédiatement abattu par les Chinois. Déclaration de guerre en août 1994.Dès février 1895 la flotte chinoise est entièrement détruite. Mais les Occidents veillent et la menace russe est toujours là. Après la victoire des Japonais sur les Russes en 1905, la Corée devient protectorat japonais. Enfin, le 22 août 1910, le Japon annexe purement et simplement la Corée. Le traité est assez court : Article 1 er  : Sa Majesté l’Empereur de Corée concède totalement et définitivement sa souveraineté entière sur l’ensemble de la Corée à sa Majesté l’Empereur du Japon - Article 2 : Sa Majesté l’Empereur du Japon accepte...

Et cela va durer jusqu’à la défaite du Japon en 1945.

L’histoire de l’occupation japonaise est connue. D’abord une dictature militaire très dure jusqu’en 1920 pendant laquelle on écrase toute résistance et on japonise le pays. Puis vient une période un peu plus calme, mais pendant laquelle le pays est mis en coupe réglée. La terre est expropriée et donnée à de grandes sociétés d’exploitation agricole japonaises et à des fermiers japonais (d’ailleurs en 1918 il y avait déjà 300 000 colons japonais en Corée). L’appauvrissement des paysans du Sud qui en résulte est la cause principale de l’immigration coréenne au Japon (40000 en 1920 - 400000 en 1930 - 600000 en 1936). Les zones de pêche sont données aux Japonais. L’exploitation des forêts est telle que le pays en souffre encore aujourd’hui. Et puis on impose une politique d’assimilation radicale. On confisque et brûle des livres d’histoire coréenne. On réécrit l’histoire. On limite l’accès des enfants à l’enseignement. Et puis progressivement on interdit l’enseignement du coréen et on le remplace par celui de la langue et de l’histoire japonaises. En 1938, lorsque le régime se durcit à nouveau à cause de la guerre, le coréen est interdit dans l’enseignement secondaire. En 1941 le cursus japonais est imposé dans les écoles coréennes. En 1943 le coréen est supprimé dans les écoles primaires. Et on instaure le crime d’opinion et des juges de « pensée » ! L’Allemand Gerhard Gohl qui a soutenu une thèse sur la minorité coréenne au Japon dit que si les Allemands, en occupant les pays slaves ont engagé une politique d’extermination pure et simple, les Japonais, eux, ont perpétré sur les Coréens un véritable ethnocide culturel.

Voir aussi mon Voyage autour de ma Bibliothèque, Tome 3 : Aïnous et autres minorités (dont les Coréens).